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Souvenir 14 18

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Par   •  20 Juin 2014  •  1 762 Mots (8 Pages)  •  780 Vues

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Arndt Weinrich est chercheur en histoire à l’Institut historique allemand, à Paris. Il est responsable de l’axe de recherche sur la première guerre mondiale. Avec Benjamin Gilles, il vient de publier 1914-1918. Une guerre des images, France-Allemagne (Ed. La Martinière, 288 p., 40 €), plongée dans l’univers visuel des Français et des Allemands de l’époque.

Quel a été le rôle de la victoire de Tannenberg, en août 1914, dans la mémoire collective allemande de l’entre-deux-guerres ? Y a-t-il eu une forme d’unanimité autour de cet événement ?

Tannenberg est primordiale dans la mémoire collective allemande de la Grande Guerre, bien au-delà des seuls nazis, parce que c’est la seule victoire de très grande ampleur dans un conflit qui demeure, quelle que soit la façon dont on le raconte, une défaite pour l’Allemagne. C’est sur le moment un événement majeur, non seulement pour l’armée, mais aussi pour l’opinion, qui y voit un coup d’arrêt décisif à la peur du « rouleau compresseur » russe, et ce pour toute la durée de la guerre. Elle crée enfin le mythe du tandem Hindenburg-Ludendorff, les concepteurs de la bataille victorieuse, qui pourront ainsi s’imposer peu à peu auprès du Kaiser Guillaume, puis du gouvernement.

C’est donc un élément de mémoire que l’on peut mettre en scène. Dès 1924 est posée à Tannenberg la première pierre d’un gigantesque monument inauguré en 1927, qui s’imposera peu à peu comme le lieu par excellence de la mémoire nationale de la Grande Guerre. Celle-ci est, dès l’armistice, extrêmement clivée, tant il est difficile de donner un sens à la défaite. L’extrême droite, le général Ludendorff en tête, met en avant la thèse, fausse, du « coup de poignard dans le dos », d’une armée invaincue mais trahie par « l’arrière » – les communistes, les sociaux-démocrates. La gauche et les républicains, eux, tentent de tenir un discours pacifiste de dénonciation de la guerre.

Impossible dès lors de se mettre d’accord sur une date ou un lieu de mémoire unique. Le monument de Tannenberg est d’ailleurs édifié par une souscription d’associations d’anciens combattants très marquées à droite, tandis que des monuments aux morts pacifistes sont érigés surtout dans des villes de gauche. Le Volkstrauertag, le « jour de deuil du peuple », est commémoré chaque novembre au Reichstag et le gouvernement y participe, mais cet événement reste l’initiative d’une association privée d’obédience conservatrice, par ailleurs chargée de gérer les sépultures militaires.

Lire 1973, la Grande Guerre passée au crible de la lutte des classes, par Nicolas Offenstadt

Comment les nazis se situent-ils dans cette mémoire clivée ?

Ils reprennent bien sûr la thèse du « coup de poignard dans le dos », en ajoutant les juifs à la liste des traîtres présumés qui auraient conduit l’Allemagne vers la défaite et la révolution. Mais ils sont, avant 1933 et l’arrivée d’Hitler au pouvoir, dans une certaine ambiguïté à l’égard du maréchal Hindenburg et des anciens combattants. Car Hindenburg, élu président en 1925 grâce au prestige de la victoire de Tannenberg, est aussi un adversaire politique. En effet, le parti nazi n’est pas un parti d’anciens combattants – en 1932, l’âge moyen de ses membres est de 30 ans – et il se présente comme un parti jeune et révolutionnaire, qui veut mettre à bas « l’ancien monde », ce qui ne peut qu’inquiéter les militaires prussiens de la génération précédente.

Mais Hitler parviendra habilement à fusionner dans un même type de cérémonial l’hommage aux Frontsoldaten (« anciens combattants ») et l’hommage aux « témoins du sang », ces militants nazis tombés sur le « front intérieur » contre les communistes. Il est ainsi rendu hommage, chaque 9 novembre, aux victimes du putsch de la Brasserie [en 1923, Hitler tente de prendre le pouvoir en Bavière], dans des cérémonies calquées sur celles des anciens combattants. En revanche, après 1933, et surtout après la mort d’Hindenburg un an plus tard, les nazis peuvent sans problème promouvoir le culte des anciens combattants, y compris à Tannenberg, où sont transférées les cendres du vieux maréchal.

Autre ambiguïté : les dirigeants nazis, souvent simples soldats ou sous-officiers en 1914-1918, rendent sans cesse hommage aux vertus militaires et au nationalisme guerrier, mais, dans le même temps, cela ne les empêche pas de mettre en avant leur expérience d’anciens combattants pour affirmer leurs intentions pacifiques sur le thème du « plus jamais ça ». Cet argument doit évidemment rassurer l’étranger, mais il s’adresse aussi à une opinion allemande traumatisée par la défaite, et qui ne veut absolument pas d’une guerre de revanche.

Le parti est ainsi très attentif, pendant la crise des Sudètes [territoires tchécoslovaques annexés par Hitler en 1938], aux expressions de crainte et de scepticisme de la population face au risque d’une nouvelle guerre, même si le régime totalitaire a alors les moyens d’empêcher toute expression publique de ce sentiment. Le thème mis en avant par les nazis après 1933 est donc le « redressement national ». Ce n’est qu’en juin 1940, après la débâcle française, que les nazis popularisent l’idée de l’effacement de la défaite de 1918 par les armes ! Hitler est alors au sommet de sa popularité dans une opinion allemande aussi surprise que lui d’une victoire si rapide.

Lire A l'est, l'Allemagne gagne une bataille

Pourtant, la révision du traité de Versailles est présentée

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