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William Wilson

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Par   •  30 Octobre 2014  •  7 537 Mots (31 Pages)  •  979 Vues

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Qu’en dira-t-elle ? Que dira cette CONSCIENCE affreuse,

Ce spectre qui marche dans mon chemin ?

Chamberlayne. – Pharronida.

Qu’il me soit permis, pour le moment, de m’appeler William Wilson. La page vierge étalée devant moi ne doit pas être souillée par mon véritable nom. Ce nom n’a été que trop souvent un objet de mépris et d’horreur, – une abomination pour ma famille. Est-ce que les vents indignés n’ont pas ébruité jusque dans les plus lointaines régions du globe son incomparable infamie ?Oh ! de tous les proscrits, le proscrit le plus abandonné ! – n’es-tu pas mort à ce monde à jamais ? à ses honneurs, à ses fleurs, à ses aspirations dorées ? – et un nuage épais, lugubre, illimité, n’est-il pas éternellement suspendu entre tes espérances et le ciel ?

Je ne voudrais pas, quand même je le pourrais, enfermer aujourd’hui dans ces pages le souvenir de mes dernières années d’ineffable misère et d’irrémissible crime. Cette période récente de ma vie a soudainement comporté une hauteur de turpitude dont je veux simplement déterminer l’origine. C’est là pour le moment mon seul but. Les hommes, en général, deviennent vils par degrés. Mais moi, toute vertu s’est détachée de moi, en une minute, d’un seul coup, comme un manteau. D’une perversité relativement ordinaire,j’ai passé, par une enjambée de géant, à des énormités plus qu’héliogabaliques. Permettez-moi de raconter tout au long quelhasard, quel unique accident a amené cette malédiction. La Mortapproche, et l’ombre qui la devance a jeté une influenceadoucissante sur mon cœur. Je soupire, en passant à travers lasombre vallée, après la sympathie – j’allais dire la pitié – de messemblables. Je voudrais leur persuader que j’ai été en quelquesorte l’esclave de circonstances qui défiaient tout contrôlehumain. Je désirerais qu’ils découvrissent pour moi, dans lesdétails que je vais leur donner, quelque petite oasis de fatalitédans un Saharah d’erreur. Je voudrais qu’ils accordassent, – cequ’ils ne peuvent pas se refuser à accorder, – que, bien que cemonde ait connu de grandes tentations, jamais l’homme n’a étéjusqu’ici tenté de cette façon, – et certainement n’a jamaissuccombé de cette façon. Est-ce donc pour cela qu’il n’a jamaisconnu les mêmes souffrances ? En vérité, n’ai-je pas vécu dansun rêve ? Est-ce que je ne meurs pas victime de l’horreur etdu mystère des plus étranges de toutes les visionssublunaires ?

Je suis le descendant d’une race qui s’est distinguée en touttemps par un tempérament imaginatif et facilement excitable ;et ma première enfance prouva que j’avais pleinement hérité ducaractère de famille. Quand j’avançai en âge, ce caractère sedessina plus fortement ; il devint, pour mille raisons, unecause d’inquiétude sérieuse pour mes amis, et de préjudice positifpour moi-même. Je devins volontaire, adonné aux plus sauvagescaprices ; je fus la proie des plus indomptables passions. Mesparents, qui étaient d’un esprit faible, et que tourmentaient desdéfauts constitutionnels de même nature, ne pouvaient pas fairegrand-chose pour arrêter les tendances mauvaises qui medistinguaient. Il y eut de leur côté quelques tentatives, faibles,mal dirigées, qui échouèrent complètement, et qui tournèrent pourmoi en triomphe complet. À partir de ce moment, ma voix fut une loidomestique ; et, à un âge où peu d’enfants ont quitté leurslisières, je fus abandonné à mon libre arbitre, et devins le maîtrede toutes mes actions, – excepté de nom.

Mes premières impressions de la vie d’écolier sont liées à unevaste et extravagante maison du style d’Élisabeth, dans un sombrevillage d’Angleterre, décoré de nombreux arbres gigantesques etnoueux, et dont toutes les maisons étaient excessivement anciennes.En vérité, c’était un lieu semblable à un rêve et bien fait pourcharmer l’esprit que cette vénérable vieille ville. En ce momentmême je sens en imagination le frisson rafraîchissant de sesavenues profondément ombreuses, je respire l’émanation de ses milletaillis, et je tressaille encore, avec une indéfinissable volupté,à la note profonde et sourde de la cloche, déchirant à chaqueheure, de son rugissement soudain et morose, la quiétude del’atmosphère brune dans laquelle s’enfonçait et s’endormait leclocher gothique tout dentelé.

Je trouve peut-être autant de plaisir qu’il m’est donné d’enéprouver maintenant à m’appesantir sur ces minutieux souvenirs del’école et de ses rêveries. Plongé dans le malheur comme je lesuis, – malheur, hélas ! qui n’est que trop réel, – on mepardonnera de chercher un soulagement, bien léger et bien court,dans ces puérils et divagants détails. D’ailleurs, quoiqueabsolument vulgaires et risibles en eux-mêmes, ils prennent dansmon imagination une importance circonstancielle, à cause de leurintime connexion avec les lieux et l’époque où je distinguemaintenant les premiers avertissements ambigus de la destinée, quidepuis lors m’a si profondément enveloppé de son ombre. Laissez-moidonc me souvenir.

La maison, je l’ai dit, était vieille et irrégulière. Lesterrains étaient vastes, et un haut et solide mur de briques,couronné d’une couche de mortier et de verre cassé, en faisait lecircuit. Ce rempart digne d’une prison formait la limite de notredomaine ; nos regards n’allaient au delà que trois fois parsemaine, – une fois chaque samedi, dans l’après-midi, quand,accompagnés de deux maîtres d’étude, on nous permettait de faire decourtes promenades en commun à travers la campagne voisine, et deuxfois le dimanche, quand nous allions, avec la régularité destroupes à la parade, assister aux offices du soir et du matin dansl’unique église du village. Le principal de notre école étaitpasteur de cette église. Avec quel profond sentiment d’admirationet de perplexité avais-je coutume de le contempler, de notre bancrelégué dans la tribune, quand il montait en chaire d’un passolennel et lent ! Ce personnage vénérable, avec ce visage simodeste et si bénin, avec une robe si bien lustrée et sicléricalement ondoyante, avec une perruque si minutieusementpoudrée, si roide et si vaste, pouvait-il être le même homme qui,tout à l’heure, avec un visage aigre et dans des vêtements souillésde tabac, faisait exécuter, férule en main, les lois draconiennesde l’école ? Oh ! gigantesque paradoxe, dont lamonstruosité exclut toute solution !

Dans un angle du mur massif rechignait une porte plus massiveencore, solidement fermée, garnie de verrous et surmontée d’unbuisson

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