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Manon Lescaut, L’abbé Prévost, 1731

Commentaire de texte : Manon Lescaut, L’abbé Prévost, 1731. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  14 Mars 2023  •  Commentaire de texte  •  2 407 Mots (10 Pages)  •  3 110 Vues

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Manon Lescaut, L’abbé Prévost, 1731 – partie I

« Le souper avec M. de G…M… »,  De « Il vint me prendre par la main … » à « …cette ridicule scène. » 

Introduction et projet de lecture

  1. Où se situe l’extrait ? Que raconte-t-il ? Pourquoi est-il intéressant ? Résumez le contexte de la scène en expliquant quel rôle tient Lescaut.
  2. En quoi peut-on dire que les personnages jouent la comédie ?
  3. Dans cet épisode, Manon, Lescaut et DG entendent « [se] donner le plaisir d’une scène agréable ». Pourquoi le jeu que mènent les personnages s’avère-t-il savoureux pour les lecteurs ?
  4. Pouvez-vous distinguer des mouvements dans le texte ? résumez dans une phrase ce qui se passe dans chacun.
  5. Appuyez-vous sur vos réponses précédentes pour formuler votre problématique.

L’extrait se situe après l’incendie de la maison de Chaillot et le vol des économies du couple. Manon, sur les conseils de son frère Lescaut, accepte de devenir la maîtresse de M. de G…M… pour arranger les finances du couple. Elle laisse une lettre à DG afin de lui expliquer ses intentions et Lescaut vient exposer son plan au malheureux amant : il s’agit de faire passer DG pour le frère de Manon afin que le vieux libertin entretienne le couple. DG accepte amèrement le contrat mais ne peut s’empêcher d’en faire le reproche à Manon. Le couple décide alors de modifier le plan et de mystifier le vieillard afin de lui soutirer de l’argent et de disparaître à la fin de la soirée sans honorer le contrat.

Dans cet extrait, proche d’une scène de théâtre, Manon, Lescaut et DG se jouent du vieux barbon, personnage type des comédies classiques. Tous les 3 font passer DG pour le jeune frère de Manon destiné à entrer en religion dans le but de soutirer de l’argent à leur dupe. Cette tromperie se fait essentiellement « pour [se] donner le plaisir d’une scène agréable ». Elle est avant tout plaisante et on rit aux dépens d’un vieux libidineux ; un lien de connivence naît alors entre le lecteur et les personnages qui en savent plus que le vieillard sur son propre compte.

Problématique : en quoi cette scène comique de duperie révèle-t-elle la duplicité des personnages ?

Mouvements

Du début à la l. 9 « un si bon modèle » : Une entrée en scène ridicule

L. 9 à 24 (« un enfant de province ») : le regard condescendant de M. de G…M… sur le jeune provincial

Ligne 24 à la fin : duplicité de DG.

Questions mouvement 1

  1. Ds la 1ère phrase, comment l’infantilisation de DG est-elle soulignée ? Quelle est l’attitude de Lescaut ? En quoi peut-on dire qu’il mène le jeu ? Comment cela se traduit-il grammaticalement ?
  2. Comment Lescaut présente-t-il DG ? pourquoi le lecteur peut-il rire de cette présentation du personnage ?
  3. Pourquoi Lescaut se retourne-t-il vers DG à la fin de la présentation ? relevez les expressions à double sens qu’il emploie et expliquez pourquoi elles sont plaisantes pour le lecteur.

Mouvement 1 : une entrée en scène ridicule

Après que Manon « eut serré l’argent et les bijoux », objets de sa convoitise, la scène de comédie débute par l’entrée en scène du jeune frère présenté comme un innocent destiné à entrer en religion.

Il vint me prendre par la main, lorsque Manon eut serré l'argent et les bijoux, et me conduisant vers M. de G... M..., il m'ordonna de lui faire la révérence. J'en fis deux ou trois des plus profondes. Excusez Monsieur, lui dit Lescaut, c'est un enfant fort neuf. Il est bien éloigné, comme vous voyez, d'avoir les airs de Paris ; mais nous espérons qu'un peu d'usage le façonnera. Vous aurez l'honneur de voir ici souvent Monsieur ajouta-t-il, en se tournant vers moi ; faites bien votre profit d'un si bon modèle.

Lescaut metteur en scène : le personnage se montre directif par sa gestuelle, c’est lui qui dirige DG, le prend par la main, le conduit. Son autorité apparaît aussi dans les injonctions qu’il donne : « il m’ordonna », « faîtes bien votre profit » (impératif). Il apparaît comme le maître du jeu en infantilisant DG qui se montre complètement passif : il est réduit à la position d’objet dans la phrase. DG est ainsi présenté comme un ingénu, ignorant des convenances sociales. Il surjoue son rôle de naïf par une gestuelle outrée (révérences « des plus profondes) dans une pantomime grotesque. De plus, le DD de Lescaut insiste sur son innocence par la périphrase « c’est un enfant fort neuf » : c’est un provincial, (habitant une région hors de la capitale) rustique qui ne connaît pas les usages de Paris, ville où sont définies les normes de conduite du beau monde. Il doit être éduqué, poli, façonné par des fréquentations mondaines.

