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Roman Et Chartreuse de Parme

Dissertation : Roman Et Chartreuse de Parme. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Novembre 2013  •  1 966 Mots (8 Pages)  •  1 107 Vues

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La Chartreuse de Parme est un roman de formation : c'est dire que le roman nous fait assister à l'évolution d'un personnage qui, au gré d'aventures diverses au cours desquelles il se cherche, finit par se trouver et se constitue sous nos yeux en tant que héros. A vrai dire, le genre à lui seul pose quelques problèmes quant à l'héroïsme : imagine-t-on les héros grecs le devenir au terme d'une quête, eux qui, dès leur naissance, sont parés de qualités définitives ? Tel est notre propos : si, à l'évidence, l'héroïsme est fonction des époques et de la diversité des valeurs qu'elles ont promues, il l'est plus encore des formes. L'héroïsme résiste-t-il bien au genre romanesque ?

FABRICE : LES POSTULATIONS HÉROÏQUES

S'il n'est pas évident que Fabrice soit toujours le "héros" de La Chartreuse de Parme, c'est néanmoins autour de lui que s'articulent les premiers chapitres. Ses "enfances" annoncent même une nette prédisposition pour l'héroïsme :

le mythe des origines : les circonstances de la naissance de Fabrice appartiennent à un passé déjà mythique : le Milan de 1796 où pénètre l'armée napoléonienne se réveille soudain aux sons joyeux de ces soldats en guenilles, tous jeunes et enthousiastes, et commandés par un général qui n'a pas vingt-sept ans. Stendhal évoque la période comme une image d'Épinal où l'armée fraternise avec un peuple qui ne s'était pas rendu compte jusqu'alors de son ennui. Cette passion, cet enthousiasme sont incarnés particulièrement par le lieutenant Robert, qui séduit la marquise Del Dongo dont il devient probablement l'amant. Le narrateur nous souffle alors qu'il est le vrai père de Fabrice (né en 1797) et cette double paternité n'est pas sans faire songer à celles des héros grecs, surtout si l'on considère les attributs véritablement divins dont se pare le lieutenant Robert. De cette période heureuse et vite tombée dans la répression, Fabrice gardera une vocation pour le bonheur et le libre accomplissement de soi.

une âme élue : de son éducation négligée, Fabrice fait naturellement émerger l'enseignement superstitieux de l'abbé Blanès qui nourrit sa conviction héroïque d'une secrète connivence des choses. Son attention à tous les signes qui émaillent sa route laisse croire qu'un destin spécial lui est réservé. Parmi ces présages, une place particulière est attribuée à la végétation précoce du marronnier et, surtout, à l'apparition de l'aigle, l'oiseau de Napoléon, qui encourage Fabrice à aller offrir ses services à l'Empereur ("et moi, fils encore inconnu de cette malheureuse mère [l'Italie], je partirai, j'irai mourir ou vaincre avec cet homme marqué par le destin.").

les modèles héroïques : la jeunesse de Fabrice, couvée par sa tante, est marquée par la contemplation lyrique autant que par la rêverie héroïque : il s'enchante ainsi des vieilles prouesses des héros, s'abîme dans la lecture du Tasse et de l'Arioste comme Don Quichotte dans celle d'Amadis de Gaule. Mais de tous ces modèles, se distingue celui de Napoléon, dans lequel Fabrice voit surtout Bonaparte, l'homme de la campagne de 96, qui a libéré l'Italie de la botte autrichienne et aimé son oncle. Dans les premières pages du roman, l'admiration pour Napoléon est un signe de reconnaissance des grandes âmes. La grâce juvénile, l'énergie, l'enthousiasme volontiers naïf, virtu tout italienne selon Stendhal, ne font pas non plus défaut à Fabrice, qui veut avant tout se battre et n'hésite pas pour cela à entrer en dissidence.

Ainsi rien ne manque à "notre héros" pour figurer dignement parmi les grandes figures de l'épopée. Or c'est peu dire que son premier contact avec la guerre, sur le champ de bataille de Waterloo (une défaite...), ne comble pas ces aspirations ! Il nous faut de plus près en considérer les raisons.

ROMAN ET ÉPOPÉE : FABRICE A WATERLOO

voyez notre lecture méthodique d'un extrait du chapitre III

Notre impression de désordre, la dérision constante du narrateur à l'égard de son personnage orientent délibérément notre lecture vers une démythification de la bataille de Waterloo. Pour la première fois dans notre problématique sur l'héroïsme, une dichotomie radicale s'installe entre l'âme du héros et le monde réel : comme dans le Don Quichotte de Cervantes, qui est peut-être pour cela le premier roman moderne, Fabrice constate ici la déroute de ses rêves et reste incapable de ressaisir in situ ses modèles. Le choix de la forme romanesque est le vrai responsable de cet affadissement subit de l'héroïsme guerrier. Pour mieux en apercevoir les raisons, retenons quelques mots-clés de ce commentaire de Georg Lukacs :

Pour le roman du XIXe siècle, un type de relation nécessairement inadéquate entre l'âme du héros et la réalité a pris le plus d'importance, inadaptation qui tient à ce que l'âme est plus large et plus vaste que tous les destins que la vie peut lui offrir : elle possède en propre une vie riche et mouvementée, se tient, dans sa confiance spontanée en elle-même, pour la seule vraie réalité, pour l'essence même du monde, et le roman ne peut que rapporter l'échec dans sa tentative de rendre effective cette adéquation. Assurément, c'est ici que réside la problématique qui caractérise le roman : la perte de toute symbolisation épique, la dissolution de la forme en une succession nébuleuse et instructurée d'états d'âme, le remplacement de l'affabulation concrète par l'analyse psychologique. Cette problématique se trouve encore accusée du fait que le monde extérieur qui entre en contact avec cette intériorité ne peut être que totalement amorphe et dénué de tout sens. L'importance intérieure de l'individu a ici atteint, du point de vue historique, son point culminant. […]

La plus grande discordance entre l'idée et la réalité est le temps, le déroulement du temps comme durée. La plus profonde, la plus humiliante impuissance de la subjectivité à faire ses propres preuves se manifeste moins par le vain combat mené contre des structures sociales que dans le fait qu'elle

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