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Entrée royale de Henri II à Rouen 1550

Commentaire de texte : Entrée royale de Henri II à Rouen 1550. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  22 Octobre 2020  •  Commentaire de texte  •  4 477 Mots (18 Pages)  •  930 Vues

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        Le XVIème siècle voit s’affirmer le caractère absolu de la Couronne, cette importante évolution est marquée tant par le poids croissant de l’appareil monarchique que par l’exaltation qui est faite du roi, plus seulement dans sa fonction mais aussi dans sa personne. Cela se remarque fortement lors des Entrées Royales, comme celle présentée dans les documents que nous allons étudier.

        En effet, ce dossier de documents est constitué d’une plaquette imprimée le 9 décembre 1551 à partir de trois autres plaquettes du même nom, imprimées en 1550. Elles s’intitulent La déduction du somptueux ordre, plaisantz spectacles et magnifiques théâtre dressés et exhibés par les citoyens de Rouen, ville métropolitaine de Normandie, à la sacrée Majesté du Très Christian Roy de France, Henry second, leur souverain Seigneur, et à Très illustre dame, ma Dame Katherine de Médicis, la royne son épouse. L’auteur de cette plaquette est anonyme, tout comme l’auteur des miniatures de 1550 tirées du manuscrit Joyeuse entrée de Henri II à Rouen.

Tous ces documents nous décrivent une entrée royale qui, selon Arlette Jouanna dans La France de la Renaissance, histoire et dictionnaire, est une entrée solennelle du roi dans une ville, pour laquelle les meilleurs artistes de la cité réalisent des décors, théâtres et même des monuments éphémères selon les consignes reçues. Ces entrées, à travers les louanges faites au roi, sont pleines de significations comme nous allons le voir au cours du développement.

Ces plaquettes ont été imprimées dans l’objectif de faire revivre au lecteur l’entrée royale d’Henri II en la ville de Rouen, en Normandie, en 1550, qui vient célébrer sa victoire sur les anglais suite à la signature du traité d’Outreau le 24 mars 1550. En plus de mettre fin à la guerre commencée le 8 août 1549 contre le royaume d’Angleterre, ce traité oblige les anglais à remettre la ville de Boulogne aux mains du royaume de France. Les anglais doivent également quitter les places qu’ils ont conquises en Écosse, qui est un royaume allié de la France depuis le 13ème siècle et qui forment ensemble l’Auld Alliance. En échange, Henri II promet de verser la somme de 400 000 écus au royaume d’Angleterre. Selon Ivan Cloulas dans son œuvre intitulé Henri II, le roi a choisi Rouen pour son entrée royale car la ville est proche de Boulogne, qu’elle fait face à l’Angleterre et qu’elle a été elle même reconquise autrefois sur les Anglais. En outre, la Normandie est dans l’apanage du dauphin et son gouverneur est l’amiral d’Annebaut qui a combattu les anglais sur mer. Le choix de la ville vient donc rappeler la victoire française sur les anglais.

Néanmoins, cette lutte avec l’Angleterre s’inscrit dans des rivalités qui dépassent l’intérêt du contrôle de la Normandie, porte du royaume de France.

En effet, rappelons que Henri II est roi de France depuis 1547, il est le successeur de François Ier, son père. Comme un héritage légué par son père, Henri II reprend les prétentions de François Ier, ainsi que sa volonté d’une monarchie impériale qui régnerait sur l’Europe, voire sur le monde entier. Cette lutte pour une hégémonie sur l’Europe s’inscrit dans une concurrence avec Charles Quint, membre de la famille des Habsbourg et qui est, depuis 1519, Empereur du Saint-Empire Romain Germanique, en plus d’être Roi des Espagnes, de Naples et de Sicile depuis 1516 et Duc de Bourgogne depuis 1506. Charles Quint souhaite lui aussi construire un empire qui serait à la tête des chrétiens et ainsi de réaliser le rêve carolingien.

