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L'émergence D'une Notion De Couple En Droit Civil Par Clotilde Brunetti-Pons

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Par   •  16 Novembre 2013  •  9 496 Mots (38 Pages)  •  1 963 Vues

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RTD Civ. 1999 p. 27

L'émergence d'une notion de couple en droit civil

Clotilde Brunetti-Pons, Maître de conférences à l'Université de Reims ; Directeur du Centre de recherche sur le couple

L'essentiel

A la crise du mariage et au développement corrélatif du concubinage, le législateur a répondu par la consécration d'une notion qui recouvre une même réalité de fait, celle des parents qui cherchent, au-delà de leur séparation, à constituer une famille. Le couple peut être défini comme l'union affective et morale qui lie un homme et une femme entre eux. En droit civil, son critère est l'existence d'un lien parental ; il se distingue en cela du critère d'ordre économique consacré en droit social. Si cette notion présente ainsi une réelle spécificité, c'est qu'elle renferme un projet ambitieux, celui d'une nouvelle symbolique dont l'idée directrice est celle de responsabilité parentale (autorité parentale conjointe, engagement parental).

1. Le droit de la famille est la branche du droit civil qui a connu les transformations les plus spectaculaires ces trente dernières années. Deux dates retiendront particulièrement l'attention : 1968, en premier lieu, non seulement pour le tournant social et idéologique que symbolise cette année là, mais aussi et surtout, pour la phénoménale ascension du concubinage qu'elle a introduit ; 1972, en second lieu, en ce que la transformation de la conception même de la famille remonte, pour l'essentiel, à cette date: en plaçant sur un pied d'égalité tous les enfants, qu'ils soient légitimes ou naturels. Et en dissociant la légitimité du mariage, la loi du 3 janvier 1972 sur la filiation a accéléré la diversification des comportements familiaux. Cette juxtaposition de dates montre avec évidence que l'évolution des moeurs et l'adoption de nouveaux textes de loi ont combiné leurs effets pour aboutir à ce que l'on qualifie aujourd'hui de « crise » du droit de la famille.

2. Le concubinage n'est pas un phénomène nouveau, ni même la critique du mariage. Dès le XVe siècle, les premiers humanistes et les préréformateurs adoptèrent vis-à-vis du mariage une attitude assez indépendante. L'institution du mariage fut alors fortement battue en brèche, en Italie et en Allemagne tout d'abord, en France un peu plus tard. En 1472, fut publié en Allemagne un livre d'Albrecht von Eyb dont le titre posait la question de savoir s'il fallait ou non se marier. Après la révocation de l'Edit de Nantes, les protestants n'étaient pas mariés ; ils n'avaient plus de pasteurs reconnus et ils ne voulaient pas d'un prêtre. « La question du mariage résumons-la crûment ; c'est la question du concubinage », écrit le doyen Carbonnier

Ainsi, la France, le long des siècles et sous le régime même du code civil, a déjà connu des couples non mariés. Cependant, l'importance quantitative du phénomène du concubinage actuellement nécessaire une réflexion sur l'émergence d'une notion qui a permis au législateur de tenir compte de ces nouvelles données sociales.

3. La notion de couple est apparue en droit civil avec la loi du 29 juillet 1994. L'importance du concept était soulignée par les sociologues depuis déjà plusieurs années. Mais un tel constat ne suffisait pas à faire de cette réalité sociale une réalité juridique, encore fallait-il que le couple trouvât à s'exprimer juridiquement. C'est ce qui se produisit en droit social. De son côté, le droit civil s'intéressa aussi au couple, mais avec les tâtonnements qu'imposait la primauté du modèle du mariage en droit de la famille. C'est à la suite d'un processus d'assimilation du concubinage au mariage que cette notion s'est trouvée consacrée en droit. Lorsque le concubinage présente une certaine stabilité, il a semblé nécessaire de pallier l'imprévoyance des concubins en lui attachant certains effets du mariage : obtention d'une compensation financière en cas de rupture fautive ; indemnisation en cas de perte de l'être cher ; reconnaissance d'une autorité parentale conjointe ; recours aux procréations médicalement assistées

4. L'assimilation, proprement dite, du concubinage au mariage est assez récente. Il s'agit d'une tendance étroitement liée aux réformes législatives ayant organisé la famille naturelle sur le mode de la famille légitime. C'est la loi Malhuret du 22 juillet 1987 qui constitua la première étape de cette évolution en permettant aux parents naturels d'exercer ensemble l'autorité parentale sur simple déclaration conjointe non contrôlable. Une seconde étape fut franchie avec la loi du 8 janvier 1993 qui a englobé dans une même appréhension, au regard de l'autorité parentale, les couples mariés, les couples séparés et les couples non mariés. Enfin, la loi du 29 juillet 1994 a couronné cette évolution en assimilant le concubinage au mariage dans la définition juridique du couple inscrite à l'article L. 152-2 du code de la santé publique.

Aux termes de cet article : « L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans (...) ». En rédigeant ce texte, le législateur a fixé des limites à la compréhension du mot couple par le droit. Notamment, en précisant que le couple est composé d'un homme et d'une femme et en sous-entendant que le couple doit être stable (par l'exigence de la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans lorsque le couple n'est pas marié), le législateur a donné à ce mot une signification plus précise en droit que dans le langage courant. Note de bas de page(18). Il est permis d'en déduire que le couple est aujourd'hui une notion de droit civil, et cela même si l'article susvisé n'a pas été inséré dans le code civil mais dans un code technique. Sans doute était-il alors encore trop tôt pour l'étendre à un domaine dépassant la matière des procréations médicalement assistées. L'article L. 152-2 du code de la santé publique offre assurément un point de départ à la réflexion à mener sur cette notion, mais elle ne résout pas tout, loin de là, puisqu'elle trouve précisément ses limites dans le caractère technique de la matière abordée.

5. L'apparition

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