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Commentaire conjoint Nicolas Sarkozy/François Fillon/Guy Carcassonne

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Par   •  29 Novembre 2023  •  Commentaire de texte  •  2 524 Mots (11 Pages)  •  94 Vues

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À un jeu de famille de mots, les qualificatifs “petite chose”, “lieutenant”, “fidèle serviteur” ont tous été utilisés pour désigner le Premier ministre de la Cinquième République. Jacques Chaban-Delmas affirma lui-même qu’un Premier ministre qui refuserait de démissionner à la demande du Président serait un “triste sire”. Une telle subordination au chef de l’État semblerait prévue dans la Constitution de 1958 ; termes écrits noir sur blanc à l’article 8 alinéa 1, “le Président de la République nomme le Premier ministre” et “met fin à ses fonctions sur la présentation, par celui-ci, de la démission du Gouvernement.”

Dans ce duel classique au sein de l’exécutif bicéphale, Nicolas Sarkozy, se disant “patron”, allait même jusqu’à employer le mot “collaborateur” pour désigner son Premier ministre. Ce dernier ne serait que l’exécutant de la volonté présidentielle, il lui doit sa loyauté, sa servitude, son obédience. Un vrai régime présidentialiste, pour reprendre les mots du Professeur Jean Gicquel.

Mais pour certains et certaines, “collaborateur”, c’est un terme qu’ils “ne (reprendraient) pas”. Quelle image dégradante de la machine gouvernante ! François Fillon conteste. Le Professeur Guy Carcassonne exprime, lui-aussi, son désaccord : en se référant au discours du projet constitutionnel du fidèle gaulliste Michel Debré devant le Conseil d’État, le constitutionnaliste de confiance estimait que le Premier ministre, c’est la “clé de voûte des institutions” où “s’équilibrent des forces antagonistes”. Le chef de l’État, “flèche de l’édifice”, aurait peut-être reçu une félicitation de trop, et le chef du Gouvernement, pas assez. Telle l’image d’un “patron” un peu trop crédité et applaudi, alors que la force de travail, guère reconnue, réside ailleurs.

Alors, dans quelle mesure la désignation du Premier ministre fait-elle du Président le maître ? En quoi cette subordination est-elle à nuancer ?

Roi de la jungle, le chef de l’État est une bête, cachant derrière son dos l’ombre de son lieutenant (I). Mais l’arrogance aveugle. Le Premier ministre, chef de meute, montrera ses griffes, le moment venu (II).

I. Le Premier ministre, un collaborateur

Dans les mots, tout est symbolique. Dire “le gouvernement Fillon sous Sarkozy”, c’est symbolique, ça a ses sous-entendus. Supérieur hiérarchique, un patron, donnant des ordres, aurait plus d’autorité. Le Premier ministre serait subordonné au Président qui le nomme (A), d’autant plus que ce dernier serait la figure de la légitimité populaire et de la stabilité, image peu associée au chef du Gouvernement (B).

A. L’ombre derrière le patron : un Premier ministre “appointé”

“Le patron, c’est moi.”. Pouvoir propre du Président de la République, la nomination du Premier ministre n’est pas soumise au contreseing. L’ordre des procédures est telle que cette désignation est préalable à la nomination des membres du Gouvernement, acte requérant le contreseing du Premier ministre. Le chef du Gouvernement est donc in primo l’”appointé” du Président. Rangeant son Premier ministre au rang de “collaborateur”, Nicolas Sarkozy affirme une chose : celui qui est nommé n’est là que parce qu’il a été nommé. “Un collaborateur, c’est quelqu’un qui est appointé par un patron”, le chef du gouvernement aurait bien compris toutes ces insinuations. Des mots qui peuvent paraître aussi provocants que méprisants, mais qui entrent bel et bien dans la tendance présidentialiste de la Ve République. Et à la différence des républiques précédentes, où le Premier ministre doit avant tout être investi par le Parlement, le chef du Gouvernement sous la Ve République procède uniquement de sa désignation par le Président de la République.

Si, constitutionnellement, le Premier ministre doit jouir de la seule confiance des deux Chambres, il s’avère que la pratique de la Ve République suit, notamment depuis 1962, une logique de parlementarisme dualiste. Lors de la fameuse conférence de presse du 31 janvier 1964 (“Une Constitution, c'est un esprit, des institutions, une pratique”), le Général de Gaulle affirme que le Président de la République a “la faculté de (changer le Premier ministre)”, de mettre fin à ses fonctions. Autrement dit, non seulement le chef de l’État nomme son Premier ministre, fidèlement à l’esprit de la Constitution, il détient également, dans une pratique non dite, le pouvoir de révoquer les fonctions du chef du Gouvernement. Et Nicolas Sarkozy l’a bien montré à son tour, car, en reconduisant Monsieur Fillon dans la foulée au même poste après la présentation de sa démission, le “patron” signale la double responsabilité du gouvernement, devant le chef de l’État d’abord, devant l’Assemblée nationale après. Ce n’est pas sans raison qu’en partant de Matignon, Jacques Chirac a senti la nécessité de montrer que c’est lui qui a décidé, souverainement, de mettre fin à ses fonctions…

Ainsi, quand bien même le Professeur Guy Carcassonne rappellerait que “même Nicolas Sarkozy n’a pu condamner François Fillon au chômage technique”, ces deux derniers mots ne renvoient-ils pas à l’idée d’un employeur ? Le Président l’”(appointe)” donc ; le Premier ministre serait rémunéré pour son loyal service. Tout en engageant de nombreuses réformes importantes accordant plus de place au Parlement, Sarkozy s’affirme comme véritable chef du Gouvernement pendant son mandat. C’est François Fillon lui-même, qui, malgré son désaccord avec l’usage du terme “collaborateur”, fut à l’origine de la théorie de la disparition du poste de Premier ministre pour que celui-ci devienne un vice-Président. “On pourra aller jusqu'à un vrai régime présidentiel et à ce moment-là le premier ministre devient un vice-président", a expliqué l’ancien chef du gouvernement lors d’une discussion en ligne sur le site de Matignon. C’est dans ce sens-là que le Premier Ministre serait par définition le second, le suppléant du Président, et aussi puissant soit-il, son ombre.

B. Autorité, légitimité et stabilité : le Premier ministre perdant

Si François Fillon se revendique de sa propre légitimité en rappelant qu’“un homme politique c’est quelqu’un qui a des convictions et une légitimité, le suffrage universel”, il a peut-être déjà perdu d’avance… La balance s’incline du côté du Président de la

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