QUESTIONS CONTEMPO SCIENCES PO

      « C’est la peur que tu as, qui te fait, Sancho, voir et entendre tout de travers » argue l’hidalgo Don Quichote à son serviteur alors qu’il s’apprêter à lancer ses armées à l’assaut, dans l’œuvre éponyme de Miguel de Cervantes parue en 1605. Communément associée à la lâcheté, la peur est un mot chargé de honte. Elle est un sentiment, qui, lorsqu’il est intense, plonge l’être dans le délire, dans une forme de psychose paranoïaque qui le prive de sa lucidité, de tout bon sens, et de son habileté à se ressaisir lui-même.  L’Homme qui s’enferme dans sa peur serait frappé par la folie, et, démuni de sa raison propre, il serait atteint d’une lâcheté affligeante tant il est incapable de surmonter ses propres pensées, d’affronter les propres fruits de sa propre imagination. La peur serait donc un sentiment côtoyant, parfois, la pathologie mentale, contre lequel l’Homme doit lutter pour ne pas céder à son emprise. Pourtant, la peur a permis la survie de l’espèce humaine. Comme le narre le mythe de Prométhée, l’être humain est la seule espèce vivante, qui, négligée accidentellement par Epiméthée et son frère, n’a reçu aucun moyen naturel afin de se défendre. Faible physiquement, la peur a permis aux Hommes de faire face aux menaces qui mettaient en péril leur survie. Puissant détecteur de danger, elle permet à l’individu d’évaluer le risque qui l’environne afin qu’il puisse protéger son intégrité physique. En s’opposant à l’inconscience, la peur s’avère essentielle lorsqu’elle agit comme                                                                      Si elle est définie par Maupassant comme «  une sensation atroce, une décomposition de l'âme, un spasme affreux de la pensée du cœur dont le souvenir seul nous donne des frissons d'angoisse » dans Les contes de la Bécasse de 1883, le petit robert la définit comme « un phénomène psychologique qui accompagne la prise de conscience d'un danger réel et imaginé, d'une menace ». Paradoxalement, la peur sauve l’Homme en même temps qu’elle le ronge de l’intérieur, et par sa puissance destructrice, elle fait de la paranoïa et de l’instinct de survie deux phénomènes proches mais pourtant divergents, séparés par une frontière si fine qu’elle rend leur distinction complexe et confuse.

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