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Marivaux, les fausses confidences : comment cette scène de révélation est-elle rendue légère et drôle par l’écriture de Marivaux ?

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Par   •  9 Mars 2023  •  Commentaire de texte  •  1 546 Mots (7 Pages)  •  244 Vues

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Marivaux, fameux dramaturge français du 18ème siècle, fait partie du grand ensemble des auteurs des lumières. Il écrit de nombreuses œuvres de théâtre principalement comique dans lesquelles il critique subtilement les inégalités sociales, comme par exemple dans L’île des esclaves en 1725 ou encore La colonie en 1750.
Jeu de l’amour et du hasard, une des ses œuvres datant de 1730, est un célèbre texte comique. Mettant en scène plusieurs personnages tels que Lisette ou encore Arlequin, ses quiproquos et ses inversions de rôles animent les différentes scènes, amusantes. Cet écrivain fait alors, avec cette œuvre, rire le public tout en portant un jugement critique de la société de son époque, notamment sur les liens entre les maîtres de maison et ses domestiques et valets.
Lors de l’acte III, scène 6, le comte, Dorante, demande à son valet, Arlequin, de prendre sa place en se déguisant lors de la rencontre avec la comtesse. Dans l’ignorance totale du plan de son futur mari, la comtesse, Sylvia demande de même à sa femme de chambre : Lisette. N’ayant point l’habitude et les compétences de se faire passer pour quelqu’un d’autres, Arlequin puis Lisette vont petit à petit laisser s’échapper des morceaux de leur véritable identité avant que celle-ci soit entièrement dévoilée.
Cette scène rythmée par les différents malentendus offre un rendu léger et comique aux spectateurs. Mais comment cette scène de révélation est-elle rendue légère et drôle par l’écriture de Marivaux ?
Après avoir démontré que ce passage était un passage d’aveux, nous prouverons par la suite que c’est aussi un passage de badinage.

Tout d’abord, cette scène remplie de révélations débute par celle du personnage Arlequin, lorsqu’il va dévoiler progressivement son identité.
        Lors de la ligne 2, la question « un mauvais gîte lui fait-il peur », le valet révèle une partie de ses conditions sociales modeste. Par la suite, Arlequin va bégayer de gêne avec « Je suis... », avant de se reprendre en changeant immédiatement de sujet afin de faire diversion auprès de la fausse comtesse. Cela va éveiller les soupçons de Lisette qui va petit à petit angoisser, paniquer. On le remarque notamment avec son enchaînement de questions très explicite, demandant avec insistance la véritable identité du comte « Ah ! tirez-moi d’inquiétude. En un mot, qui êtes-vous ? » (ligne 4), « Quel est votre nom ? » (ligne 7). De surcroît, l’interjection ici « Ah » démontre son impatience de savoir qui est la véritable personne se tenant devant elle et son angoisse. Elle perd ses moyens, sort légèrement du personnage qu’elle est censée interpréter, ici la comtesse.
Par la suite, aux lignes 5 et 12, avec les périphrases « de fausse monnaie », « qu’un louis d’or faux », « un soldat d’antichambre », Arlequin essaye de gagner du temps en ne dévoilant pas, si rapidement, son identité cachée. Il tente donc de faire comprendre subtilement à la comtesse qui il est réellement sans pour autant la révéler en trouvant des synonymes, des alternatives à son rôle.
Avec ces procédés, nous comprenons donc la révélation progressive de l’identité d’Arlequin.
        Ensuite, cette fois-ci avec plus de ruse, de malice, c’est au tour de Lisette d’avouer la personne qu’elle est en-dessous de son déguisement.
        A la ligne 24, à ce moment d’enjouement total mais surtout de soulagement pour Arlequin, Lisette place en toute implicité une phrase ayant pour but de faire réaliser à Arlequin que ce n’est pas la comtesse en face de lui « Le soldat d’antichambre de monsieur vaut bien la coiffeuse de madame. ». Elle révèle son identité de manière comique avec une méthode bien précise, celle de reprendre mot pour mot la stratégie de son précédent en employant des périphrases. On parle ici de comique de répétition.
De plus, elle reprend également le même mot qu’Arlequin pour désigner sa maîtresse, le mot « capitaine » (ligne 14 pour Arlequin et ligne 27 pour Lisette). Elle emploie cette réplique parallèle avec la sienne afin de faire comprendre la même chose, de la même manière.
        Grâce à toutes ces choses démontrer on confirme bien, que cette scène est avant tout une scène d’aveux. Seulement, n’est-ce-t-elle pas non plus une scène qui allie rire et taquinerie, séduction ?

