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La mendiante rousse, les fleurs du mal, Baudelaire

Commentaire de texte : La mendiante rousse, les fleurs du mal, Baudelaire. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  27 Avril 2017  •  Commentaire de texte  •  1 731 Mots (7 Pages)  •  4 690 Vues

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Ce portrait prestement brossé représente une petite chanteuse des rues qui se produisait à Paris dans les cafés des Champs-Élysées. Sa chevelure rousse et sa silhouette gracile inspirèrent aussi Théodore de Banville et Baudelaire, lequel lui consacra un poème des Fleurs du Mal.

Au même titre que « Les sept vieillards », « Les petites vieilles » ou encore « A une passante », « A une mendiante rousse » s’insère dans la section des Fleurs du Mal intitulée « Tableaux parisiens ». En fait de tableau, il s’agit en l’occurrence du portrait d’une jeune fille qu’a fréquenté Baudelaire dans les années 1840-1845. Contrairement à la célèbre « passante », la « mendiante rousse » est toute déguenillée, conformément à la situation du personnage réel qui a inspiré le poète.

Problématique :

Ce texte étant un poème de jeunesse, écrit à une époque où Baudelaire était en train d’acquérir une culture classique par la lecture d’auteurs des siècles passés, on pourra se demander s’il s’agit d’un poème moderne, d’autant que l’auteur s’appuie explicitement sur des modèles littéraires de la Renaissance et du XVIIe siècle.

I – Un pastiche plein d’archaïsmes : le jeu avec la tradition poétique

A – Les références à la Renaissance

Référence historique : les Valois dans la strophe 12 : allusion à la famille royale, symbole de gloire (cf. dédicace des Antiquités de Rome de Du Bellay au roi Henri II par ex.), de puissance politique et militaire, mais aussi de raffinement artistique (goût pour les arts : François Ier fait travailler des artistes italiens en France) et amoureux… (la strophe citée y fait clairement allusion, avec les « baisers », la rime « lits » / « lis »… cf. importance de la poésie amoureuse à la Renaissance, sur le modèle du Canzoniere de Pétrarque).

La « poète chétif » (v. 5) peut faire écho à un auteur comme Du Bellay, qui emploie souvent cet adjectif pour parler de lui-même dans les Regrets. Or, Baudelaire lit justement les poètes de la Pléiade dans les années 1840 (sur les recommandations du critique Sainte-Beuve, qui remet « au goût du jour » les poètes de la Renaissance).

En outre, la langue elle-même est volontiers archaïque dans certains vers : des mots comme « valetaille » et « déduit » paraissent décalés (« déduit » est déjà archaïque à la Renaissance : c’est de l’ancien français). La forme verbale [aller + participe présent] (vers 45 et 49), qui indique une action « en train de se faire », est elle-même archaïque. On pourrait aussi parler de la rime « mutins » / « lutins », qui paraît désuète, décalée chez Baudelaire. Enfin, l’ancien verbe « gueuser » signifie « mendier ».

B – L’éloge paradoxal de la gueuse

Le locuteur fait l’éloge d’une mendiante puisqu’il parle de sa « beauté » tout en soulignant son dénuement et sa pauvreté (première et dernière strophes) : c’est ce que l’on appelle un éloge paradoxal (noter la rime aux vers 3 et 4). Ce procédé pourrait paraître moderne… s’il n’avait déjà été utilisé deux siècles auparavant par des poètes baroques. Tristan L’Hermite a laissé un sonnet connu s’intitulant « La belle gueuse » :

Ô que d'appas en ce visage

Plein de jeunesse et de beauté,

Qui semble trahir son langage

Et démentir sa pauvreté !

Ce rare honneur des orphelines,

Couvert de ces mauvais habits,

Nous découvre des perles fines

Dans une boîte de rubis.

Ses yeux sont des saphirs qui brillent,

Et ses cheveux qui s'éparpillent

Font montre d'un riche trésor.

À quoi bon sa triste requête,

Si pour faire pleuvoir de l'or,

Elle n'a qu'à baisser la tête !

Il paraît donc évident que le texte de Baudelaire est au moins en partie un pastiche du sonnet de L’Hermite (cf. la même rime « beauté » / « pauvreté », la description des habits, ou les allusions à l’or, à aux pierres précieuses, à l’aspect brillant…).

— A vous de relever tout le vocabulaire de la beauté et de la pauvreté dans le poème…

C – Un modèle contemporain : Gautier

Baudelaire s’inspire donc d’auteurs de la Renaissance et du XVIIe siècle, mais il est avant tout un grand lecteur des poètes contemporains, parmi lesquels Hugo (à qui il dédie « Le cygne » dans les « Tableaux parisiens » — juste après la « Mendiante rousse ») et Gautier, à qui il dédie ses « fleurs maladives » de manière très grandiloquente (cf. p. 53). Or, la forme de la « Mendiante rousse » ressemble étrangement à celle de « L’art » de Gautier : 14 quatrains constitués de vers courts et irréguliers… Même si le poème de Gautier paraît en 1852 dans le recueil Emaux et Camées, on peut se demander si Baudelaire n’en a pas eu connaissance auparavant.

Quel serait l’intérêt de ce rapprochement entre les deux poètes ?

Gautier, poète parnassien, théoricien de l’Art pour l’art, préconise une rigueur dans le travail poétique, qui n’autorise aucune liberté : le poète s’impose des contraintes formelles strictes et travaille les mots comme le ferait un sculpteur taillant le marbre (cf. texte complémentaire). Ainsi,

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