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Légiférer sous la Ve République

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Par   •  10 Novembre 2025  •  Dissertation  •  2 394 Mots (10 Pages)  •  12 Vues

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Légiférer sous la Ve République

 

        « Les acteurs, Gouvernement, Parlement, Conseil constitutionnel surtout, se sont accordés pour ignorer les articles 34 et 37 et permettre au Parlement de légiférer sans en tenir compte ». Cette remarque des constitutionnalistes Philippe Ardant et Bertrand Mathieu met en évidence une contradiction au cœur du fonctionnement de la Ve République : le Parlement, censé être l’organe principal de la fonction législative, semble dépossédé de son rôle central dans l’élaboration des normes juridiques. 

        En effet, selon l’article 24 de la Constitution de 1958, « le Parlement vote la loi ». L’usage du verbe légiférer, c’est-à-dire élaborer, discuter, adopter et modifier des règles juridiques générales et obligatoires, devrait naturellement désigner une activité centrale du Parlement. La loi, quant à elle, se définit comme une norme juridique votée par le Parlement et régie par les principes constitutionnels, visant à encadrer la vie en société en établissant des droits et obligations pour les citoyens. Pourtant, cette définition classique se heurte à une réalité institutionnelle plus nuancée.

        La Constitution de la Ve République limite le champ d’intervention du Parlement à travers son article 34, qui énumère de manière exhaustive les matières dans lesquelles il peut intervenir, laissant le reste au pouvoir réglementaire du gouvernement (article 37). Cette délimitation du domaine de la loi, accentuée par la pratique politique et l’usage intensif de procédures telles que l’article 49 alinéa 3 ou les ordonnances de l’article 38, a contribué à affaiblir le rôle du Parlement en tant que législateur autonome. La prédominance de l’exécutif, renforcée par la logique majoritaire et la discipline partisane, a progressivement déplacé le centre de gravité du pouvoir normatif.

        Par ailleurs, la montée en puissance d’autres acteurs institutionnels — notamment le Conseil constitutionnel, qui contrôle la conformité des lois à la Constitution, mais aussi l’Union européenne, dont le droit prime sur le droit interne — participe à une dilution du pouvoir législatif traditionnellement concentré entre les mains du Parlement. Enfin, les mécanismes de démocratie participative et les initiatives citoyennes viennent interroger la légitimité exclusive du Parlement à produire la loi.

Dès lors, il n’est plus pertinent de parler d’un législateur unique, mais bien de «

législateurs » sous la Ve République. Cette pluralité d’acteurs interroge la place réelle du Parlement dans le processus législatif et soulève la question d’un déséquilibre institutionnel.

Ainsi une question se pose : dans quelle mesure le Parlement, bien que

constitutionnellement investi du pouvoir législatif, a-t-il perdu l'exclusivité de cette fonction sous la Ve République ?

Il conviendra d’abord d’examiner le déclin progressif du pouvoir de légiférer du

Parlement (I), avant d’analyser l’influence croissante d’autres acteurs sur le pouvoir de légiférer (II).

 

I) Le déclin progressif du rôle législatif du Parlement 

Le rôle du Parlement n'est plus aussi étendu que celui de ses prédécesseurs des IIIe et

Ive Républiques. D'une part, la délimitation ambiguë du domaine législatif a favorisé le déclin

du rôle législatif du Parlement au profit du gouvernement (A). D'autre part, ce déclin est accentué par le fait que le gouvernement dirige dans une large mesure le travail législatif en raison de l'importance des prérogatives dont il dispose à tous les stades de l'élaboration de la loi, et qui se trouvent renforcées par le fait majoritaire (B).

 

A) Un Parlement à la compétence réduite par les délimitations prévues par la Constitution

La volonté première de la Constitution de 1958, en instaurant la Ve République, est de réduire considérablement la puissance du Parlement afin de garantir une meilleure stabilité gouvernementale. Cette réduction s'est particulièrement opérée sur ce que le Parlement faisait de mieux : la législation. Avant 1958, le Parlement jouissait d'un pouvoir législatif presque illimité et pouvait intervenir dans tous les domaines. Cependant, la Constitution de 1958 met en place une délimitation stricte de son domaine d'action. 

        L’article 34 définit les matières législatives, rompant avec le "légicentrisme" de Rousseau, selon qui "la loi est l’expression de la volonté générale". Désormais, la Constitution distingue les matières législatives, attribuées au Parlement, de celles relevant du pouvoir réglementaire exercé par l'exécutif, comme précisé dans l'article 37. Cette distinction marque la fin du légicentrisme et réorganise l’équilibre des pouvoirs. Ainsi, toute matière non définie dans l'article 34 relève du domaine réglementaire. Par ailleurs, des restrictions supplémentaires limitent l’initiative législative du Parlement : l’article 40 interdit les propositions ou amendements qui augmentent les dépenses ou réduisent les recettes, l’article 41 rend irrecevables les propositions hors du domaine législatif, et l’article 45 permet de censurer les propositions sans lien avec le texte initial. Ces mesures renforcent le pouvoir de l'exécutif dans la définition des lois.

        Il est également notable que lors de la procédure d’adoption de la loi, le gouvernement dispose de certains moyens pour en contrôler le déroulement. Il peut, par exemple, influer sur la durée de la procédure législative et déterminer l'ordre du jour des débats (article 48). Ce contrôle étendu du gouvernement sur le processus législatif va au-delà de la simple influence : il peut, dans certains cas, imposer une accélération de l'adoption des lois, en contournant les discussions parlementaires. Cela renforce la position de l'exécutif, qui, au fil du temps, a utilisé ces instruments pour diminuer l’importance du rôle du Parlement. Comme l'écrit Pierre Avril, le Parlement sous la Ve République est devenu un "organe d’accompagnement législatif" plutôt qu’un véritable centre de pouvoir législatif. Ce phénomène remet en cause l’équilibre voulu par la Constitution, où l'exécutif utilise à la fois les moyens constitutionnels et procéduraux pour renforcer sa position au détriment du Parlement. La rationalisation du parlementarisme voulue par les constituants ne s'est pas réalisée de  La manière qu'ils avaient envisagée.

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