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Le massacre des chats

Fiche : Le massacre des chats. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  9 Décembre 2018  •  Fiche  •  1 285 Mots (6 Pages)  •  774 Vues

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BISMUTH Terry

Résumé d’article : Le Grand massacre des chats : attitudes et croyances dans l’ancienne France, Robert Darnton

Chapitre 2 : « Une révolte d’ouvriers : le grand massacre des chats de la rue Saint-Séverin »

   Dans le souci de retracer les attitudes et les croyances dans l’ancienne France et ailleurs, Robert Darnton s’intéresse à un épisode de la vie urbaine à Paris de la fin de l’année 1730, alors que se développent les ateliers, remplaçant les plus petites imprimeries et annonçant l’industrialisation à venir. Cet épisode nous est rapporté une trentaine d’années plus tard et, s’il est authentique pour l’essentiel, la narration qui nous en est donnée par Nicolas Contat, en constitue cependant une version particulière afin d’en mettre en lumière le caractère significatif. Des ouvriers imprimeurs expriment leur colère en massacrant des chats de la rue Saint-Séverin, dans un grand moment de défoulement joyeux et festif. En effet, exaspéré par les hurlements des chats qui les empêchent de dormir, ils finissent par éliminer ces animaux. Au-delà du substrat factuel incontesté, ce grand massacre des chats exprime bien un contexte social tendu auquel il offre un exutoire. Darnton y voit un reflet des conditions ouvrières en France à l’époque moderne mais l’étude menée déborde cet axe de recherche et ce cadre géographique. Il donne un aperçu plus large des façons de vivre et des représentations symboliques avant la Révolution française, et peut-être en préparation lointaine de cette dernière. Plus largement encore, il esquisse une étude anthropologique à plus large échelle du rôle mobilisateur des représentations.

Depuis l’Antiquité, le chat est un animal investi d’une dimension symbolique particulière. Cet animal fascine les hommes mais peut aussi les effrayer. Considéré comme sacré, sinon divin, chez les Egyptiens, le chat est en revanche associé souvent au diable et à la sorcellerie au Moyen Age. D’ailleurs, la chasse aux chats telle qu’effectuée de façon très concertée et efficace dans la rue Saint-Séverin, évoque la traque des sorcières, qu’il s’agit de neutraliser et d’éliminer. On attribue au chat des pouvoirs magiques, notamment de nuisance, dont il s’agit de se protéger. On prête à certains de ses organes des vertus spécifiques, notamment curatives et merveilleuses. Une connotation sexuelle est attachée en outre à cet animal. Ceci nous explique pourquoi la violence sadique des hommes s’abat souvent sur cet animal dans les temps anciens.  

Plus largement, le rapport entre l’homme et l’animal était alors très éloigné de ce qu’il peut être aujourd’hui dans nos sociétés occidentales. La cruauté, souvent meurtrière, envers les animaux, constitue un amusement populaire très courant. Au XVIIIe siècle, l’attention ou la cruauté envers les animaux creuse un clivage et délimite sans doute deux façons de vivre de plus en plus étrangères l’une à l’autre. Par ailleurs, les animaux peuvent être traduits en justice et subir des châtiments, y compris être exécutés. Les tortures voire les massacres des animaux constituent un grand moment festif. Une telle conduite collective nous étonne et nous choque, ce qui légitime paradoxalement son intérêt comme objet d’étude, dans la mesure où le plus différent et le plus dérangeant est aussi le plus significatif d’un autre système de valeurs.

Comme le souligne Darnton, cet épisode est sans doute le plus drôle vécu par ces ouvriers éprouvés par la vie. Pour eux, il s’agit non seulement d’une plaisanterie réussie mais d’un grand moment de défoulement burlesque et joyeux qui marque leur mémoire. La dérision qui entoure le supplice infligé aux chats, y compris leur pendaison, après un simulacre d’extrême onction, revêt une dimension de grand carnaval où beaucoup de choses devenaient possibles dans un grand élan rabelaisien, de rire et de parodie d’une vie sociale que l’on singe. En arrière-fond de cet épisode, il convient de noter le contexte d’une liaison entretenue par la maîtresse avec un amant plus jeune qu’elle. Or, tel est précisément le cadre fréquent d’un charivari, sorte de carnaval très ritualisé mais qui n’est pas lié à une période de l’année. Autrement dit, le massacre des chats et en particulier de la chatte est porteur d’une dénonciation implicite de l’adultère de la femme et donc du cocuage du mari. Plus encore, la violence infligée à la chatte constitue une sorte d’expression transposée, certes discrète, du viol de la maîtresse elle-même, non réalisé concrètement, mais néanmoins accompli symboliquement. Comme le note Darnton, le ton paillard et truculent, la violence déchaînée, l’intensité brute de cette drôle de fête nous éloignent de l’ironie d’un Voltaire pour nous reconduire plutôt aux charivaris du Moyen Age. La société dans son ensemble reste fascinée par « l’éclat des supplices » (Michel Foucault au sujet de l’écartèlement de Damiens, 1757).

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