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Commentaire du discours devant le Conseil d'Etat de Michel Debré

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Par   •  11 Décembre 2023  •  Commentaire de texte  •  1 990 Mots (8 Pages)  •  118 Vues

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Le 6 février 1956, Guy Mollet, le nouveau président socialiste du Conseil, se rend à Alger pour y annoncer un certain nombre de mesures libérales en faveur des citoyens musulmans d’Algérie et pour y investir le général Catroux comme résident général. Mais sur place, la visite tourne à l’humiliation. La foule, composée d’européens, chahute le cortège présidentiel en lui lançant des projectiles et des menaces de mort. Ce dernier est obligé de se mettre à l’abri dans les locaux du gouvernement général. A la suite de cette « journée des tomates », Guy Mollet déclare renoncer à l'investiture du général Catroux. Le pouvoir politique cède.

C’est dans ce contexte de mépris de l’autorité et de l'État que la IVe République agonise sous les yeux de tous, en se montrant paralysée face à la crise algérienne. Alors qu’il avait quitté le pouvoir il y a douze ans et qu’il rédigeait ses Mémoires de guerres à Colombey-les-Deux-Églises, de Gaulle est appelé par René Coty pour résoudre le conflit. La France de 1958 est au bord de la guerre civile et le retour d’une autorité forte est plus que jamais urgent. De Gaulle accepte, mais à ses propres conditions : il faut écrire une nouvelle constitution, sans quoi aucune action efficace n’est possible.

C’est cet ambitieux projet que met en œuvre, entre autres, Michel Debré, un juriste, mais surtout ancien résistant et gaulliste convaincu. Dans le discours du 27 août 1958 porté à notre étude, il décrit aux membres du Conseil d’Etat le résultat des travaux préparatoires de la constitution à venir. Ainsi, Michel Debré, énumère les raisons de la mort de la IVe République, et explique pourquoi cette dernière est responsable des événements qui secouent la France, en suivant une vision résolument gaulliste. Il explique alors les objectifs que devra poursuivre la future Ve République.

Comment Michel Debré expose-t-il les défaillances du régime d’assemblée pour démontrer la nécessité absolue du passage à une nouvelle constitution ?

Après avoir montré que ce discours est un réquisitoire contre la IVe République et son régime d’assemblée (I), nous observerons qu’il est le témoignage d’une nécessité absolue de restauration de l’autorité politique (II).

Un réquisitoire contre le régime d’assemblée

De Gaulle décrivait le régime d’assemblée comme « le régime des partis », celui dans lequel les parlementaires possèdent l’essentiel du pouvoir, et passent l’essentiel de leur temps à discuter. En s’inscrivant dans la continuité de ce jugement sévère, Michel Debré reproche à la IVe République son légicentrisme et son arbitraire (A), mais surtout sa responsabilité dans l’avènement de la crise algérienne du fait d’un effacement du pouvoir exécutif (B).

Un régime légicentriste et arbitraire

Le légicentrisme est l’idée selon laquelle la loi est l’expression de la volonté du peuple et n’est donc, par conséquent, pas critiquable. Cette sacralisation de la loi entraîne même une disparition de la suprématie constitutionnelle.

Ainsi, l’article 3 de la Constitution du 27 octobre 1946 disposait : « La souveraineté nationale appartient au peuple français. [...] Il l’exerce par ses députés à l’Assemblée nationale ». Dans son discours, Michel Debré s’oppose pourtant frontalement à cette doctrine. Il reproche le caractère absolu des actes de l’Assemblée nationale : « ses décisions ne peuvent être critiquées par personne fussent-elles contraires à la Constitution ».

Dans son Manuel élémentaire de droit constitutionnel, le doyen Georges Vedel écrivait que « le droit public français est toujours inspiré par deux principes plus ou moins conscients : l’un est que la loi, “expression de la volonté générale”, c’est la manifestation même de la souveraineté ; l’autre est que le Parlement [...] exprime de manière directe la volonté générale ». Traditionnellement, en France, c’est donc une vision opposée à celle de Debré qui a dominé l’histoire politique, en suivant les idées de Raymond Carré de Malberg et les principes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La Loi est l’expression de la volonté générale ».

Ainsi, selon Michel Debré, la IVe République est un régime « où la totalité des pouvoirs, en droit et en fait, appartient à [...] une Assemblée ». Et le légicentrisme traditionnel français donne à l’Assemblée, selon lui, un pouvoir « arbitraire », puisque rien ni personne ne peut la contrôler. Cette critique est tout de même à nuancer. En effet, toute décision, par nature, est arbitraire quand elle émane du souverain, et cela même – voire surtout – quand le pouvoir exécutif est fort.

Mais paradoxalement, l’absence de contre-pouvoir à celui de l’Assemblée n’est pas pour autant synonyme d’efficacité. Au contraire, elle est la cause d’un effacement de l’Exécutif, lequel est souvent plus à même de répondre aux situations de crise et d’urgence.

Un régime responsable de l’effacement du pouvoir exécutif

Si les institutions de la IVe République ne sauraient être vues comme seules responsables de la situation de quasi guerre civile qu’est celle de la France en 1958, Michel Debré estime tout de même que « la défaillance de nos institutions » en est largement une des causes. Il pointe le décalage qu’il y a entre le régime politique et la situation politique de la France : « nos institutions n’étaient plus adaptées ». En cela, il rejoint un consensus dans la classe politique de l’époque.

Presque tous les députés sont conscients de leur incapacité à agir face à la crise algérienne, et en particulier face au putsch des généraux. Ainsi, le Président de la République René Coty déclarait le 29 mai 1958 : « Quels que fussent la valeur et le patriotisme des hommes qui se sont succédés au pouvoir, l’État n’a cessé de se désagréger ». Et c’est cela qui mènera, en premier lieu, à l’appel au général de Gaulle, et en second lieu au vote, le 3 juin 1958, d’une loi constitutionnelle l’habilitant, alors qu’il est Président du Conseil, à commencer la rédaction d’une nouvelle constitution.

Par ailleurs, Michel Debré observe que cette situation d’inaction de la IVe République résulte d’un effacement total du pouvoir exécutif dû à la prééminence de l’Assemblée nationale : « le Gouvernement, qui tient d’elle l’origine de son autorité

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