L'écriture de Gargantua a-t-elle été la distraction d'un humaniste qui s'amuse et se délasse ?
Dissertation : L'écriture de Gargantua a-t-elle été la distraction d'un humaniste qui s'amuse et se délasse ?. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar beberyl • 25 Juin 2025 • Dissertation • 3 096 Mots (13 Pages) • 12 Vues
Dans son roman Gargantua, publié en 1534 et appartenant au XVIème siècle, siècle des humanistes, Rabelais répond aux attentes de ce mouvement qui prône un retour vers la culture de l’Antiquité gréco-latine et ainsi un plein épanouissement des facultés humaines. Cependant, son roman peut sembler purement comique ayant pour seul but de faire rire son lecteur en raison d’un style tourné vers l’hyperbole, le grotesque et le ridicule. On peut donc être juste de se demander si « l’écriture de Gargantua n’a [été] pour Rabelais que la distraction d’un humaniste qui s’amuse et se délasse. D’un côté, on peut considérer que cette œuvre inclassable alimentée par un comique qui paraît continu soit seulement le fruit d’une « distraction » de son auteur. Il aurait ainsi créé un récit imaginaire merveilleux pour susciter chez son lecteur le même amusement qu’il a eu à écrire son roman. D’un autre, il semble compliqué de limiter ce livre à cela lorsque l’on connaît le très grand engagement humaniste de Rabelais, son métier de médecin érudit, qui l’a poussé toute sa vie à réfléchir et à faire réfléchir ses lecteurs sur les capacités de l’humain. C’est pourquoi on peut s’interroger sur le but de Rabelais lors de l’écriture de Gargantua : voulait-il seulement se distraire et distraire ses lecteurs ? Dans un premier temps, nous verrons le roman de Rabelais comme une œuvre divertissante pour ensuite observer sa dimension humaniste sérieuse et enfin reconsidérer notre point de vue : c’est une œuvre qui s’appuie sur le comique pour délivrer son message, un « plus haut sens ».
Certes, l’écriture de Gargantua était pour Rabelais un amusement partagé avec son lecteur comme le montre son propre discours parfois à l’image de certains de ses personnages les plus importants qui sont à l’origine de chapitre purement comique de son œuvre.
Tout d’abord, Rabelais réclame lui-même son livre tel qu’un récit écrit pendant un moment de distraction. Il dit ne pas y avoir prêté beaucoup d’attention comme si son roman était le fruit d’une débauche, d’un amusement. Dans son prologue, il s’adresse tout de suite non pas à des lecteurs érudits venant découvrir sa nouvelle œuvre mais aux « buveurs très illustres » et aux « vérolés très précieux » à qui il dédie son livre. Il semble considérer que son travail doit être lu par des gens pouvant le comprendre à sa juste valeur ramenant ainsi Gargantua à un roman de débauche. Il fait aussi l’éloge du « bon Bacchus » dieu romain de la vigne, du vin et de l’ivresse des fêtes nous montrant son grand attachement à cette boisson, la détente qui en découle. Dans la partie deux de son prologue il décrédibilise son travail alertant son lecteur que les vers livre pourrait être le résultat de beaucoup de vin « quoique en les dictant je n’y aie pas pansé plus que vous qui peut-être buviez comme moi ». Il annonce qu’on ne doit pas forcément essayer de construire des interprétations alambiquées mais prendre son livre pour ce qu’il est : une distraction. Ainsi, le discours de Rabelais sur son propre livre peut nous faire penser qu’il ne souhaitait que s’amuser et se délasser en l’écrivant.
Ensuite, les personnages du roman sont également attirés par ce lourd penchant de Rabelais à l’amusement. En effet, certains reflètent son état d’esprit tournés vers une vie de bon vivant qui mange, boit, dort souhaitant s’amuser et se distraire du mieux qu’ils puissent. Ces protagonistes nous laissent penser que le roman n’est pas sérieux puisqu’ils réalisent des actions risibles au court du roman comme si Gargantua était une distraction comique pour Rabelais qui voulait nous distraire à son tour grâce à ses personnages. C’est ainsi qu’on peut assister à la naissance de Gargantua dont les premiers mots (alors qu’il vient pourtant de naître) sont « à boire, à boire, à boire ». Cela annonce la suite de son enfance qui va être des plus turbulentes et amusante pour nous, lecteur. Il va donc laisser court à toute ses envies ne pensant qu’à ce distraire ce qui donne des chapitres comme le chapitre 11 qui est une liste de toutes ses âneries ou le chapitre 13 où le jeune géant philosophe sur le meilleur matériau pour s’essuyer après avoir déféquer : le meilleur « torche-cul » est d’ailleurs selon lui un oison. Dans la seconde partie du roman un nouveau personnage apparaît faisant écho à cette débauche, celui de Frère Jean. Comme le jeune Gargantua et Rabelais, il éprouve une grande affection pour la boisson, l’amusement et toute action comique pouvant faire s’esclaffer le lecteur. Il va ainsi inviter ses compagnons à boire et à ripailler à l’aube de la bataille où il se fit capturer ou interpréter l’énigme du chapitre 58 trouvée dans les fondations de l’abbaye comme un simple récit du jeu de Paume. Il rappelle ainsi le propos de Rabelais de ne pas forcément essayer de surinterpréter son livre et d’accepter qu’il puisse être un roman d’amusement motivé par la boisson. Frère Jean conclut donc notre roman par la brève exclamation « Et à votre santé !». Ainsi les personnages créés par Rabelais lui ressemble et peuvent donc tenir le même discours que lui et amener l’idée d’un processus d’écriture à visé comique et insouciante.
Enfin, de nombreux chapitres de Gargantua nous font penser que leur seul but est de nous faire rire autant l’auteur que le lecteur. Ils ne contiennent pas de sens caché ou de message particulier mais se veulent seulement comiques. Comme si lors de l’écriture de son roman Rabelais avait voulu s’amuser en lui déposant des « îlots » de comiques purs. C’est donc le cas comme dans les chapitres 11 (ou 13 sur la majeur partie) que nous avons cités précédemment mais aussi au chapitre 17 où Gargantua urine « par ris » sur les parisiens juste avant de dérober leurs cloches. Cette situation est hautement comique avec des ordres de grandeurs complètement disproportionnés : l’urine de Gargantua du fait de son statut de géant noie plus de 260 000 personnes et les survivants sont contraints de se percher sur une montagne pour rester en vie. Le comique scatologique est d’ailleurs un des grands plaisirs de Rabelais pour faire rire son lecteur. On peut aussi observer d’autres chapitres comme la chapitre 5 qui est une longue conversation entre ivrognes, tous plus éméchés les uns que les autres qui font de ce chapitre un récit d’inepties dénuées de sens mais ayant un effet comique pour le lecteur qui peut se reconnaître dedans. Le meilleur chapitre pour illustrer notre argument reste le chapitre 16 où la jument de Gargantua (géante comme lui) en essayant de se débarrasser des mouches à bœufs l’assaillant découpa tous les arbres de l’immense forêt ce qui eu pour effet de nommer le pays la Beauce d’après le commentaire de Gargantua « je trouve beau ce » en parlant du nouveau paysage qui s’étendait devant lui. La situation nous paraît impossible et grotesque mais suscite aussi chez nous l’envie de rire devant un comique aussi absurde. Ainsi, des chapitres comme ceux-ci nous amènent à penser que Rabelais en les écrivant souhaitait seulement se faire rire et nous faire rire induisant donc l’idée de l’écriture de Gargantua comme une distraction comique pour son auteur.
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