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Entretien d’Eugène Ionesco avec Claude Bonnefoy

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Par   •  31 Janvier 2016  •  Fiche  •  628 Mots (3 Pages)  •  962 Vues

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Entretien d’Eugène Ionesco avec Claude Bonnefoy

BONNEFOY : Qu’est-ce que le théâtre ?

IONESCO : Qu'est-ce que c'est le théâtre? Est-ce l'exposition d'un conflit? Peut-être. C'est un spectacle, comme la corrida où il y a aussi conflit. Il peut tout aussi bien y avoir théâtre sans qu'il y ait conflit... Tout est possible au théâtre. On peut nous montrer quelque chose qui se passe sur scène, ou simplement quelqu'un qui avance sur le plateau, qui s'arrête et qui regarde. On peut montrer des changements de lumière, des éléments de décor, une silhouette, des animaux... On peut aussi montrer un plateau nu. Tout cela, malgré tout, c'est du théâtre. Le théâtre c'est ce qu'on nous montre sur une scène. Voilà la définition la plus simple, mais la moins injuste, la plus vague...mais qui risque difficilement d'être contredite. En somme, nous savons tous plus ou moins ce qu'est le théâtre, autrement nous ne pourrions en parler: peut-être pourrait-on le définir comme une architecture mouvante, une construction vivante, dynamique, d'antagonismes. Le théâtre est une sorte de succession d'états et de situations allant vers une densification de plus en plus grande. 

BONNEFOY : Votre théâtre étant très onirique, n’y rencontre-t-on pas des rêves qui furent vos rêves d’enfant ?

IONESCO : Des rêves d'enfant ? Non. J'ai des souvenirs d'enfance. Rêver c'est penser d'une façon beaucoup plus profonde, plus vraie, plus authentique parce que l'on est comme replié sur soi-même. Le rêve est une sorte de méditation, de recueillement. Il est une pensée en images. Quelquefois il est extrêmement révélateur, cruel. Le rêve, c'est le drame même.

Rapport de IONESCO avec les institutions : Maintenant, ce qui est ennuyeux dans la société, c'est que la personne se confond avec la fonction, ou plutôt, la personne est tentée de s'identifier totalement à la fonction; ce n'est pas la fonction qui prend un visage, c'est un homme qui se déshumanise, qui perd son visage. C'est ce qui se passe surtout dans les sociétés totalitaires (…) l’homme est aboli par sa fonction. Il n’est plus que sa fonction aliénante, il n’est plus.

BONNEFOY : Le caractère absurde de votre théâtre ne provient-il pas d’une part de l’étonnement devant le monde, d’autre part d’un souci de traduire la réalité brute, le comportement des hommes dans le quotidien sans chercher à expliquer ou à justifier cette réalité, ce comportement ?

IONESCO : Je préfère à l’expression « absurde » celle d’insolite ou de sentiment de l’insolite. Il arrive que le monde semble être vidé de toute expression, de tout contenu. Il arrive qu’on le regarde tout comme si l’on naissait à ce moment-là et alors, il nous apparaît étonnant et inexplicable.

        

BONNEFOY : Le comique chez vous se manifeste à plusieurs niveaux. Comique de situation, comique mécanique, jeux de mots ou plutôt jeu sur les mots alternent ou se mêlent au gré des scènes. Surtout, ce qui est remarquable, ce qui contribue à mettre en évidence l’absurdité ou l’insolite du monde, c’est l’humour noir. Que représente pour vous l’humour ?

IONESCO : On a dit que je faisais un théâtre humoristique. Qu’est-ce que l’humour ? Rire du malheur et de son propre malheur peur être. C’est aussi une dénonciation de l’absurdité, un dépassement du drame. L’humour suppose un dédoublement. L’humour c’est prendre conscience de l’absurdité tout en continuant à vivre dans l’absurdité. Toutes les situations sont humoristiques et toutes les situations sont tragiques… (…) Toute œuvre est agressive ou sinon elle est démagogique.

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