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Comment pensent les juristes ?

Dissertation : Comment pensent les juristes ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Février 2024  •  Dissertation  •  2 289 Mots (10 Pages)  •  22 Vues

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HOARAU

Gwenaëlle                Dissertation conférence “Comment pensent les juristes ? “

 « Les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi, des êtres inanimés, qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur ». Ce postulat est extrait du livre “De l’esprit des lois” de Montesquieu - grand penseur politique et philosophe- n 1748. Dans ce traité de théorie politique, l’auteur soutient l’idée que la restriction des pouvoirs du juge serait due à la répartition stricte des pouvoirs. Du fait de cette séparation, le juge ne serait qu’un être au pouvoir extrêmement limité. La question que nous pourrions nous poser est : dans quelles mesures pouvons-nous réellement affirmer que le juge n’est « qu’une bouche qui prononce les paroles de la loi » et qu’il n’a donc aucun pouvoir d’interprétation? Dans un premier temps, nous verrons que le juge est effectivement soumis à la bonne volonté du législateur et qu’il est donc limité à la loi. Puis dans une seconde partie nous verrons que ce propos doit-être nuancé dans la mesure où le juge se révèle également comme étant un réel complément à ladite loi.

Tout d’abord, selon Montesquieu, le juge ne serait qu’un « être inanimé » qui se contenterait de dire et d’appliquer les principes des lois qui ont déjà été édictés par les législateurs. Nous comprenons donc que cette vision laisse très peu de place au libre arbitre du juge qui serait ainsi constamment cantonné aux lois déjà édictées par le législateur. Mais pourquoi une telle défiance envers le judiciaire? C’est sous l’Ancien régime qu’est apparue cette méfiance à l’égard de ce pouvoir. Effectivement, à cette époque le juge voit ses pouvoirs gagner en puissance avec l’émergence des parlements qui font alors office de cours régionales ayant pour fonction l’harmonisation des décisions judiciaires ainsi que l’édiction d’arrêts de règlement applicables aux autres cas semblables. C’est dans cette optique que la Révolution française s’est vue accompagnée d’une forte restriction du pouvoir judiciaire: le juge n’est donc chargé que d’appliquer la loi. Il n’aurait ni la possibilité d’amodier une loi, ni d’en modifier la portée. Mais pourquoi avoir autant verrouillé le champ de possibles du juge ? Cette restriction des pouvoirs judiciaires tire sa légitimité, en droit, de l’Ancien régime et de ses parlements qui avaient une réelle crainte du pouvoir judiciaire qui s’est également répandue du côté des législateurs révolutionnaires. Lorsque nous parlons du désir de maintenir le pouvoir judiciaire dans une fonction passive ne se limitant qu’à l’application pure de la loi, nous ne pouvons omettre de parler du référé législatif qui fut supprimé en 1837. Pour rappel, ce texte avait pour objectif premier d’empêcher les juges d’acquérir un quelconque pouvoir d’interprétation de la loi : effectivement, ces derniers devaient s’adresser directement aux législateurs si une quelconque difficulté d’interprétation venait à s’imposer.

En outre, il est important de préciser que la fonction du juge est aussi très délimitée par le Code civil de 1804. Prenons pour exemple l’article 5 : cet article dispose qu’il est « défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Ainsi les arrêts des règlements sont à ce niveau proscrits et les juges ne peuvent pas prononcer des arrêts énonçant une règle générale qui devrait potentiellement s’appliquer aux situations semblables. De ce fait, la jurisprudence rendue dans le cadre d’un litige n’est applicable qu’à ce litige et ne peut donc aucunement être utilisée par d’autres juges concernant d’autres affaires. Comme nous le savons, les arrêts de principes rendus par les juridictions suprêmes ne font office que de conseils; autrement dit il ne s’agit que d’une invitation pour les juridictions inférieures à agir de la sorte sans qu’il n’y ait aucune contrainte.  Ainsi, en France, le droit agit de manière à ce que la fonction judiciaire ne puisse empiéter sur la fonction du législateur. Néanmoins, même s’il est indéniable que l’époque de Montesquieu a vu grandir une figure du juge peu flatteuse du fait de son manque de prérogatives, il n’en demeure pas moins que certains points doivent être nuancés. En effet, le juge doit pouvoir se prononcer sur les affaires pour lesquelles il a été saisi et soumettre son jugement et il ne s’agirait pas que d’édicter purement et simplement des principes qui seraient valables erga omnes et qui ne demanderaient aucune réflexion. D’autre part, selon l’article 1355 du Code civil, l’autorité de la chose jugée obtenue à la suite d’un jugement est relative. Cette autorité offre une force exécutoire au jugement car son plaideur peut exempter son exécution. Nonobstant, le jugement rendu ne fait aucunement office de de de droits ou d’obligations quelconque et le juge ne peut donc pas être à l’initiative d’une loi.

De plus, la loi permet au juge de trouver son orientation car elle permet de déterminer les démarches à suivre ainsi que les sanctions qui doivent être appliquées en fonction de la situation à laquelle il est confronté. Le juge ne peut tout bonnement pas l’omettre et se doit donc de l’appliquer aux cas qui lui sont soumis. Par ailleurs, même lorsqu’une interprétation est nécessaire pour un cas précis, il s’avère que le travail judiciaire dans ce cas précis ne consistera qu’à s’appuyer sur une loi déjà préexistante afin de trancher sur le litige en question en ayant recours à une intégration par analogie - autrement dit il s’agit d’appliquer une règle à une  , a fortiori - ici cela revient à appliquer une loi à une situation plus particulière que la situation initiale qui avait permis l’entrée en vigueur de cette loi. Enfin, l’interprétation que l’on appelle interprétation a contrario va quant à elle consister à appliquer une règle inverse lorsque certaines conditions ne sont éventuellement pas remplies et ici on pense bien évidemment à l’article 6 du Code civil qui dispose que l’on “ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public”. A partir de cela nous en déduisons que nous pouvons déroger à tout ce qui ne touche à l’ordre public. Encore ici il faut qu’il y ait une loi préexistante pour que le juge puisse jouir de son pouvoir d’interprétation. Rappelons qu’il est primordial pour le juge de s’appuyer sur la loi afin d’émettre sa jurisprudence  et cette règle est édictée par l'article 455 du Code de procédure civile qui dispose que “le jugement doit être motivé” donc qu’il doit appuyer sa décision sur les faits qui lui sont soumis mais également sur le droit. Ainsi, il est indéniable que le juge voit sa fonction contrainte par la loi et l’application du droit, néanmoins il faut toutefois noter que la loi ne peut pas tout prévoir et en cas de lacunes c’est au juge de combler ces vides par sa propre interprétation.

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