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Le Drapeau de Corbières

Commentaire de texte : Le Drapeau de Corbières. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Octobre 2022  •  Commentaire de texte  •  1 177 Mots (5 Pages)  •  207 Vues

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La figure du poète maudit a eu beaucoup de succès au XIXème dans la mesure où elle résonnait avec certains de ses mouvements littéraires majeurs, comme le romantisme ou le symbolisme. Tristan Corbière est un auteur se vivant comme largement incompris et qui, peu gâté par la nature puisque très malade et laid, il cherche à pratiquer l'autodérision ainsi que l'excentricité, tout autant dans sa vie que dans ses œuvres. Ainsi, l’un de ses recueils de poésie majeurs s’intitule “ Les Amours Jaunes”. Paru en 1873, cette œuvre porte sur l'existence malheureuse d’un jeune homme torturé par des amours contrariées, ce qu’il vient raconter de manière ironique. D’ailleurs, le titre même du recueil, qui se rattache au mouvement du symbolisme, fait explicitement référence au fait de “rire jaune”, c' est-à-dire d’un rire grinçant, sinistre et désabusé.

Le poème Le crapaud fait partie du Livre III du recueil, intitulé “Les luttes et les rêves”, Livre où, de manière pessimiste, Corbière fait s’entremêler trois thèmes: la mer, l’amour et la mort.

Il s’agit d’un sonnet en octosyllabes (chaque vers fait 8 pieds) mais inversé dans la mesure où les deux tercets sont placés avant les deux quatrains

Comment ce poème  dresse-t-il le portrait allégorique du poète maudit et incompris ?

Il peut se décomposer en trois mouvements, dans la mesure où il évoque d’abord un chant mystérieux dans une ambiance fantastique et un cadre inquiétant (les deux tercets) avant de souligner l'attrait ambivalent d’un crapaud, entre beauté et laideur (premier quatrain et 3 premiers vers du dernier), pour enfin délivrer l’explicitation saisissante du poème au tout dernier vers.

I) Un chant mystérieux dans une ambiance fantastique et un cadre inquiétant

Les deux premiers tercets posent indéniablement le cadre spatio-temporel du poème. En effet, ils mettent en place une atmosphère lourde et étouffante. Notons à cet égard le champ lexical de l'obscurité : “nuit” (v.1), “sombre” (v.3) et “ombre” (v.6) tandis que le thème de l' enterré vivant ajoute d’autant plus à la chose qu’il est mis en valeur par l'enjambement (v.5). La seule lumière provient de la lune, l’astre de la nuit et encore est elle envisagée sous un aspect presque menaçant : la “plaque de métal clair” (v.2) est de nature minérale, non organique, froide comme la mort.

Par ailleurs, la nuit est “sans air” (v.1), ce qui donne la dimension immédiatement asphyxiante de l’instant décrit mais nous plonge également dans une certaine perplexité puisqu’un chant est évoqué. Or, Il n’est pas possible de chanter sans air. Relevons ici combien Corbière joue avec l’ambivalence du mot “air”, susceptible de se référer à celui que l’on respire ou à celui que l’on chante, ou avec les antithèses à l’exemple des couleurs “clair” et “sombre” (v.2-3) ou du chant décrit comme un “écho tout vif” mais “enterré” (v.’-5). Ce chant continu est la préoccupation majeure des deux promeneurs, dont l’intimité sans doute amoureuse est marquée par l’impératif à la deuxième personne du singulier “Viens” (v. 6), quoiqu’il sonne aussi comme un défi face à un phénomène dont ils ignorent la provenance. Cette inquiétude vient d’ailleurs se traduire, sur le plan formel, par de nombreux points de suspension. Sur ce point, il nous est également possible de relever une ponctuation abondante et une syntaxe volontairement éclatée : les phrases apparaissent inachevées et l’énonciation ne permet pas toujours de savoir qui parle exactement, comme avec le tiret difficilement compréhensible du vers 2. Ces éléments sont non seulement les signes d’une importante émotivité mais encore viennent-ils régulièrement découper les vers du poème ou les rendre imprécis par la suite.

Enfin, au sixième vers, l’émotion est dans ce premier mouvement encore renforcée par l’emploi d’un démonstratif, le “ça”,  à valeur indéfinie et cela complète la description d’une atmosphère caractérisée par un suspense significatif et angoissant.

L’ensemble de ces paradoxes imprègne donc une description presque teintée de fantastique. Intrusion du surnaturel dans le cadre d’un récit réaliste et inquiétant dans la mesure où il dépasse les explications logico-scientifiques, le fantastique correspond parfaitement à l’ambiance plantée par ces deux premiers tercets.

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