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Le flâneur de Baudelaire : déambulations urbaines d’un poète maudit

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Par   •  26 Septembre 2025  •  Commentaire de texte  •  5 382 Mots (22 Pages)  •  22 Vues

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Séminaire d’histoire littéraire, « Paris au XIXe siècle »        Pierre-François Michaud

Chargé de cours : Émilien Sermier                16.05.2025

Le flâneur de Baudelaire : déambulations urbaines d’un poète maudit

Durant le XIXe siècle, Paris se transforme et une littérature dite « panoramique » se met en place pour tenter de faire sens de ce nouveau paysage urbain et de sa population. C’est dans ce cadre qu’émerge une nouvelle figure, celle du « flâneur », dont l’apparition littéraire en 1832 dans l’œuvre Paris ou le Livre des Cent-et-un fera date. Reprise les années suivantes par de nombreux auteurs qui contribuent ainsi à son succès, cette figure est bien le résultat d’une co-construction, chacune de ses occurrences littéraires prenant des teintes particulières, précisant ou modifiant certains de ces traits, comme ce sera notamment le cas avec la Physiologie du flâneur de Louis Huart, publiée en 1841, ainsi qu’avec « Le flâneur » d’Auguste de Lacroix, publié la même année.

Quelques années plus tard, c’est sous la plume de Baudelaire qu’apparaitra une nouvelle fois le flâneur, le poète revisitant cette figure alors que Paris est en pleine transformation avec les grands projets haussmanniens d’urbanisation. La capitale subit une réorganisation de ses espaces : les démolitions sont nécessaires pour faire place aux boulevards, la structure du tissu urbain change et, dans le même temps, il impacte aussi la manière d’habiter la ville. C’est dans ce cadre que Baudelaire publie les Fleurs du mal, qui contiendra dès 1861 les « Tableaux parisiens », où le poète peint un paysage urbain au sein duquel le sujet déambule à la manière d’un flâneur revisité.

Si Walter Benjamin fera ainsi de Baudelaire l’écrivain de la flânerie par excellence au XXe siècle, un examen plus minutieux de l’œuvre du poète nous semble nécessaire afin de caractériser plus précisément la figure qu’il construit et les nouvelles inflexions qu’il lui donne par rapport à ses prédécesseurs. Dans le cadre de ce travail, notre objectif sera donc d’analyser, d’abord dans « Les Sept Vieillards », puis plus largement dans les « Tableaux parisiens », comment le texte construit ce sujet lyrique dans son rapport avec l’espace urbain qui l’environne. Nous montrerons ainsi que, sous la plume de Baudelaire, la figure du flâneur dont, en somme, il est l’un des héritiers, se transforme, mêlant à l’observation inquiète de la ville et de ses habitants une vision souvent hallucinée, fantasmagorique, qui transcrit le malaise du poète dans cette ville changeante.

Le poème « Les Sept Vieillards » permettra dans un premier temps d’illustrer comment le texte construit l’éprouvante confrontation du sujet lyrique à son environnement urbain, conduisant finalement le poète à un repli désespéré sur lui-même. Par la suite, l’élargissement de notre analyse à d’autres poèmes de ce recueil nous amènera à étoffer notre réflexion, en soulignant notamment la mobilisation récurrente de ces éléments urbains dans l’élaboration poétique, mais aussi le rapport ambigu entretenu par le poète avec la ville et sa population. Enfin, une mise en perspective du sujet lyrique de Baudelaire avec les œuvres de Louis Huart et d’Auguste de Lacroix nous permettra de mettre en lumière les similitudes et les écarts entre ces figures de flâneurs.

  1. Baudelaire et « Les Sept Vieillards » : un poète dans la ville

Avant d’entrer dans l’analyse de l’œuvre, il nous semble utile de situer l’auteur dans le XIXe siècle. Né à Paris en 1821, c’est dans cette ville que Charles Baudelaire vivra jusqu’à sa mort en 1867. Point de repère fondamental pour lui, la capitale prend une place à part dans son œuvre. Comme le souligne Citron : « Ayant toujours vécu à Paris, il n’a connu les hommes et les villes qu’à travers Paris. L’humanité, dans la mesure où il en a une expérience directe, se confond pour lui avec Paris : la société, la foule, les autres, pour lui, c’est Paris »[1]. L’auteur a ainsi été exposé à diverses influences, allant du romantisme dont Victor Hugo était l’un des chefs de file en France à l’œuvre d’Edgar Allan Poe, dont Baudelaire traduira plusieurs textes et chez qui nous retrouvons certaines teintes de l’univers fantastique et inquiétant de l’auteur américain.

Ces influences sont notamment lisibles dans son œuvre la plus connue, Les Fleurs du mal, publiée en 1857. Conçue comme un livre structuré avec plusieurs chapitres, chacun formant un recueil de poèmes, le titre de l’ouvrage constitue une invitation à entrevoir la Beauté dans ce qu’il y a de plus sombre. C’est uniquement à partir de la deuxième édition, en 1861, que Baudelaire ajoute à son œuvre les « Tableaux parisiens ». Composée de dix-huit poèmes, cette section lui permet de déployer une poétique de l’espace urbain, où le poète déambule dans la ville et où son regard rencontre des objets et personnages divers – le mettant ainsi en scène dans une figure revisitée du flâneur, bien que le terme en lui-même n’apparaisse pas explicitement.

Cinquième poème de ce recueil des « Tableaux parisiens », « Les Sept Vieillards » est composé de treize strophes, chacune constituant un quatrain. Les vers sont des dodécasyllabes dont les rimes sont croisées, donnant à ce poème une certaine régularité qui viendra contraster avec l’atmosphère inquiétante et irréelle que le texte construit. Cependant, des irrégularités contrebalancent ces aspects formels plus classiques et, à ce titre, nous reviendrons par la suite sur le rejet qu’il est possible de relever au vers 17[2].

En termes de contenu, le poème débute par une réflexion générale sur la ville de Paris, avant de mettre en scène un décor urbain et un sujet lyrique déambulant en son sein en suivant un « faubourg »[3]. Cependant, cette promenade se trouve brusquement interrompue par l’apparition d’un vieillard, figure inquiétante, menaçante, qui semble se démultiplier sous le regard du poète. Cette apparition fantasmagorique lui devient insupportable et, obligé de rentrer chez lui, il s’enferme pour tenter de calmer son « esprit fiévreux »[4] alors que son âme continue de s’agiter. Le poème se termine donc sur le mal-être de ce sujet lyrique « Blessé par le mystère »[5].

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