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Dissertation sur le roman (individu, morale et société)

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Par   •  14 Avril 2020  •  Dissertation  •  3 226 Mots (13 Pages)  •  8 807 Vues

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Victoire Pernet 109

Dissertation

Sujet : Dans quelle mesure les romans sont-ils, pour le lecteur, les miroirs d’un conflit entre l’individu et la société ? 

        Dans L’Homme révolté, Albert Camus, célèbre écrivain et philosophe du XXe siècle, se questionne sur ce qui incite le lecteur à lire des romans, comparant ainsi ce genre littéraire à sa propre réalité sociale et morale : « La souffrance est la même, le mensonge et l’amour. Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n’est ni plus beau ni plus édifiant que le nôtre. ». Le monde romanesque offrirait donc un miroir de la société, donnant à voir ses normes sociales et morales mais aussi ses combats et désillusions. Néanmoins, une véritable société ne peut se concevoir sans être l’association de plusieurs êtres humains distincts, guidés par une morale commune. En mettant en scène des individus de fictions, la littérature interrogerait pleinement les problèmes que rencontrent les individus face aux normes de leur temps. Cette dimension morale est notamment mise en exergue par Mme de Lafayette dans La Princesse de Clèves, paru en 1678, sous l’apogée du règne de Louis XIV et couramment présenté comme le premier roman d’analyse moderne. Dans cet ouvrage, la princesse de Clèves, héroïne éponyme, fait preuve d’une capacité d’introspection et de lucidité étonnante dans un microcosme : la cour d’Henri II. Celle-ci reposant essentiellement sur les faux-semblants et les divertissements. Dans quelle mesure les romans sont-ils, pour le lecteur, les miroirs d’un conflit entre l’individu et la société ? D’abord le genre romanesque permettrait la création d’un miroir fidèle du monde. Mais en donnant à voir une société fictive, le reflet qu’il en donne pourrait apparaitre comme déformé puisque imaginé. Dans ce questionnement perpétuel, la fiction deviendrait un langage subjectif qui pourrait définir habilement le point de vue singulier du romancier et ainsi l’intérêt de la métaphore du miroir.

 « Le roman, c’est un miroir qu’on promène le long d’un chemin » affirmait Stendhal dans Le Rouge et le Noir (1830), D’une part, le romancier est présenté comme un illusionniste capable de renvoyer au lecteur une image réaliste du monde, tel un miroir.

D’abord le romancier s’inspire généralement de la réalité et n’hésite pas à se référer à des sources historiques pour que son œuvre soit d’autant plus vraisemblable. Contrairement aux romans baroques de la première moitié du XVIIe siècle, La Princesse de Clèves prend pour cadre spatio-temporel le milieu du XVIe siècle, entre l’automne 1558 et la fin de 1559. L’intrigue se déroule à la Cour des derniers rois de la dynastie des Valois, ce qui correspond aux derniers mois du règne d’Henri II. « La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne de Henri second. » telle est la première phrase du roman qui semble présenter la Cour du roi comme un lieu d’extravagance et de divertissement, conférant à cette description un caractère ambivalent. Cette chronologie précise permet d’ancrer l’œuvre dans une temporalité objective et vérifiable. Ainsi, trois siècles plus tard, Guy de Maupassant, un des premiers écrivains réalistes, définira un nouvel esthétique dans sa préface de Pierre et Jean (1888) « le réaliste, s’il est artiste, cherchera, non pas à nous montrer une photographie banale de la vie, mais à nous donner la vision plus complète, la plus saisissante et plus probante de la réalité même », l’artiste se donne alors pour objectif de recomposer le réel à travers la fiction romanesque. Enfin, afin que le roman se présente comme un véritable miroir de la société, les naturalistes, comme Emile Zola font le récit de ce qu’ils voient et effectuent à cet effet de véritables documentations sur le milieu qu’ils souhaitent décrire afin d’attribuer au roman un statut presque scientifique. Il définira cet esthétique ainsi : « Le roman naturaliste est simplement une enquête sur la nature, les êtres et les choses. L’œuvre devient un procès-verbal, rien de plus ». Par exemple pour décrire avec exactitude le monde du rail dans La Bête humaine, paru en 1890, Zola utilise un vocabulaire précis et spécialisé. En effet, le dossier préparatoire du roman accumule les notes relatives à la vie quotidienne ou encore problèmes de logements ainsi qu’au fonctionnement des machines. La source principale d’information du romancier est l’ancien ingénieur des chemins de fer, Pol Lefèvre, auteur lui-même d’un ouvrage technique sur le sujet. Par ailleurs, Zola, au cours de plusieurs visites, s’imprègne de l’atmosphère des gares. Il repère soigneusement, lorsqu’il fait le trajet, la portion Paris-Le Havre où il situera tous ses crimes. C’est grâce à cette documentation et à ses références historiques précises que les récits et les personnages romanesques se détachent sur un fond de réel qui leur assure consistance et crédibilité.

En outre, l’individu évolue dans une société fictive vraisemblable afin de renvoyer au lecteur le reflet des mœurs d’une époque. Les personnages évoluent tel un miroir qui comme l’explique Stendhal, est promené le long d’un chemin. Le roman possède alors une visée universelle, puisque les dimensions sociales et morales qui y sont abordées sont celle d’une réelle revendication. Par exemple il est évident que la société des XVIe et XVIIe siècle n’offre aux femmes qu’un destin extrêmement contraint qui prend la forme du mariage, véritable carcan liberticide. Par exemple l’incipit de La Princesse de Montpensier (1662) premier roman de Mme de Lafayette présente le destin prédéterminé de son héroïne qui doit épouser un homme dont elle n’est pas amoureuse : le prince de Montpensier. « Mlle de Mézières, tourmentée par ses parents, voyant qu’elle ne pouvait épouser M. de Guise […] se résolut enfin d’obéir à ses parents. ». Ce récit s’inscrit dans la moralité d’une période réelle entièrement fondée sur le respect de règles de bienséance.  De plus, La mère de la princesse de Clèves, Mme de Chartres, n'est pas seulement une confidente ou une alliée pour sa fille : elle fait aussi office de directeur de conscience. Après avoir accueilli la nouvelle de sa mort « avec un courage digne de sa vertu et de sa piété », elle met une dernière fois sa fille en garde contre l'amour qu'elle porte au duc de Nemours, et le déshonneur qui risque de rejaillir sur elle et son mari : « Songez à ce que vous devez à votre mari ; songez à ce que vous vous devez à vous-même, et pensez que vous allez perdre cette réputation que vous vous êtes acquise, et que je vous ai tant souhaitée ». Encore une fois, la destinée des personnages romanesques peut-être inscrite dans une vision plus globale désignant une réalité du monde : ici la tromperie et l’adultère face au respect des règles de bienséance. Du fait de la vraisemblance de la société et de la vie des héros romanesques, il est possible de dire que le roman est « un miroir que l’on promène le long d’un chemin ».

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