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Commentaire d'arrêt - Cour de cassation, Chambre mixte, 29 octobre 2021, n°19-18470

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Par   •  17 Novembre 2023  •  Commentaire d'arrêt  •  2 534 Mots (11 Pages)  •  116 Vues

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Commentaire d’arrêt – Cour de cassation, Chambre mixte, 29 octobre 2021, n°19-18470

Le contrat de mandat présente de nombreux enjeux, notamment dans le cas d’une faute commise par le représentant, dans l’engagement des responsabilités des différentes parties. Cet arrêt rendu par la Cour de cassation, réunie en sa chambre mixte, le 29 octobre 2021, en est une bonne illustration.

En l’espèce, l’épouse et les enfants d’un homme ont donné à celui-ci mandat de céder les actions d’une entreprise, détenue à hauteur de 45% par l’homme, le mandataire, et à 20% par l’épouse et les enfants, les mandants. Une société acheteuse, par un protocole de cession, s’est engagée à acheter l’ensemble des actions de la société. Mais, en estimant que le projet de départ du nouveau directeur général de la société cédée avait été dissimulé, ce qui caractérisait un dol, les sociétés acheteuses et cédées ont assignés l’homme en annulation de la cession des actions et paiement de dommages- intérêts, et ont appelé en intervention, sur le même fondement du dol, l'épouse et les enfants de l’homme. Elles ont ensuite renoncé à demander l'annulation de la cession et limité leur demande à des dommages-intérêts.

La Cour d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 2 avril 2019, a condamné l’homme au versement de dommage-intérêts à la société acheteuse en réparation du préjudice résultant du dol, mais a débouté la société acheteuse de sa demande formulée à l’encontre de l’épouse et des enfants de l’homme, au motif qu’aucun élément ne permettait de retenir que ces derniers ont participés aux arrangements dolosifs accomplis dans les limites du mandat conféré à l’homme.

Les sociétés demanderesses se pourvoient alors en cassation.

Le mandant est-il responsable du fait des agissements dolosifs commis par le mandataire ?

La Cour de cassation réunie en sa chambre mixte, le 29 octobre 2021, rejette le pourvoi formulé par les sociétés acheteuse et cédée, au motif que les manœuvres dolosives du mandataire, dans l'exercice de son mandat, n'engagent la responsabilité du mandant que s'il a personnellement commis une faute, qu'il incombe à la victime d'établir.

La Cour de cassation a en effet retenu qu'aucune faute de la part des mandants n'était démontrée, et que leur responsabilité civile ne pouvait donc pas être engagée, du seul fait d’avoir donné mandat, et ce, malgré l’existence des manœuvres dolosives du mandataire.

L’enjeu principal mis en lumière par cet arrêt repose sur l’engagement des responsabilités au seins des relations mandant-mandataire. La Cour de cassation tient donc désormais à formuler désormais une distinction claire de l’engagement des responsabilités selon la demande de la victime (I). Par ailleurs, la Cour de cassation vient préciser les conditions pour engager la responsabilité du mandant dans le cas d’une faute de son mandataire (II).


I/ Une distinction importante et réaffirmée des responsabilités selon la demande de la victime

La Cour de cassation, au cours de cet arrêt, est venue préciser les différentes possibilités d’engagement des responsabilités, et des différentes réparations possibles, en fonction des demandes des parties demanderesses. Ainsi, la Cour a rappelé l’indépendance des actes du mandant avec la potentielle nullité de l’acte (A), en rejetant cependant l’engagement automatique de la responsabilité du mandant, dans le cas d’une faute commise par son mandataire (B).

A) Une mise en œuvre simplifiée de la nullité, indépendante des actes du mandant

En retenant que « la victime du dol peut agir, d'une part, en nullité́ de la convention sur le fondement des articles 1137 et 1178, alinéa 1er, du code civil, d'autre part, en réparation du préjudice sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil », la Cour de cassation est venue rappeler l’importance de la distinction selon la demande formulée par la victime du dol.

Cette distinction reprend le travail du professeur Patrice Jourdain, qui a reconsidéré l’approche jurisprudentielle basée sur la représentation, pour basculer sur celle en faveur de la responsabilité. Il est venu rappeler qu’il était important de distinguer, d’une part, l’annulation du contrat, et d’autre part, la sollicitation de dommages-intérêts.

Ainsi, dans le cas où la victime solliciterait l’annulation du contrat, Patrice Jourdain est a retenu que  « la jurisprudence assimile le dol du représentant au dol du représenté au motif que le représentant n’est pas tiers au contrat, au moins s’il n’a pas dépassé les limites de ses pouvoirs. Et, par ailleurs, le nouvel article 1138, alinéa 2, du code civil issu de l’ordonnance de 2016, va même plus loin puisqu’il énonce que « le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du cocontractant »

D’un autre côté, dans le cas où la victime ne solliciterait que des dommages-intérêts, Patrice Jourdain a retenu que « la demande se fonde alors sur la faute civile et met en œuvre la responsabilité extracontractuelle de droit commun. Cette responsabilité incombe normalement à l’auteur de la faute. Lorsque la faute est commise par un représentant, c’est donc sur lui qu’elle pèse. Le représenté ne répond pas en effet des fautes de son représentant. »

C’est bien cette distinction entre nullité pour le dol, et dommages-intérêts pour la faute, qui a bien été relevé par l’auteur Patrice Jourdain, que la Cour de cassation a soulevé, au regard de différents articles.

Dans un premier temps, si la victime demande la nullité du contrat, la Cour de cassation est venue rappeler que les articles 1137 et 1138 alinéa 1er du code civil s’appliquent, et que les seules manœuvres dolosives du mandataire suffisent à emporter la nullité. La nullité, au sens de l’article 1178 du code civil, qui rappelle qu’« un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord », est donc bien applicable dès lors qu’un dol est constaté.

Ainsi, la Cour de cassation a retenu que le dol était suffisant pour appliquer la responsabilité contractuelle, qui n’exige en effet pas de faute de la part du mandant. Cependant, en vue de l’arrêt, nous comprenons que les parties demanderesses ont renoncé à demander l’annulation de la cession et ont limité leur demande à des dommages-intérêts. Bien que la Cour de cassation n’ait donc pas été amené à annuler l’arrêt, sur le fondement unique des agissements dolosifs du mandataire, elle est quand même venue rappeler cette possibilité pour annuler l’acte, sans nécessité de faute du mandant.

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