Charles Quint et les rois de France vont donc se mener une rude concurrence pour l’hégémonie européenne, que ce soit à travers les guerres d’Italie menées par François Ier et ses prédécesseurs, ou encore, comme nous allons le voir plus loin, à travers l’image qu’ils renvoyaient lors des différentes cérémonies ou des descriptions que les contemporains faisaient de leur personne.

Afin de mieux comprendre la portée de l’entrée royale décrite dans ces documents, il est nécessaire de faire un point sur la ville de Rouen. Selon La France de la Renaissance, histoire et dictionnaire écrit sous la direction d’Arlette Jouanna, Rouen est une ville de Normandie de 70 000 habitants en 1550 et qui connaît un dynamisme économique considérable avec une agriculture prospère et d’importantes « industries » urbaines et rurales. En outre, comme nous le verrons plus tard, Rouen était une ville dont l’économie reposait aussi sur le commerce et l’exploitation maritime et qui menait des expéditions dans le Nouveau Monde. En effet, la mer Méditerranée, depuis 1492 et la découverte des Amériques, a été progressivement délaissée au profit de nouvelles routes commerciales que des villes comme Rouen vont exploiter.

        Ainsi, nous pouvons nous demander quels sont les multiples objectifs et significations de l’Entrée Royale. Pour ce faire nous verrons en premier lieu que, pour la ville, l’organisation et le déroulement de l’Entrée royale sont codifiés selon les normes de la Société d’Ordres et permet à Rouen de faire valoir sa richesse et sa prospérité. Puis nous verrons que la codification de l’Entrée royale affirme le modèle du roi « Très Chrétien » et du « roi guerrier », modèle renforcé et influencé par une idéologie impériale et d’inspiration antique.

        Pour mener à bien cette entrée royale permettant à la ville de Rouen d’exalter ses richesses, les élites des différents états, les officiers royaux, ainsi que les échevins, vont se rassembler et délibérer quant à la marche à suivre pour organiser l’entrée royale, qui est un moment rappellant la hiérarchie de la société de l’Ancien Régime et surtout l’obéissance que tous les sujets du royaume doivent à leur roi.

En effet, dès qu’ils sont avertis de la venue du roi, les « conseillers échevins de Rouen » (l.21), c’est-à-dire le conseil municipal, rassemblent « les Citoyens de ladite ville, signament les principaux et plus éminents, en la présence de Monsieur le Lieutenant général, de Monsieur le Bailli de Rouen, Avocat et Procureur du Roy... » (l. 27-28) pour qu’ils délibèrent quant à l’organisation de l’entrée royale. Tous les citoyens ne sont pas appelés à participer à l’élaboration ou au défilé de l’entrée, mais seulement les « principaux et plus éminents », c’est une organisation extrêmement hiérarchisée qui renvoie directement à l’organisation sociétale de l’Ancien Régime ; la société d’Ordres. Dans cette société existent trois ordres avec une fonction attribuée à chacun d’entre eux ; la noblesse avec une fonction militaire, le clergé qui occupe une fonction spirituelle et le tiers-état pour le labeur. Ce système provient du Moyen-Âge, mais au XVIème siècle on ajoute à chaque ordre une vertu, une qualité à laquelle chacun doit se tenir, la qualité faisant l’ordre auquel on appartient et l’ordre faisant la qualité. Cette vertu détermine la valeur d’une catégorie et prévaut largement sur un critère externe de richesse ou même de fonction. Ainsi, selon cette division sociétale en ordres, dans l’organisation et le déroulement de l’entrée royale, chaque individu a sa place et son rôle. Pour que chacun puisse comprendre « l’ordre et rang qu’ils devaient suivre » (l. 34) on leur assigne « certains capitaines ou chefs, pour être par eux dressés » (l. 35). Alors, l’élite des citoyens de la ville, employèrent « leurs bien et personnes, selon l’ordre qui leur fut alors assigné » (l. 33) afin d’accomplir « le devoir auquel ils étaient tenus envers leur prince » (l. 31), le roi, à la tête de cette hiérarchie qui fait la société d’ordres.

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