Il est vrai, qu’on remarque énormément de badinage dans ce passage.
        Avant tout, on ressent une dimension comique qui se dégage, un sentiment enfantin, léger. En effet les deux domestiques font rire le public, surtout à l’aide du comique de situation et de mots.
La chose la plus flagrante qui ressort est le quiproquo sur l’identité des personnages. Ici, il n’y a pas qu’un seul quiproquo mais un double : Lisette ignore la vérité sur Arlequin et inversement. Ce comique de situation repose sur le fait que le spectateur, hors de la pièce, connaît plus d’informations sur les personnages que les personnages eux-mêmes. Il rit par conséquent de l’absurdité des personnes, qu’il voit dupé tour à tour. Arlequin qui pensait berner, seul, la comtesse découvre que non, la comtesse n’est en réalité qu’une domestique. Tel est pris qui croyait prendre.
Dans cette pièce, les apartés jouent un rôle essentiel sur le rendu comique. Prenons exemple sur Arlequin, ligne 8, « Lui dirai-je que je m’appelle Arlequin ? Non ; cela rime trop avec coquin ». Les jeux de mots qu’il réalise produisent quelque chose de drôle : afin de ne pas paraître trop fripouille, il hésite et réfléchit sur une rime. Ces pensées, que l’on peut penser de bête, font rire.
Avec « un mauvais gîte lui fait-il peur ? Je vais le loger petitement » à la ligne 2, le valet évoque l’amour de manière cocasse en le personnifiant. Il promet un amour en dépit de leur statut social et donc de leur vocabulaire, éloquence. Sa façon de parler ici est amusante puisqu’elle est imagée. Selon l’acteur jouant Arlequin, la possibilité de prendre un accent renforcerait d’autant plus cette atmosphère comique, notamment sur les répliques telles que « Pardi ! oui. En changeant de nom tu n’as pas changé de visage, et tu sais bien que nous nous sommes promis fidélité en dépit de toutes les fautes d’orthographes » (lignes 32-33).
Enfin, la scène se finit sur des rires et dans laquelle le jeu de rôle continue et se poursuit comme dans « Monsieur, je suis votre servante. // et moi votre valet » aux lignes 36-37.
On dénote de plus que Lisette est dominante et mène le jeu en donnant des ordres à Arlequin comme dans la réplique située à la ligne 34 « ne l’avertis de rien ». L’impératif a valeur d’ordre le confirme. Elle indique sa volonté de poursuivre, comme dans le titre, « jeu de l’amour et du hasard », sachant que Dorante n’est pas au courant de l’identité des uns comme des autres.
        Ensuite, nous observons la présence de l’amour au sein de ce moment de badinage dans lequel l’amour triomphe au-delà des classes sociales.
        On commence avec « Hélas ! madame, si vous préfériez l’amour à la gloire, je vous ferais bien autant de profit qu’un monsieur. » à la ligne 20. L’interjection lyrique « hélas » accompagnée de la proposition subordonnée, fait référence à une hypothèse avec la conjonction du subordination « si » qui exprime une incertitude, une probabilité. L’auteur met en place une comparaison également avec l’aide de « autant ... qu’un ». Dans ces répliques, Arlequin mentionne l’idée qu’il vaut autant qu’un « monsieur » malgré la classe sociale bourgeoises des « monsieur[s] » et la sienne plutôt modeste. Il place l’amour au-dessus de la gloire, de la richesse et invite d’ailleurs Lisette à faire de même.
On comprend que cet argent et classe sociale ne compte pas pour Lisette, elle en fait abstraction. On peut l’affirmer par le mot « gloire », répété, tourné au ridicule par cette personne : « Va, va, ma gloire te pardonne ; elle est de bonne composition » (ligne 34). La didascalie « riant. » à la ligne 21 renforce de plus cette idée.
L’amour règne et embaume cette scène. Le champ lexical de l’amour à la ligne 23 « Ah ! que mon amour vous promet de reconnaissance ! », reflète les sentiments amoureux de la part d’Arlequin. A la fin de la scène, la question de la réciprocité de l’amour est évoquée entre les deux domestiques : « M’aimes-tu ? » à la ligne 31 expose une question totale et sincère de la part de Lisette. A laquelle la réponse d’Arlequin ne désigne qu’une déclaration d’amour explicite, toujours sur le ton humoristique bien entendu : « Pardi ! Oui. ». Pour compléter, la litote « tu n’as pas changé de visage » (ligne 32) est une manière pour ce valet de complimenter sa bien-aimée tout en conservant peut-être cette gêne, timidité qu’il éprouve.

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