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Dissertation - Sommes nous aliénés par notre conscience morale ?

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Par   •  27 Février 2017  •  Dissertation  •  2 235 Mots (9 Pages)  •  2 068 Vues

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SOMMES NOUS ALIENES PAR NOTRE CONSCIENCE MORALE ?

«  Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l’homme infiniment au-dessus de tous les êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne » (Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique). Ainsi Kant définit le « moi » : il est cet être moral et responsable, capable d’évaluer ses actes en fonction du bien et du mal, de les maîtriser.  Le « moi » désigne donc un sujet conscient de soi et du monde, origine, auteur, maître de ses actes et pensées. Et ce que l’on désigne par la capacité qu’a l’homme de faire retour sur ses pensées et actions pour les analyser et les juger en fonction des valeurs morales n’est autre que la conscience morale. Ici donc apparaît une problématique complexe : comment la conscience morale, étant le propre de l’homme, peut-elle apparaître comme une instance extérieure au soi, voire supérieure à lui ? Peut-on dire que la conscience morale est, vis-à-vis du soi, dans une position de supériorité, et non pas seulement d’extériorité ? Et plus que cela, peut-on aller jusqu’à dire que la conscience morale incarne un joug emprisonnant l’homme dans l’étau de ce qu’est la morale, et l’empêchant d’atteindre sa liberté en tant que personne humaine ? Comment en effet, la conscience, premier tremplin vers la liberté humaine, peut-elle être à la fois source de liberté et facteur d’aliénation ? Comment peut-on comprendre la conscience morale lorsqu’elle fonde la responsabilité et la liberté de l’individu, tout en paraissant l’aliéner, c’est-à-dire le déposséder de sa propre identité et le précipiter dans l’échec de sa réalisation personnelle ?

        Cette première ébauche de compréhension des relations intrinsèques entre sujet et morale, ou plus précisément entre les notions de sujet et de conscience nous amène à nous interroger sur la pluralité des définitions possibles de la conscience morale. Au premier abord, elle désigne la faculté de juger, ou de se représenter la valeur morale de ses actes. Mais comment cette sentence morale se prononce-t-elle ? Sur quels fondements est-elle établie ? N’y a-t’il pas une définition sociologique de la conscience morale, telle qu’elle est le résultat de l’intériorisation des règles sociales ? Ou ne doit-on pas plutôt opter pour une définition psychanalytique, qui voit dans la conscience morale le résultat d’un retournement intérieur des pulsions du moi individuel ? Ou plus encore, n’est-il pas plus juste de considérer que le caractère spécifiquement moral de la conscience est irréductible à une simple détermination sociale ou psychique ?  

Et si l’on ne traite pas d’une détermination sociale ou psychique, il est essentiel de saisir comment peut être comprise la conscience morale : est-elle l’agent produisant l’aliénation dont il est question, laquelle serait dès lors subie par le « moi », compris comme sujet au sens de la soumission et de la passivité d’un patient. Ou, n’incarne-t-elle pas simplement une sorte de courroie de transmission à travers laquelle l’aliénation se réaliserait, quand bien même celle-ci serait due à d’autres causes ?  

Chacune de ces deux premières théories prévoit de multiples questionnements : si, en effet, la conscience  morale est l’origine même de l’aliénation de l’individu, alors il ne peut être autrement que la conscience morale est une instance extérieure à l’individu – or, une telle extériorité est problématique.  Et si, la conscience n’est que ce « medium » par lequel l’aliénation s’opère, quelles peuvent être les causes de cette aliénation ? Doit-on en conclure qu’il nous faut rechercher ce qui nous aliène à travers la conscience morale ? Serait-ce la société, soit une source externe, ou bien plutôt une source interne, telle que nos pulsions ?  

        S’interroger sur le fait que nous soyons, ou non, aliénés par notre conscience morale, oblige que l’on définisse correctement ce que représente la conscience morale, ce que le « nous » constitue, et donc ce que le « soi » incarne. Et il faut plus que cela, définir ce que l’aliénation, pour l’individu, représente : Paul Ricoeur, dans son article « Aliénation » de l’Encyclopedia Universalis (Corpus, tome 1, 1996, pp. 825-829) définit l’aliénation en se basant sur le sens juridique du terme, soit la cession, le don ou la vente de ce que l’on possède à titre de propriété. Il y aurait donc une cession de notre individualité, ou plus que cela, de notre liberté, par ou au profit de notre conscience morale ?  Mais il est également possible de comprendre l’aliénation comme le fait de se sentir devenir autre, de ne plus être soi même. Ainsi Hegel écrit : « l’aliénation est l’action de devenir autre que soi, de se saisir dans ce qui est autre de l’esprit ». Mais alors, l’aliénation est ici ce sentiment d’altération éprouvé dans la conscience que l’on prend de son identité personnelle : c’est la constatation de notre échec à devenir soi même, à conquérir son identité personnelle. C’est ce que l’étymologie du terme présuppose : « alienare » signfie en latin « rendre étranger », « hostile ».  Le questionnement prend donc un tout autre sens : la conscience morale serait-elle cet obstacle à la réalisation personnelle de l’individu ? En bref, serait-elle non pas simplement une dépossession de l’individualité présente, mais également une dépossession de l’individualité potentielle de l’homme, soit de ce qu’il est en devenir, ou plutôt de ce qu’il aurait pu être ?

        On fait alors face à l’expérience du dédoublement, de la scission entre le moi et la conscience morale : s’agit-il ici d’une perte de soi dans un autre, une dépossession par laquelle l’homme, dépouillé de sa nature vraie – de sa liberté également- serait rendu étranger à lui-même ? Ou bien, au contraire, cette expérience du décentrement de la conscience n’est -elle pas plutôt nécessaire, comme une condition essentielle de la constitution même de soi ?

        La conscience morale peut être comprise étant la source même de l’aliénation de l’homme : elle nous rend étranger à nous même en nous soumettant aux impératifs d’ordre moral. Elle nous fait donc agir différemment, voire penser différemment, et opère donc une modification entière de nos actes et pensées. Mais si cette conscience morale nous fait agir et penser différemment, c’est précisément parce qu’elle oblige l’homme de faire retour sur ses pensées et actions pour les analyser et juger en fonction des valeurs morales. De façon simplifiée, la conscience morale incarne un censeur suprême qui rend l’homme étranger à lui-même. Mais cette extériorisation de la conscience pose problème : comment la conscience morale peut-elle être extérieure à l’individu ? Comment dissocier individualité et conscience morale, en tant qu’extériorité ? Ne serait-il pas plus juste de penser que la conscience morale n’est qu’un intermédiaire, qu’un « medium », et que les sources d’aliénation sont en réalité sociales ou psychiques ?

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