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La Cause

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Par   •  8 Avril 2014  •  Analyse sectorielle  •  7 380 Mots (30 Pages)  •  684 Vues

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Séance n° 3 : La cause

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Qui s’interroge sur la cause répond à la question « cur debetur » : pourquoi quelque chose est- il dû, pourquoi l’obligation a-t-elle été souscrite, pourquoi les parties ont-elles contracté ? A cette question, il y a souvent plusieurs réponses concevables, ne serait-ce que parce que l’on peut distinguer la raison d’être immédiate de l’engagement – la causa proxima – de ses raisons plus lointaines (causa remota). Si j’accepte par exemple de payer telle somme pour acquérir tel véhicule, ce peut être tout à la fois pour avoir ce véhicule en échange (cause immédiate) et pour pouvoir partir avec en vacances (causa remota). Probablement conscients qu’il existe bien des façons de poser la question du pourquoi de l’engagement et d’y répondre, les rédacteurs du Code civil ne nous ont dit pas de quelle cause il était question lorsqu’ils ont érigé la cause, à l’article 1108, en condition essentielle à la validité du contrat. Ils se sont contentés d’énoncer, à l’article 1131, que « l’obligation sans cause ou sur fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ». Une exégèse rapide de cette disposition pourrait laisser penser que l’obligation sans cause et l’obligation sur fausse cause renvoient à deux situations différentes, car pour pouvoir être qualifiée de « fausse », une cause doit au préalable exister ou tout au moins être invoquée. En réalité, et selon l’opinion dominante, ces deux situations se confondent : lorsque la cause alléguée est fausse, c’est-à-dire inexacte ou inexistante, elle ne peut, par hypothèse, servir de cause au sens de l’article 1131, si bien que le résultat est le même. Autrement dit, les trois situations évoquées par le Code civil (cause inexistante, fausse cause, cause illicite) peuvent être regroupées en deux exigences : celle de l’existence d’une cause, et celle de la licéité de la cause.

Dans le prolongement de cette double exigence, on enseigne traditionnellement qu’en droit français, la cause fait l’objet d’une conception dualiste, et plus précisément qu’elle n’a pas le même sens selon qu’il s’agit de répondre à la première ou à la seconde de ces deux exigences. S’agit-il de répondre à la question de l’existence de la cause, et c’est alors la cause de l’obligation qui doit être prise en compte. La question de la licéité de la cause, elle, concerne la cause du contrat.

Cette distinction nécessaire entre la cause de l’obligation et la cause du contrat se traduit par plusieurs oppositions tout aussi traditionnelles. En premier lieu, cause de l’obligation et cause du contrat se distinguent par leur nature. La cause de l’obligation est une cause abstraite et stéréotypée, en d’autres termes objective : elle est donc propre à chaque opération en fonction

de son genre et à l’intérieur de ce genre, elle est invariable (dans les contrats synallagmatique, la cause de l’obligation de chacune des parties réside dans l’obligation de l’autre ; dans les contrats réels, elle résulte de la remise de la chose ; dans les contrats gratuits, la cause de l’obligation se confond avec l’intention libérale, et dans les contrats unilatéraux, elle est fournie par la dette préexistante que la promesse souscrite a pour objet de payer) . A l’opposé, la cause du contrat, elle, est par essence subjective : elle renvoie aux mobiles des parties, du moins, pour reprendre la formule en usage dans la jurisprudence, à « la cause impulsive et déterminante de leur engagement ». Et tandis que la cause de l’obligation est invariable, la cause du contrat, parce qu’elle est subjective, est du même coup variable : elle ne dépend pas d’un type d’opération, mais des relations concrètes qui ont pu s’établir entre les parties.

En deuxième lieu, les deux causes – celle de l’obligation et celle du contrat - se distinguent par leur fonction : alors que la cause de l’obligation permet de contrôler le contrat dans sa consistance et son équilibre et de vérifier qu’il existe, pour chaque partie, un intérêt à l’engagement, la cause du contrat, elle, renvoie à des éléments qui lui sont extérieurs et permet de le contrôler dans sa moralité ou sa légalité. Dans les deux cas, les mission du juge ne connaissent pas les mêmes bornes. Le contrôle de la licéité de la cause conduit le juge à sonder les mobiles des parties et leur rectitude, ce qui implique des investigations qui, en principe, n’ont pas lieu d’être lorsqu’il s’agit seulement de contrôler l’existence de la cause. Dans ce cas en effet, le juge doit seulement vérifier qu’il existe un contrepoids à l’obligation, une contrepartie. Une fois cette contrepartie constatée, une fois la réciprocité des obligations acquise, il n’a pas à vérifier leur équilibre économique, c’est-à-dire leur équivalence. Que la cause n’ait pas été conçue pour permettre au juge de contrôler l’équivalence des prestations prolonge l’idée que la lésion n’est pas, en droit français, une cause générale de rescision des contrats commutatifs déséquilibrés.

Telle est, grossièrement résumée, la théorie classique de la cause. Une théorie dès l’origine assez sophistiquée et d’une incontestable subtilité. Ceci explique sans doute que, pendant longtemps, la notion de cause, qui n’a pas d’équivalent dans les autres systèmes européens, ait pu faire l’orgueil des civilistes français. Il y eut, certes, au début du 20ème siècle, la célèbre critique « anti-causaliste » de Planiol, pour qui la notion était inutile et à certains égards erronée. Mais cette critique n’a jamais connu qu’un vague succès d’estime. Il n’empêche que, les évolutions dont la cause a fait l’objet en droit positif n’ont fait que la rendre plus subtile encore, au point que la notion est devenue l’une des plus complexes du droit des contrats. Il

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en est ainsi plus spécialement depuis que la jurisprudence, aux termes d’une évolution dont le point de départ remonte à une quinzaine d’années, s’est saisie de la cause pour la faire sortir de son rôle initial et contrôler, non plus seulement l’intérêt retiré du contrat, mais l’équilibre des prestations échangées. A la faveur de cette évolution, les frontières entre l’objectif et le subjectif, entre la cause de l’obligation et la cause du contrat, se sont brouillées. Plus précisément, l’apparente unité de la conception dualiste a été brisée par un mouvement dit de « subjectivisation de la cause objective ». L’importance de ce courant jurisprudentiel est apparue en pleine lumière avec le premier arrêt Chronopost, du

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