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Problème de nomination

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Par   •  21 Juin 2018  •  Commentaire d'oeuvre  •  4 940 Mots (20 Pages)  •  489 Vues

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  1. Le ressourcement culturel

Problème de nomination

Si l’on tenait d’observer cette génération par le biais des critiques de la littérature maghrébine, nous remarquons qu’une notion prime. Cette notion est « littérature ethnographique » ou « littérature ethnocentrique ».

Cette nomination qui pourrait sembler anodine cache un grave problème de représentativité. Cette littérature ethnographique se définit comme étant un discours qui a pour caractéristique de mettre en avant les traditions et les coutumes d’une communauté de personnes unies par un lien culturel et racial.

En d’autres termes, cette écriture s’occupe de représenter les us et les coutumes d’un peuple (ethnie) ou tribu (communauté ethnique).

Cette définition n’a a priori rien de péjoratif ou d’inexact. Ceci aurait été juste si les mots n’avaient cette polysémie qui leur permet d’associer à la définition bien lisse du dictionnaire une autre définition par le commun des gens. Cette appellation pose deux types de problèmes que nous tenterons de résumer après l’observation des définitions suivantes :

Première définition : (dictionnaire visuel) : ethnographie, spécialité de l’ethnologie (du grec « ethnos » = peuple) cette science (ethnologie) s’occupe de l’étude scientifique et systématique des sociétés dans l’ensemble de leurs manifestations linguistiques, coutumières, politiques, religieuses et économiques, comme dans leur histoire particulières.

Deuxième définition : (tirée d’études spécialisée) : « on appelle ethnographie la description minutieuse des groupes sociaux et plus particulièrement des tribus primitives. Elle tend à présenter des monographies[1], des relevés à peu près complets de tout ce qui concerne une petite collectivité facile à isoler. Elle fournit ainsi les documents, les matériaux de base sur lesquels s’exerce la réflexion de l’ethnologue ».

Critique des définitions :

Première définition

Si dans un effort de naïveté nous considérions la littérature ethnographique comme étant la simple étude de société humaine, le roman réaliste (celui de Balzac par exemple, Zola) mériterait sûrement mieux cette désignation. En effet, une œuvre La Comédie humaine n’a, selon les dires de son créateur, d’autres buts que celui de peindre avec plus de véracité possible la société française. Mais nul, bien sûr, n’oserait traiter Le Père Goriot de texte ethnographique, et nul n’admettra ouvertement que les Parisiens ou encore les Ch’timi est une ethnie. D’autre part, il nous parait très clairement que cette terminologie s’appliquerait à presque tous les textes littéraires car rares – à l’exception peut-être des textes de science-fiction – sont les discours littéraires qui ne peignent pas une réalité sociale ou une représentation sociale de l’homme.

Deuxième définition :

La deuxième définition, bien qu’elle rejoigne la première, elle offre plus de précisions sur le corpus qui intéresse véritablement l’ethnographie. Cette définition nous dit clairement que le sujet de prédilection[2] de l’ethnographie est les populations primitives. En d’autres termes, la littérature maghrébine de cette période (2ème génération 45- 55) cherche à représenter une communauté primitive (arriérée) du point de vue de la civilisation. Cette définition montre bien ce qui transcende d’une telle nomination des écrits maghrébins de cette période. Cette nomination, en plus de rabaisser la littérature des indigènes qui n’a pas grande ressemblance avec la Littérature dans son sens le plus noble, stéréotype tout un peuple qui lutte pour son existence et à qui l’on fait mine de dire : « ne te préoccupe plus de cet être primitif que tu es car la grande France te civilisera ».

Utilisé durant la domination coloniale française, ce type d’appellation ne choque pas car il est de bonne guerre de rabaisser l’autre pour le dominer. Mais que cette conception d’une littérature survive à l’indépendance des nations, cela montre que le procès de stéréotypisation reste toujours d’actualité et qu’il faudra une prise de conscience et un engagement des Maghrébins eux-mêmes.

C’est pour cette raison que nous adoptons en remplacement de la notion péjorative de « littérature ethnographique » la désignation de « littérature de ressourcement culturel ».

  1. L’être culturel et le ressourcement ethnologique

Il est bien évident à tous ceux qui ont feuilleté des romans de cette période que leurs auteurs ont choisi de situer leur discours dans un tiroir. Cette recherche (du lieu) n’est pas seulement un effet de style mais elle est, pour ces auteurs, une nécessité (thajma3th) car il s’agit pour eux d’une question existentialiste. L’œuvre est une manière de répondre à cette terrible question (qui suis-je ?). Cette question, comme tous les questionnements existentialistes, ne se pose pas seulement à un niveau personnel. La réponse – si réponse il y a – ne saurait être que collective. Cette nécessité de rattachement s’explique tout simplement par le fait que l’homme ne se voit qu’à travers la conception que l’Autre renvoie de lui. C’est « tu es un lâche parce que je le veux » (Sartre). En effet, c’est au prix d’une prise en charge collective des angoisses individuelles, mais aussi sociales, que l’Homme réussira à se dire dans toute sa vérité. C’est ce qui explique ce double mouvement diégétique qui pousse l’auteur à parler des autres afin de se définir et en même moment de mettre en scène son être d’écrivain afin de légitimer la culture des siens.

C’est pour cela que l’auteur tente, avant tout chose, de se définir principalement comme sujet culturel qui est le prolongement d’un peuple, de coutumes, de valeurs. Mais les choses ne sont pas si simples pour ces écrivains car au problème de la représentation qui est l’un des plus pertinents en littérature va s’ajouter un autre problème issu de l’affrontement des visions qui suit l’action colonisatrice. En effet, l’écrivain maghrébin a un statut particulier car il [l’écrivain] est à la fois le sujet et symbole d’une culture et d’une acculturation. Cet être issu de cet affrontement se retrouve avec une double appartenance culturelle et linguistique. D’un côté, il s’est imprégné de la culture de l’Autre (du colonisateur) et d’un autre côté, il a sentiment d’être le garant d’une culture première qui fut celle de ses ancêtres. Le malaise de ces auteurs est rarement inconscient (ils sont conscients). Les écrivains en état schizophrénique (double personnalité) ont conscience de leur situation. Et c’est d’ailleurs elle [leur situation] qui les pousse à cette prise de conscience, à écrire, afin d’exorciser les fantômes du passé et ceux du présent. C’est au nom de cette double identité qu’ils vont tenter de mettre fin à une double mystification : tout d’abord, à celle qui veut déprécier, dénigrer la culture des colonisés en la traitant d’anachronisme. Puis, à celle que l’on retrouve chez certains orientalistes qui, au contraire, idéalisent l’identité maghrébine. De ce fait, ces auteurs maghrébins qui vivent à la croisée des chemins se définissent, avant toute chose, comme juges de leur double appartenance ou critiques. Cette position prendra la forme dans leurs romans d’une écriture en patchwork qui mélangera histoire et mythe, croyance primitive et philosophie matérialisée, individualisme occidental et communautarisme maghrébin. En un mot, cette écriture individuelle et assumée comme telle est reliée à l’écriture d’une communauté culturelle et surtout identitaire.

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