Une scène de comédie : l’entrée en scène du petit frère est théâtralisée et rapporte les dialogues des personnages. Le jeu des personnages est propre à amuser le lecteur qui est complice de la situation de duperie. En outre les paroles de Lescaut adressées à DG prennent un double sens que le lecteur peut saisir. En effet, la périphrase laudative « un si bon modèle » pour désigner les qualités du vieil aristocrate prend une valeur ironique, le comportement du vieux libidineux n’ayant rien d’exemplaire. Le conseil « faites bien votre profit » est aussi à double sens : il peut s’entendre comme une incitation à suivre l’exemple de ce parfait aristocrate ou comme une invitation à le voler, à profiter de lui.

Questions mouvement 2

  1. Commentez l’expression « vieil amant ». A quel type de personnage de comédie peut-on l’associer ?
  2. Pourquoi la façon dont « le vieil amant » salue DG est-elle comique ?
  3. M. de G…M… évoque la débauche des jeunes parisiens : pourquoi cette remarque rend-elle le personnage à la fois ridicule et détestable ?
  4. Comment M. de G…M… infantilise-t-il DG ? En quoi cela le rend-il encore plus ridicule ?
  5. Comment DG montre-t-il qu’il s’est joué du vieillard ? Commentez les phrases à double sens.

Mouvement 2 : le regard condescendant de M. de G…M… sur le jeune provincial. Le vieil aristocrate s’intéresse e observe le petit frère et porte un jugement erroné sur celui-ci.

Le vieil amant parut prendre plaisir à me voir Il me donna deux ou trois petits coups sur la joue, en me disant que j'étais un joli garçon, mais qu'il fallait être sur mes gardes à Paris, où les jeunes gens se laissent aller facilement à la débauche. Lescaut l'assura que j'étais naturellement si sage, que je ne parlais que de me faire prêtre, et que tout mon plaisir était à faire de petites chapelles. Je lui trouve de l'air de Manon, reprit le vieillard en me haussant le menton avec la main. Je répondis d'un air niais : Monsieur, c'est que nos deux chairs se touchent de bien proche ; aussi, j'aime ma sœur Manon comme un autre moi-même. L'entendez-vous ? dit-il à Lescaut, il a de l'esprit. C'est dommage que cet enfant-là n'ait pas un peu plus de monde. Oh ! monsieur, repris-je, j'en ai vu beaucoup chez nous dans les églises, et je crois bien que j'en trouverai, à Paris, de plus sots que moi. Voyez, ajouta-t-il, cela est admirable pour un enfant de province.

L’aveuglement comique du vieux libidineux : la périphrase « vieil amant », presque oxymorique rappelle son âge avancé et renvoie au type du vieux barbon dans les comédies de Molière (cf Arnolphe ds L’Ecole des femmes), ces vieillards qui veulent épouser des jeunes filles. Il est parfaitement joué et entre entièrement dans le rôle qui lui a été dévolu en traitant DG avec une bienveillance paternaliste. Il se montre cependant condescendant, supérieur en l’observant et en le manipulant sans égard et s’étonne des qualités  d’un « enfant de province ». Il va même jusqu’à mettre en garde le jeune homme sur les dangers de la vie parisienne qui peut mener facilement à la débauche, leçon de morale comique de la part d’un vieux débauché. Il est abusé aussi par  l’air de ressemblance avec Manon et ne comprend pas la réponse à double sens de DG. M. de G…M… apparaît donc comme un vieillard ridicule et peu sympathique, hypocrite dans son discours moraliste.

La comédie de l’innocence : L’ingénuité de DG est d’abord soulignée par le DD de Lescaut qui rappelle le bon naturel de l’enfant, son peu d’appétit pour les plaisirs  et sa vocation religieuse. DG adopte le comportement du jeune niais et peu subtil. Sa réponse est toutefois grivoise et comporte un double sens : « nos deux chairs se touchent de bien proches » : s’entend dans le sens de la fraternité mais aussi fait allusion aux rapports charnels des deux amants. Par un effet d’ironie dramatique (le lecteur en sait plus que le personnage), le vieux barbon s’adresse à l’amant de sa maîtresse sans le savoir : la remarque « il a de l’esprit » prend une valeur comique dans la mesure où le libertin ne se doute pas que DG en a bien plus qu’il ne le pense, qu’il se joue de lui et que c’est lui-même qui tient le rôle du naïf. Ce dernier continue sa comédie en feignant de prendre les paroles de M. de G…M… au 1er degré « C’est dommage que cet enfant-là n’ait pas un peu plus de monde » : le monde renvoie ici aux relations mondaines et non à la foule de pratiquants dans les églises. DG adopte ici le masque du jeune homme pieux et naïf mais sa dernière remarque « je crois que j’en trouverais à Paris de plus sots que moi » prend la valeur d’une litote ironique.

DG se joue donc du vieux barbon et offre au lecteur une « scène plaisante ». Le lecteur, complice du stratagème, rit aux dépens du vieux libidineux, parfaite dupe qui ne saisit pas le double sens des paroles de DG. Le rire repose donc sur un comique de caractère, un comique de parole et de situation.

Questions mouvement 3

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