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La Peau de chagrin : un roman réaliste ou fantastique ?

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Par   •  1 Juin 2025  •  Dissertation  •  6 327 Mots (26 Pages)  •  38 Vues

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Les romans de l'énergie : création et destruction

La Peau de chagrin : un roman réaliste ou fantastique ?

L'expression « réalisme fantastique » est souvent employée pour qualifier la tonalité particulière de La Peau de chagrin et d'autres romans de Balzac. Cette expression est apparemment paradoxale. Dans le langage courant, le fantastique est en effet synonyme d'extraordinaire, d'étrange, de surnaturel, c'est-à-dire de notions qui s'opposent au réalisme. Cependant au sens littéraire « le fantastique est un genre narratif caractérisé par l’intrusion du surnaturel dans un cadre réaliste. » Le fantastique est donc un débordement du réalisme bien plus qu'il n'en est un antonyme. Ce genre littéraire particulièrement fécond au XIXe siècle trouve sa source dans le roman gothique[1] anglais qui a eu une influence importante sur le romantisme français. Les œuvres inspirées par ces romans donnent lieu en France à un mouvement appelé « le romantisme noir ». Parallèlement, le romantisme en refusant les codes littéraires et picturaux du classicisme ouvre la voix au réalisme, mouvement majeur du XIXe siècle, représenté par Gustave Flaubert et Guy de Maupassant dans le domaine littéraire et par Gustave Courbet et Édouard Manet en peinture. Au moment de la rédaction de La Peau de chagrin, Balzac bénéficie à plein de l'enthousiasme, de l'esprit de liberté et de renouveau qu'est celui des jeunes artistes romantiques de son époque. C'est ainsi qu'il imagine ce roman protéiforme, inclassable qui lance sa carrière littéraire.

I- Les phénomènes surnaturels dans le roman

1/ Un objet magique fascinant : la Peau de chagrin 

SI TU ME POSSÈDES, TU POSSÉDERAS TOUT.

MAIS TA VIE M’APPARTIENDRA. DIEU L’A
VOULU AINSI. DÉSIRE, ET TES DÉSIRS
SERONT ACCOMPLIS. MAIS RÈGLE
TES SOUHAITS SUR TA VIE.
ELLE EST LÀ. À CHAQUE
VOULOIR JE DÉCROITRAI
COMME TES JOURS.
ME VEUX-TU ?
PRENDS. DIEU
T’EXAUCERA.
SOIT !

La Peau de chagrin[2] donne son nom au roman. Le titre du premier chapitre y fait également référence : « Le Talisman ». Tout est fait pour qu'elle exerce sur le lecteur comme sur Raphaël, une irrépressible fascination. Balzac organise tout le roman autour de cet objet dont les propriétés magiques sont à la fois pleines de promesses et étrangement maléfiques. Raphaël la découvre dans une boutique absolument extraordinaire, tenue par un antiquaire millionnaire et savant. Cette peau est censée remonter à des temps anciens, à l'époque mythique du roi Salomon (roi hébreu qui apparaît dans la Bible comme un sage). En effet, l'antiquaire fait remarquer à Raphaël qu'elle présente le « cachet de Salomon ». Ce symbole en forme d'étoile possède dans la tradition biblique un pouvoir magique. Tout cela participe au mystère de cette Peau. De plus l'inscription est rédigée en sanskrit (en réalité le texte présenté est en arabe) la langue sacrée de l'Inde ancienne. La traduction est disposée par Balzac de manière à figurer ce qu'elle signifie, c'est-à-dire une diminution progressive.

2/ Une emprise grandissante

Au fur et à mesure que la Peau de chagrin rétrécit, elle devient plus envahissante dans la vie du personnage principal. Plus sa taille diminue, plus ses pouvoirs magiques deviennent évidents. Incrédule dans un premier temps, Raphaël vérifie peu à peu la puissance magique de la peau. Les souhaits qu'il formule, légèrement tout d'abord, se réalisent avec une exactitude qui laisse peu de place au hasard. Il est riche mais il ne peut s'en réjouir car cette richesse-même contient la preuve qu'il est condamné à mort par le pouvoir de la peau. Il s'enferme dans le magnifique hôtel particulier parisien qu'il vient d'acquérir. Par la suite, à chaque souhait exaucé, la peau diminue et la santé de Raphaël s'affaiblit. A chaque fois que ce dernier essaie de l'oublier pour vivre pleinement sa vie, la peau se rappelle à lui. Ainsi lorsqu'il la jette au fond d'un puits, tout à son amour pour la belle et désormais riche Pauline, son jardinier la lui rapporte : « j'ai amené cette singulière plante marine ». Par la suite, tous les scientifiques, les plus importants de l'époque échouent successivement à agir sur la « Peau de chagrin » (chapitre 3). Le naturaliste Lavrille ne peut proposer à Raphaël qu'une « nomenclature » et lui conseille de se rendre chez le physicien Planchette. Celui-ci essaie sans succès l'immense presse de Spieghalter qui conclut en rendant la peau à son propriétaire : « le diable est logé dedans ». Enfin sa composition chimique échappe à toutes les analyses du baron Japhet ; elle résiste aux acides et aux décharges électriques. Les scientifiques sans admettre que ce « phénomène » est un « miracle » reconnaissent leur incompétence. De même, la dégradation de la santé de Raphaël met en échec les plus éminents médecins consultés par Raphaël. Le jeune Horace Bianchon, qui sera le médecin de la Comédie humaine, a l'honnêteté et l'humilité d'apporter à Raphaël un aveu d'impuissance :« le mieux est et sera toujours de se confier à la nature ». La rationalité est mise en échec par la « Peau de chagrin ». A la fin du roman, Raphaël meurt quand la Peau disparaît.

3/ Des personnages dotés de pouvoirs surnaturels

« La Peau de chagrin » est l'unique objet magique du roman mais d'autres phénomènes plus ou moins surnaturels viennent nourrir l'univers fantastique du roman. L'antiquaire qui vend la « Peau de chagrin » à Raphaël est un personnage si inquiétant qu'il semble diabolique. Ses richesses comme ses connaissances semblent illimitées et son apparence décrite à deux reprises inspire une étrange répulsion mêlée de crainte :

Raphaël vit à quelques pas de lui, parmi toutes les têtes, une figure étrange et surnaturelle. Il s’avança en clignant les yeux fort insolemment vers cet être bizarre, afin de le contempler de plus près. [...] En ce moment, un rire muet échappait à ce fantastique personnage, et se dessinait sur ses lèvres froides, tendues par un faux râtelier. À ce rire, la vive imagination de Raphaël lui montra dans cet homme de frappantes ressemblances avec la tête idéale que les peintres ont donnée au Méphistophélès de Goethe. Mille superstitions s’emparèrent de l’âme forte de Raphaël, il crut alors à la puissance du démon, à tous les sortilèges rapportés dans les légendes du moyen âge et mises en œuvre par les poètes. Se refusant avec horreur au sort de Faust, il invoqua soudain le ciel, ayant, comme les mourants, une foi fervente en Dieu, en la vierge Marie. (chap.3)

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