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La Turquie, entre engagements internationaux et ambitions nationales

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Par   •  24 Août 2020  •  Dissertation  •  1 869 Mots (8 Pages)  •  391 Vues

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La Turquie, entre engagements internationaux et ambitions nationales

La Turquie, pays pivot entre l’Europe, l’Asie et le Proche et Moyen-Orient, met en œuvre depuis quelques années une diplomatie agressive entre déclarations fortes et présence militaire affirmée dans un voisinage de plus en plus étendu. De l’offensive au Nord de la Syrie, au soutien affiché au gouvernement de Tripoli, en passant par les actions d’intimidation à l’encontre de navires de pays pourtant alliés, la Turquie semble être dans une situation de renversement des alliances où Moscou devient son principal partenaire en lieu et place de Washington. Il importe ainsi d’analyser quels sont les éléments dans la diplomatie turque qui laissent entrevoir une augmentation des ambitions internationales du pays, en même temps qu’un changement de posture sur de nombreux sujets. La Turquie, par ses nouvelles ambitions internationales, se trouve en porte-à-faux vis-à-vis de ses engagements internationaux traditionnels, envers l’OTAN et l’Europe. Pour comprendre cette situation il est nécessaire d’analyser l’action de la Turquie suivant une approche géographique concentrique, du voisinage immédiat vers l’espace euro-atlantique avant de s’intéresser aux ambitions plus lointaines d’Ankara.

La Turquie déploie de nombreux efforts diplomatiques, coopératifs ou agressifs envers ses voisins immédiats, depuis le Caucase et les Balkans orientaux, jusqu’à la Méditerranée orientale. Depuis la fin des années 2000, la Turquie a réussi à devenir un pôle d’attraction régional, y compris grâce à sa croissance économique qui en fait un émergent de second rang. Porte d’entrée vers l’Europe, la Turquie a pris en compte les avantages de sa position géographique en participant aux projets européens de contournement de la Russie par le sud – vers l’Azerbaïdjan notamment - pour la construction de nouveaux gazoducs, ambitionnant de devenir le nouveau hub gazier du sud-est européen. Pour ce faire, le pays a également tenté de renforcer ses liens économiques avec Israël. Las ces efforts ont été mis à bas par des divergences entre Ankara et Tel Aviv sur la question palestinienne, point sur lequel la Turquie veut faire entendre sa voix. Dans le même domaine, la Turquie essaie depuis maintenant quatre ans de s’imposer également comme le pays centralisateur des ressources gazières de Méditerranée orientale avant leur redistribution vers l’Europe. La posture particulièrement agressive vis-à-vis de Chypre – mais aussi de la Grèce, d’Israël et de l’Italie- se comprend partiellement dans cette volonté d’être la grande puissance de Méditerranée orientale, une sorte de nouveau pays majeur de transit, régulant les flux gaziers vers une Europe consommatrice.

En étendant ce périmètre géographique, la Turquie se veut également un acteur majeur – politique et économique – de la reconstruction du Proche et Moyen-Orient post-Daech. Les liens forts avec le gouvernement autonome du Kurdistan irakien, sur fond d’exportations de pétrole et le soutien apporté aux insurgés sunnites contre le gouvernement de Damas en Syrie sont, nolens volens et malgré parfois des revers importants, des constantes de l’action politique turque. Identiquement, sur fond de communauté de vues religieuses, la Turquie soutient fermement le gouvernement de Tripoli en Libye face aux forces du maréchal Haftar. L’action turque sur le terrain, à base de « volontaires » et de matériel militaire de bon niveau, a permis aux forces du gouvernement Sarraj de renverser la situation à la fin du printemps 2020. La Turquie apparaît ainsi comme le faiseur de rois en Libye, tentant également de mettre en place un accord de continuité de zones économiques exclusives avec Tripoli, dans le but d’augmenter sa surface maritime en Méditerranée. Cette situation d’intense activité politique, économique et militaire, accroit le niveau de tension dans une région déjà fortement instable, au grand déplaisir de l’Union européenne qui voit l’action de la Turquie comme un obstacle majeur à ses ambitions de maintien de la paix et de la stabilité.

De fait, cette situation tend les rapports avec l’Union européenne et ses Etats-membres. Depuis la fin des années 1990 et la reconnaissance du statut de pays-candidat à l’entrée dans l’Union européenne, les rapports entre la Turquie et l’Union n’ont cessé de se détériorer, y compris avec l’adhésion de Chypre à l’UE en 2004 qui a marqué un tournant, vu la situation du pays. Le cas le plus emblématique de ces tensions est la relation entre la Turquie et la France qui est marquée, depuis l’élection d’E. Macron, par une défiance réciproque, sur le dossier de la Méditerranée orientale et, surtout, sur celui de la Libye. Le récent incident de la frégate Courbet en Méditerranée illustre cette escalade dont personne ne sait pour le moment où elle pourrait s’arrêter. La France n’est toutefois pas le seul pays de l’UE extérieur à la Méditerranée orientale à avoir fait les frais de la politique extérieure agressive d’Ankara. En février 2018, la marine turque avait ainsi intercepté un navire de forage gazier affrété par l’entreprise italienne ENI au large du block n°3 de Chypre. Cette action qui marquait une grande première dans les tensions autour des ressources de l’île – utilisation de moyens militaires face à un navire commercial – avait déjà créé une fracture entre l’Union européenne et la Turquie, alors même que le pays est associé à l’Union depuis les années 1960 et qu’une procédure d’adhésion est en cours depuis le milieu des années 1980.

Outre les rapports avec l’UE et ses Etats-membres, il appartient de mentionner également l’offensive diplomatique de la Turquie vis-à-vis des pays européens extérieurs à l’UE, dans les Balkans occidentaux. Il existe ainsi une véritable concurrence entre l’UE et la Turquie vis-à-vis de pays comme l’Albanie, le Kosovo ou la Bosnie-Herzégovine, où Ankara déploie depuis près d’une décennie à la fois ses subsides économiques et son soft power.

Au-delà, se pose la question du rapport entre la Turquie et l’OTAN. Certes sur la question chypriote, l’OTAN se situe hors de la problématique, toutefois il importe de s’interroger sur le futur du pays au sein de l’Alliance. Alors que la Turquie semble maintenant en dehors des coopérations majeures et agit plus au sein de l’OTAN comme une force de freinage que comme un moteur, les récents choix en matière d’équipements de défense d’Ankara ont semblé acter une séparation inéluctable. En effet, la volonté de l’armée turque d’acquérir des systèmes de défense anti-aérienne S-400 de

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