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Commentaire sur le poème Nuit Rhènane de Guillaume Apollinaire

Dissertation : Commentaire sur le poème Nuit Rhènane de Guillaume Apollinaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  7 Décembre 2012  •  2 156 Mots (9 Pages)  •  2 713 Vues

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Nuit rhénane

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme

Écoutez la chanson lente d'un batelier

Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes

Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

Debout chantez plus haut en dansant une ronde

Que je n'entende plus le chant du batelier

Et mettez près de moi toutes les filles blondes

Au regard immobile aux nattes repliées

Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent

Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter

La voix chante toujours à en râle-mourir

Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)

Guillaume Apollinaire est l'un des principaux poètes français du début du XXe siècle, auteur notamment du Pont Mirabeau. Il pratique le calligramme (terme de son invention désignant ses poèmes écrits en forme de dessins et non de forme classique en vers et strophes). Il est le chantre de toutes les avant-gardes artistiques, notamment le cubisme, poète et théoricien de l'Esprit nouveau, et précurseur du surréalisme dont il a forgé le nom.

«Nuit rhénane » ouvre le cycle des neuf poèmes rhénans qui s’inscrivent dans le recueil Alcools, recueil duquel Apollinaire a ôté toute ponctuation. Cette place qu’il occupe n’est pas un hasard : il regroupe les thèmes majeurs de cette série de poèmes, à savoir le Rhin, la femme et le rêve.

La forme de ce poème est duelle : les vers sont des alexandrins et les rimes sont croisées (ABAB) mais ils ne forment pas tout à fait un sonnet (il manque un vers). Ainsi, l’aspect classique que ce poème pourrait laisser entrevoir de prime abord est totalement contrebalancé par l’absence de ce dernier vers.

D’autre part, le poème semble former une boucle : tandis qu’il débute par l’apparition du verre de l’auteur et qu’il dérive vers les pensées oniriques du poète, il se termine par un retour au réel et par le verre qui se brise. De même, si au premier abord le poème semble nous porter dans un monde dans lequel surnaturel et magie prédominent, ne pouvons-nous pas y voir une réflexion sur la créativité et l’inspiration poétiques ?

Explication de texte

Premier quatrain

Le poème s’ouvre sur la vision du poète, un verre de vin à la main, au bord du Rhin (lieu précisé dans le titre du poème). Dès ce premier vers, le ton est donné et soulève déjà des interrogations. En effet, l’allitération en [V] de la première moitié de l’alexandrin associée à l’adjectif épithète « trembleur » qualifiant le nom « vin » et la comparaison du vin avec le feu lui confèrent une atmosphère tout à fait particulière. Le verre est « plein », donc pas encore consommé par le poète. Aussi, si l’alcool n’a pas été bu, pourquoi la main du poète tremblerait-elle ? D’autre part, ce vers met en place une série de motifs centraux du recueil et du poème : l’alcool, thème évident du fait du titre du recueil, et le feu. L’alcool permet l’ivresse, l’exaltation, mais il brûle aussi, brûlure qui se met en opposition avec la désaltération que le fait de boire devrait apporter.

D’autre part, nous ne pouvons étudier ce poème sans noter l’absence de ponctuation. Les poèmes d’Alcools ont été initialement rédigés avec la ponctuation. Apollinaire a cependant estimé que cette ponctuation n’était pas nécessaire : « le rythme même et la coupe des vers voilà la véritable ponctuation » (Lettre à Henri Martineau). Cependant, si cette absence de ponctuation ne rend pas le poème incompréhensible, force est de constater qu’elle ouvre plusieurs pistes d’interprétation. Si nous tentons de la réintégrer, plusieurs possibilités s’offrent à nous : « Mon verre est plein comme une flamme». semble le plus logique. Cependant, serait-il complètement extravagant de mettre une virgule après « trembleur » : « Mon verre est plein d’un vin trembleur, comme une flamme écoutez la chanson du batelier ». Il est vrai que la syntaxe en serait bousculée, mais serait-ce si surprenant dans un poème d’Apollinaire ? Et si le poète nous proposait d’écouter la chanson « comme une flamme », c’est-à-dire en tremblant, s’il nous prévenait d’un danger ?

Si nous laissons de côté cette hypothèse non vérifiable et que nous revenons aux deuxièmes vers, nous noterons qu’il surprend : au lieu de partir sur le tremblement ou le feu, comme nous aurions pu nous y attendre à la lecture du vers précédent, il s’ouvre vers l’extérieur et plus particulièrement sur la chanson d’un batelier. Le poète ne nous demande pas de l’entendre, mais de l’écouter, nous demandant d’être attentifs et nous rendant ainsi actifs. Cette mise en abyme permet l’apparition de « sept femmes aux cheveux longs et verts ». Ces femmes semblent représenter les Ondines que la mythologie germanique fait vivre au fond des fleuves dans un palais de cristal dans lequel elles attirent et gardent prisonniers pêcheurs et chevaliers. Avec cette apparition, le lecteur pénètre dans un univers dans lequel surnaturel et magie semblent dominer. Parallèlement au feu, l’eau domine les trois derniers vers du quatrain : celle du Rhin, celle que sous-entend la profession du batelier et celle dans lesquelles les Ondines habitent. Ces créatures qu’a rencontrées le batelier (« raconte avoir vu ») pourraient justifier le tremblement et les flammes rencontrés dans le premier vers : elles sont maléfiques et emprisonnent les hommes. Le fait que la chanson du batelier soit « lente » ajoute une indolence qui met le lecteur mal à l’aise. De même, ces figures féminines sont au nombre de sept (nombre symbolique), sont hors de l’eau puisqu’elles apparaissent « sous la lune », donc de nuit. Par ailleurs, leur chevelure verte se confond avec l’eau du Rhin qui les imprègne, c’est pourquoi elles doivent les « tordre » en sortant. Ce qui semble les rendre encore plus dangereuses réside dans le fait qu’elles possèdent

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