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Nuit Rhénane Apollinaire

Commentaire de texte : Nuit Rhénane Apollinaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Mai 2022  •  Commentaire de texte  •  1 934 Mots (8 Pages)  •  290 Vues

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Guillaume Apollinaire, Rhénanes, Alcools, 1913

Ce poème s’inscrit dans le cycle dit « suite des Rhénanes » (9 poèmes inspirés par le séjour d’Apollinaire en Allemagne, au bord du Rhin à partir de 1901, pays dans lequel il est précepteur et dans lequel il se confronte aux récits surnaturels. « Nuit Rhénane » est un poème singulier, dans lequel les paysages allemands évoqués (qui maintiennent un regard posé sur le monde réel environnant) se marient à l’imaginaire germanique fantastique, celui des Ondines (créatures séduisantes et au pouvoir maléfique qui entraînent l’homme dans un univers inquiétant, elles vivent au fond des fleuves dans un palais de cristal où elles gardent prisonniers les hommes séduits). A cet univers allemand, résolument romantique, s’y ajoute une autre thématique tout aussi inspirante, celle de la femme sensuelle, une évocation indirecte d’Annie Playden, femme aimée d’Apollinaire. Mais Apollinaire trouve aussi son inspiration dans les lieder (ballades allemandes) qui contiennent bien souvent un poème dans un autre, dans un principe d’enchâssement. Le batelier auquel il nous demande de porter attention nous déclame son chant à l’intérieur même du poème d’Apollinaire. Comme un double du poète, il remet, une nouvelle fois, en question les fondations mêmes du lyrisme et ce poème va alors à nouveau interroger l’acte même d’écriture.

Ce poème va reposer sur une tension dramatique et poétique. S’y entrelacent : - l’évocation douloureuse d’un être aimé, -le refuge presque romantique dans un monde irréel et nocturne, qui, par son obscurité, est propice aux fantasmes et aux légendes -une portée symboliste par la magie du chant, du verbe né de l’évocation de ces femmes surnaturelles qui suscitent l’ivresse Dans ce même poème, une nouvelle forme d’ivresse apparaît. Après l’étourdissement de modernité signifié par « Zone », cette ivresse de la plainte et du souvenir de l’être aimé évoqué par « Le Pont Mirabeau », il s’agit désormais de laisser s’entrechoquer la brisure des verres contenant cet alcool venu du Rhin et la brisure du vers (signifié par la chute de v.13), une nouvelle fois mis à rude épreuve dans leur régularité.

Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d’un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds

Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n’entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l’été

Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire

Ainsi, nous pouvons nous demander Comment ce poème, en mettant en lumière la figure fantastique des ondines, révèle-t-il, en creux, les pouvoirs de la poésie ?

Nous verrons tout d’abord l’ivresse née du rêve éveillé d’Apollinaire (v.1 à 4), ce qui permettra d’entrevoir une nouvelle expérimentation du lyrisme par Apollinaire (v. 5 à 8). Néanmoins, nous assisterons à ce qui s’apparente à un chant aux funestes accents (v.9 à 13) qui viendra bousculer ces idées.

Apollinaire, tout au long de son recueil ‘Alcool’, accorde une place importante a ces boissons qui prête leur nom a cet ouvrage. Elles jouent un rôle à la fois péjoratif en leur nature dangereuse et incertaine, mais Apollinaire les voit aussi comme un outil d’élévation, d’enivrante et de délivrance de sa condition humaine ainsi que de ses peines et douleurs où l’homme est transporté dans un rêve tendant vers le merveilleux. C’est qq chose que l’on retrouve dans ‘Nuit Rhénane’, notamment par la présence du premier groupe nominal qui ouvre le vers 1 : « mon verre » : écho significatif au titre du recueil et a cette importance de l’alcool dans l’ouvrage. Nous pouvons aussi voir la portée hyperbolique de son attribut du sujet « plein » (v.1) qui traduit l’abondance de l’alcool qui nourrit cette ivresse des sens. + assonance du son vocalique « vin » / « plein » pour rappeler cette abondance de l’ivresse. De plus, le néologisme qui attestent d’un jeu avec la logique de la langue, avec ses possibilités : « trembleur », « à en râle-mourir » (au lieu de « la voix râle à en mourir ») ce qui maintient la dynamique orphique et lyrique du vers (« la voix chante à en râle-mourir »). Nous avons aussi l’image du batelier dès le v.2 : ce passeur d’un fleuve à l’autre pourrait-il mener le poète de la rive de la réalité à celle des enfers avec le Rhin comme nouveau visage du Styx. Nous pouvons donc nous demander si le poète serait-il en soi batelier au sens où il conduit son vers, tel sa barque, sur son discours fleuve et non ponctué. De plus, l’évocation au v.3 de « sept femmes » : symbolique de l’adjectif numéral 7 qui peut évoquer les 7 péchés capitaux et ainsi une portée a la fois folklorique et fantastique a ce rêve.  Par ailleurs la portée fantastique des femmes est soutenue par antéposition du CC de lieu « sous la lune » : atmosphère lunaire, lumière blafarde. En outre, le portrait des femmes accentue cette étrangeté : une sensualité faite de caractéristiques fantastiques par la mise en lien des adjectifs « verts et longs » (v.4) + expansion du nom « ces filles aux cheveux verts » (v.12) en effet  Dans leur description, elles sont semblables à des sorcières (« incantent » v. 12 qui évoque la notion d’incantation) et nous interroge sur la possible d’une expression nouvelle du lyrisme dans ce texte a travers la subjectivité qu’Apollinaire prête a son environnement

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