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Le rouge et le noir

Commentaire de texte : Le rouge et le noir. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  14 Février 2022  •  Commentaire de texte  •  3 354 Mots (14 Pages)  •  1 460 Vues

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Explication Le Rouge et le Noir, LII, chap. XVII, p466-468

(De « M. de la Mole était sorti… » à « Elle s’enfuit. »)

        M. de La Mole était sorti. Plus mort que vif, Julien alla l’attendre dans la bibliothèque. Que devint-il en y trouvant Mlle de La Mole ?

        En le voyant paraître, elle prit un air de méchanceté auquel il lui fut impossible de se méprendre.

        Emporté par son malheur, égaré par la surprise, Julien eut la faiblesse de lui dire, du ton le plus tendre et qui venait de l’âme : — Ainsi, vous ne m’aimez plus ?

— J’ai horreur de m’être livrée au premier venu, dit Mathilde en pleurant de rage contre elle-même.

Au premier venu ! s’écria Julien, et il s’élança sur une vieille épée du Moyen Âge, qui était conservée dans la bibliothèque comme une curiosité.

        Sa douleur, qu’il croyait extrême au moment où il avait adressé la parole à Mlle de La Mole, venait d’être centuplée par les larmes de honte qu’il lui voyait répandre. Il eût été le plus heureux des hommes de pouvoir la tuer.

        Au moment où il venait de tirer l’épée, avec quelque peine, de son fourreau antique, Mathilde, heureuse d’une sensation si nouvelle, s’avança fièrement vers lui ; ses larmes s’étaient taries.

        L’idée du marquis de La Mole, son bienfaiteur, se présenta vivement à Julien. Je tuerais sa fille ! se dit-il, quelle horreur ! Il fit un mouvement pour jeter l’épée. Certainement, pensa-t-il, elle va éclater de rire à la vue de ce mouvement de mélodrame : il dut à cette idée le retour de tout son sang-froid. Il regarda la lame de la vieille épée curieusement et comme s’il y eût cherché quelque tache de rouille, puis il la remit dans le fourreau, et avec la plus grande tranquillité la replaça au clou de bronze doré qui la soutenait.

        Tout ce mouvement, fort lent sur la fin, dura bien une minute ; Mlle de La Mole le regardait étonnée : J’ai donc été sur le point d’être tuée par mon amant ! se disait-elle.

        Cette idée la transportait dans les plus beaux temps du siècle de Charles IX et de Henri III.

        Elle était immobile devant Julien, qui venait de replacer l’épée, elle le regardait avec des yeux où il n’y avait plus de haine. Il faut convenir qu’elle était bien séduisante en ce moment, certainement jamais femme n’avait moins ressemblé à une poupée parisienne. (Ce mot était la grande objection de Julien contre les femmes de ce pays.)

        Je vais retomber dans quelque faiblesse pour lui, pensa Mathilde ; c’est bien pour le coup qu’il se croirait mon seigneur et maître, après une rechute, et au moment précis où je viens de lui parler si ferme. Elle s’enfuit.

Explication :

         Julien a prouvé sa bravoure à Mathilde, en grimpant jusqu’à sa chambre, au moyen d’une échelle, dissimulée dans le jardin, en pleine nuit. C’est pourquoi, elle s’est donnée à lui par « devoir ». Mais le lendemain, elle est animée de remords, de colère et même de haine envers celui qu’elle craint comme « un maître ». Le chapitre XVII, porte le titre « une vieille épée » qui annonce et résume assez bien l’épisode central. En effet, dans cette scène de dispute qui se déroule en huis clos dans la bibliothèque, Julien, insulté et offensé par Mathilde, se jette sur une arme décorative, une vieille épée, pour la frapper, mais après un moment de réflexion, il repose l’épée à sa place. Chacun des deux personnages se livre alors à des réflexions sur la réaction de l’autre.

        Cette scène est particulièrement intéressante pour cerner le caractère impulsif et paradoxal des personnages. Ils incarnent chacun à leur façon le tempérament romantique, impulsif et emporté, confronté aux règles de la société. Cette scène est aussi emblématique de la technique narrative et descriptive de Stendhal. Le recours fréquent au discours indirect libre ou au monologue intérieur permet une analyse fine des personnages. Cette analyse permet par la même occasion de peindre la société de cette époque.

Ainsi, la problématique à envisager pourrait être formulée de cette façon : en quoi, l’analyse psychologique de la passion est-elle un moyen d’expliquer la non adaptation de l’individu à la société de la Restauration ? En quoi, cette technique, qui est propre à Stendhal, et qui consiste à passer rapidement des faits et gestes des personnages à leurs pensées, permet-elle à la fois de bien saisir la personnalité des personnages, vus à la fois de l‘extérieur et de l’intérieur,  mais aussi de cerner  la dichotomie entre l’être et le paraître, emblématique d’une société, où chacun est obligé de jouer un personnage ?        

La composition du passage permet de délimiter clairement les différents mouvements :

Dans un premier mouvement, narratif, le narrateur place dans un face à face violent les deux amants fâchés et contrariés. C’est l’extérieur des personnages qui s’exprime. Attitude, paroles, réactions sont évoquées avec un rythme alerte.

Dans un deuxième mouvement, le narrateur nous fait pénétrer les pensées des personnages et nous montre comment ces réflexions ont une répercussion sur leur attitude. Nous entrons alors dans l’intérieur des personnages, ce qui nous permet de mesurer l’écart entre l’être et le paraître.  

La composition est révélatrice de la technique narrative de Stendhal mais elle est aussi révélatrice d’une incapacité de l’individu à être naturel et sincère dans la société de cette époque.

        Dans le premier mouvement, composé par les cinq premiers paragraphes, nous assistons d’abord à la réaction physique et verbale des deux amants. La rencontre est introduite par une série de phrases au passé simple qui présentent rapidement les circonstances et l’état de contrariété de Julien qui était résolu à annoncer son départ à M. de la Mole. La première phrase au plus-que-parfait, précisant l’absence du marquis permet de marquer la première source de contrariété de Julien, qui était pressé de partir pour le Languedoc et de s’éloigner de Mathilde. La comparaison « plus mort que vif » traduit bien la crainte de devoir attendre et affronter son protecteur.  La question rhétorique « Que devint-il en y trouvant Melle de la mole ? » est une adresse au lecteur, qui permet d’amplifier l’état de Julien face à Mathilde. Le lecteur, pris à parti, devient un acteur témoin  du récit.  Il partage la stupéfaction du personnage.

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