La psychologisation du dommage (droit de la responsabilité)
Dissertation : La psychologisation du dommage (droit de la responsabilité). Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar Emilie Seurot • 30 Avril 2025 • Dissertation • 3 246 Mots (13 Pages) • 103 Vues
Exercice 1: Formation à la recherche juridique et esprit de synthèse
Le préjudice d’angoisse d’une mort imminente peut être défini, selon André Mornet, comme “la souffrance extrême subie par la victime entre l’accident et son décès du fait de la conscience de sa mort imminente”.
Dans deux arrêts rendus le 25 mars 2022, la chambre mixte de la Cour de cassation a consacré le principe d’autonomie de l’indemnisation du “préjudice d’angoisse de mort imminente” de la victime directe et le “préjudice d’attente et d’inquiétude” des victimes indirectes. Ainsi, dans cette affaire, les proches d’une victime décédée lors d’une agression au couteau ont obtenu une indemnisation au titre de l’angoisse de mort imminente ressentie par leur proche. C’est suite à cet arrêt que Mornet a intégré dans la nomenclature Dintilhac le préjudice d’angoisse de mort imminente parmi les préjudices extra patrimoniaux temporaires.
Dans un autre arrêt de la Cour de cassation du 4 avril 2023, cette dernière a précisé, suite à un décès d'accident de la circulation, que le préjudice d’angoisse imminente ne peut pas être confondu avec le poste des souffrances endurées.
Dans un arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 2024, cette dernière rend une décision dans lequel elle précise que le préjudice d’angoisse de mort imminente n’est pas subordonné au décès de la victime. En revanche, la Cour refuse la double indemnisation sur la question du respect du principe de la réparation intégrale.
Exercice 2: Dissertation: La psychologisation du dommage
Selon l’ancien article 1382 du Code civil, aujourd’hui repris à l’article 1240, « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cet article est le fondement de la responsabilité civile dans notre système juridique, en ce qu’il s’agit du fondement de la responsabilité pour faute du fait personnel. Cela signifie que l’on impute le fait dommageable à une personne qui va être qualifiée d’auteur de la faute. Cette dernière va alors être tenue à l’obligation de procéder à la réparation du préjudice subi par la victime. Néanmoins, les dommages sont extrêmement divers et peuvent être plus ou moins graves en fonction des circonstances, pouvant aller d’un simple coup jusqu’à la mort d’un être humain.
Historiquement, le droit de la responsabilité civile a d’abord été pensé sous une approche essentiellement patrimoniale et matérielle. Sous l’Ancien Régime, la réparation des dommages relevait davantage d’une logique punitive et pénale que strictement indemnitaire. Le Code civil de 1804, rédigé sous l’impulsion de Portalis, a systématisé la responsabilité civile en l’articulant autour de trois éléments fondamentaux : le fait générateur, le dommage et le lien de causalité. Toutefois, dans cette conception classique, l’indemnisation visait principalement les dommages matériels et corporels, sans réelle considération pour les atteintes purement psychologiques. Le dommage moral, en particulier, ne faisait pas l’objet d’une reconnaissance explicite dans le Code civil. Ce n’est que progressivement, sous l’impulsion de la jurisprudence, que l’indemnisation des souffrances psychologiques a été admise. Une première avancée a eu lieu avec la reconnaissance du préjudice d’affection, permettant aux proches d’une victime décédée d’obtenir réparation de leur douleur morale, c’est ce qu’illustre l’arrêt de la Cour de cassation du 27 février 1970, “arrêt Dangereux”. En l’espèce, la Cour de cassation accepte l’indemnisation du préjudice subi par la concubine du fait du décès du concubin. Cette évolution s’est accélérée au fil du XXe siècle, notamment après la Seconde Guerre mondiale, avec l’émergence d’une vision plus subjective du préjudice. Des affaires retentissantes, comme celles du sang contaminé ou de l’amiante, ont contribué à renforcer la reconnaissance des dommages psychologiques et à élargir les possibilités d’indemnisation.
On assiste alors à un phénomène de psychologisation du dommage, c’est-à-dire que l’on prend désormais en compte la dimension psychologique de l’individu dans la réparation des dommages qu’il subit. Cette évolution traduit une forme de subjectivisation du dommage, où l’évaluation du préjudice ne repose plus uniquement sur des critères matériels ou corporels, mais intègre la souffrance morale et psychique de la victime. Le préjudice moral subi par la personne peut renvoyer par exemple à la peine, à la tristesse… Ce mouvement pose cependant de nombreuses interrogations quant aux critères d’évaluation du dommage psychologique et aux limites de sa réparation.
Comment la prise en compte croissante du dommage psychologique en responsabilité civile équilibre-t-elle la nécessité d’indemnisation et le risque d’une subjectivisation excessive du préjudice ?
Dès lors, dans un premier temps, il faudra relever que le préjudice moral a évolué à travers les époques et que sa réparation ne semble pas toujours avoir été admise (I). Puis, dans un second temps, il sera possible de constater que le caractère personnel du préjudice psychologique conduit à une subjectivisation (II).
I) L’évolution dans le temps de la dimension psychologique à travers sa réparation
Selon les époques, la dimension psychologique d’un préjudice n’a pas toujours été admise. Cela a donc conduit à ce que le dommage moral ne soit pas toujours réparé. Cependant les jurisprudences ont évolué de manière à ce que la réparation du dommage psychologique, aussi dit dommage moral, soit admise (A). Au fur et à mesure que la réparation de ce dommage a été reconnue, on peut observer qu’elle a évolué en parallèle des mœurs de notre société actuelle (B).
Une reconnaissance progressive de la réparation du dommage psychologique
Depuis l’Antiquité, réparer le dommage présent, c’est revenir à la situation passée. C’est le principe qu’a consacré la décisions de la Cour de cassation dans son arrêt du 28 octobre 1954 “le propre de la responsabilité civil est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se trouvait si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu”. Néanmoins, à l’époque de la rédaction du Code civil en 1804, la faute ne se concevait pas en dehors de son élément psychologique. Il existait une
...