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Par   •  28 Mars 2013  •  Fiche  •  9 186 Mots (37 Pages)  •  496 Vues

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Activités, avril 2010, volume 7 numéro 1 111

De la procédure in abstracto à la procédure « en acte » :

le cas de la signification des actes authentiques par les clercs

d’huissier de justice

« Rien dans la règle ne prédétermine son application dans un cas particulier (…). Ce qu’une règle

implique est défini par des processus sociaux contingents » (Barnes, 1995).

Damien Collard

Université de Franche-Comté, 1 rue Claude Goudimel, 25030 Besançon cedex

damien.collard@univ-fcomte.fr

Abstract

From a procedure in abstracto to a procedure «in action»: the case of

writs being served by bailiffs’ clerks. This article shows that applying a

procedure is not a mechanical (or simple) consequence of the procedure

itself. It depends upon a series of practical tasks carried out in concrete

situations. This idea is illustrated by the example of a legal procedure

known as the serving of writs by bailiffs’ clerks. The procedure has a general

framework which must be respected in all circumstances. Nevertheless,

observation shows that in practice, clerks are obliged to deal with and adapt

to local circumstances and take advantage of opportunities which occur

in their environment. Consequently, a distinction may be drawn between

the procedure in abstracto – as a corpus of formal rules in a textbook –

and the procedure «in action» – as a series of practical tasks relying upon

heterogeneous resources such as written rules, data provided by local

contexts, and the clerks’ experience and professional skills.

Keywords

Serving writs, bailiffs’ clerks, procedure, practice, skills, situation.

Introduction

En droit, la « signification » consiste en la remise physique d’un acte à son destinataire par un officier

ministériel ou un agent spécialement habilité (Isnard, 2004). L’acte dont il est question ici est

dit « authentique » car il émane d’un officier ministériel, c’est-à-dire d’un agent reconnu par l’Etat

et qualifié pour produire de tels actes dans les formes attendues. Une fois l’acte produit, une copie

va être remise à son destinataire. Là encore, c’est un officier ministériel, en l’occurrence un huissier

de justice, qui opère. Celui-ci détient, en vertu de la loi, le monopole de la signification des actes

authentiques. Mais dans la pratique c’est généralement un clerc d’huissier de justice qui mène à bien

cette opération. Certains clercs (dits « clercs significateurs ») sont en effet spécialement chargés de

« signifier » les actes et les décisions de justice, en les remettant en mains propres aux justiciables

ou, à défaut, à un tiers.

Le métier de clerc d’huissier de justice n’a fait l’objet d’aucune étude. Dans le domaine juridique,

les sociologues se sont avant tout intéressés à des professions plus « nobles » : les juges de la Cour

de Cassation (Bancaud, 1989), les conseillers d’Etat (Latour, 2002), les avocats (Karpik, 1995 ; Milburn,

2002), les commissaires-priseurs (Quemin, 1997), les notaires (Suleiman, 1987 ; Thuderoz,

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Activités, avril 2010, volume 7 numéro 1 112

D. Collard De la procédure in abstracto à la procédure « en acte »

1991), les huissiers de justice (Mathieu-Fritz, 2003, 2005, 2006 ; Thuderoz, 1991, op. cit.). Pourquoi

ce désintérêt pour les clercs d’huissier de justice ? Il tient avant tout à la nature des tâches qui leur

sont confiées et au statut qu’ils occupent. Ce sont des exécutants, des « petites mains », à qui l’on

confie des tâches peu valorisantes : tâches administratives réalisées au sein des études ou tâches liées

à la signification des actes authentiques effectuées sur le terrain. Dans les deux cas, les clercs exécutent

des procédures et effectuent un travail invisible et routinier qui repose sur le respect d’un certain

nombre de règles et sur des « allants de soi »1, un travail dont on ne voit bien souvent que le résultat

(un courrier envoyé, un dossier complété, un acte signifié…). On est du côté de l’exécution du droit

(de l’intendance) et non du côté de la conception du droit et des « théoriciens » ou « interprètes » du

droit2 (Bourdieu, 1986). De plus, les clercs n’existent que dans l’ombre des huissiers de justice. En

effet, ils agissent pour le compte d’un huissier et sous sa responsabilité.

Mais que recouvre réellement le travail des clercs significateurs ? Comment passe-t-on de la règle

à la pratique ? Que signifie suivre une procédure juridique et appliquer un certain nombre de règles

de droit ? Quel enseignement plus général peut-on tirer de ce cas particulier et que veut dire au juste

« suivre une règle » ? Dans le cadre de la procédure de signification

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