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Explication linéaire "Des Cannibales" de Montaigne

Commentaire de texte : Explication linéaire "Des Cannibales" de Montaigne. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  4 Juin 2020  •  Commentaire de texte  •  2 223 Mots (9 Pages)  •  5 279 Vues

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Explication linéaire n°1 : Une société naturelle

Montaigne, « Des Cannibales » (p 57-61)

        Or, je trouve, pour revenir à mon propos, qu’il n’y a rien de barbare ni de sauvage dans ce peuple, d’après ce que l’on m’en a dit, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas dans ses coutumes ; et en vérité, il semble que nous n’avons d’autre critère de la vérité et de la raison que l’exemple et l’idée générale qui nous viennent des opinions et des usages du pays où nous sommes. Là se trouve toujours la parfaite religion, le parfait gouvernement, la façon la plus parfaite et la plus complète de tout faire. Ces hommes sont sauvages de même que nous appelons sauvages les fruits que la nature a produits d’elle-même et par sa marche ordinaire : tandis que, en vérité, ce sont plutôt ceux que nous avons dégradés par notre artifice et détournés de l’ordre normal que nous devrions appeler sauvages. Dans les premiers demeurent vivantes et vigoureuses les vertus et les propriétés véritables, les plus utiles et les plus naturelles, que nous avons abâtardies dans les seconds, et seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu. Et pourtant, même notre goût trouve excellentes, en comparaison de nos propres fruits, la saveur et la finesse de certains de ceux qui poussent dans ces pays-là, sans culture. Il ne serait pas normal que l’art emporte le prix d’honneur sur notre grande et puissante mère Nature. Nous avons tellement surchargé la beauté et la richesse de ses ouvrages par nos inventions que nous l’avons complètement étouffée. (…)

Ces peuples me semblent donc barbares uniquement dans la mesure où ils ont été fort peu façonnés par l’esprit humain, et sont encore très proches de leur simplicité originelle. Les lois naturelles, fort peu abâtardies par les nôtres, leur commandent encore ; mais elles font cela dans une telle pureté que je regrette parfois que nous n’ayons pas pris connaissance de ces peuples plus tôt, en un temps où il y avait des hommes qui auraient su en juger mieux que nous. Je regrette que Lycurgue[1] et Platon ne les aient pas connus ; car il me semble que ce nous voyons par expérience chez ces peuples non seulement surpasse toutes les peintures par lesquelles les poètes ont embelli l’âge d’or, et tout ce qu’ils inventent pour imaginer une heureuse condition humaine, mais que cela surpasse encore les conceptions idéales et le désir même des philosophes. Ils n’ont pas pu imaginer un état naturel aussi pur et aussi simple que l’expérience nous le montre ; et ils n’ont pas pu croire que notre société puisse se maintenir avec si peu d’artifices et de liens sociaux. « C’est un peuple, dirais-je à Platon, où il n’y a aucune forme de commerce ; pas de connaissance des lettres ; pas de science des nombres ; pas de nom de magistrat, ni de pouvoir politique ; pas d’emplois serviles, ni de richesse, ni de pauvreté ; pas de contrats ; pas de successions ; pas de partages ; pas d’occupations désagréables ; pas d’autre respect pour les parents que celui que tous les hommes se portent entre eux ; pas de vêtements ; pas d’agriculture ; pas de métal ; pas de connaissance du vin ou du blé.  Les mots mêmes qui signifient mensonge, trahison, dissimulation, cupidité, envie, médisance, pardon, sont inconnus. Combien trouverait-il la république qu’il a imaginée[2] éloignée de cette perfection : « des hommes qui sortent tout fraîchement de la main des dieux[3] ».

Introduction :

Contexte historique et littéraire

Présentation de l’auteur et de son œuvre ; situation du passage dans l’œuvre : après avoir réfléchi sur la fiabilité des témoignages, sur le Nouveau Monde et de manière générale, Montaigne revient à sa réflexion du début de chapitre sur le sens du mot « barbare » et se garder des préjugés, pour qualifier le peuple découvert, les Amérindiens, précisément les Tupinambas, peuple du Brésil récemment côtoyé par des Français lors du voyage de Nicolas Durand de Villegagnon, gouverneur de la colonie éphémère de la France antarctique.

Lecture du texte

Thème du texte en une phrase

Problématique : Comment Montaigne renverse-t-il les jugements de valeur par lesquels les Européens se représentent les Amérindiens ?

Mouvements du texte : 4 : Du relativisme culturel (l 1 à l 6) jusqu’à « de tout faire ».

Nature et sauvagerie (l 6 à 17) : « Ces hommes sont sauvages » à « étouffée ».

« nous » et « eux » (l 17 à l 30) : « Ces peuples » à « liens sociaux ».

Un modèle de société (l 30 à la fin).

1er mouvement : Du relativisme culturel (l 1 à 6)

Dès la 1ère phrase, Montaigne relativise son propos pour donner un avis personnel. (relativiser : considérer quelque chose comme n’ayant qu’un caractère, qu’une importance relative à un élément analogue, comparable). Emploi du pronom personnel « je », « m’ ». La proposition incise permet de revenir sur la notion de témoignage. « on » = homme dont parle Montaigne p 47 (début du chapitre).

L’idée du relativisme culturel s’applique dans la tournure restrictive : « il n’y a rien de barbare ni de sauvage dans ce peuple. » (définition p 150 : façon de penser qui veut que les idées et usages d’une société donnée n’aient pas plus de valeur que ceux d’une autre société, et varient selon les époques et les lieux géographiques.)

Montaigne fait porter sa réflexion sur le sens du terme « barbare » et « barbarie », ainsi que « sauvage », mots lourds de préjugés : cf début du chapitre p 47. « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas dans ses coutumes ». = Sorte de maxime. Présent de vérité générale.

Il remet ainsi en perspective la notion d’ethnocentrisme qu’il définit (p 149 : façon de voir le monde exclusivement à travers le prisme des usages et des idées de sa communauté d’origine en les considérant comme les seules valables, sans distance critique.) : l 3-5.  La tournure restrictive « Il semble que nous n’avons d’autre critère de la vérité… » montre à quel point c’est une vision restreinte que de penser et de voir le monde ainsi.

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