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Cours de français première

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Par   •  12 Décembre 2018  •  Cours  •  2 382 Mots (10 Pages)  •  427 Vues

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Elément d’introduction :

  • Recueil Capitale de la douleur publié en 1926 par Paul Eluard (pseudonyme de Eugène Grindel) est inspiré par une figure féminine, son épouse et sa muse Gala.
  • Le poème, « La courbe de tes yeux » est extrait de ce recueil. Eluard emprunte la forme traditionnelle du blason qu’il modernise et permet ainsi d’en faire le vecteur de l’imaginaire surréaliste. L’œil, métonymie de la femme aimée, est le lieu et l’univers de tous les possibles. La figure féminine permet au poète d’accéder au monde.  
  • Dans quelle mesure la forme traditionnelle du blason, qui se caractérise par l’idée de clôture est-elle l’occasion d’une véritable ouverture au monde? Tension entre la fermeture (les yeux) et l’ouverture (la femme comme lieu d’ouverture).
  • Si ce poème apparaît comme un hymne à la femme aimée, il est aussi l’occasion d’un chant singulier permettant au poète de déployer un imaginaire enjoué.  

En quoi l’évocation de la femme aimée permet-elle de déployer un imaginaire singulier ?

  1. Un hymne à la femme aimée
  1. L’esthétique du blason  (l’œil comme prélude)
  • La forme traditionnelle du blason est reprise ici par Eluard pour célébrer la femme aimée. En effet, il s’attache au motif de l’œil, partie du corps féminin, annoncé dès le titre : « La Courbe de tes yeux ». On relève d’une part le complément du nom « tes yeux » qui renvoie bien à un élément du visage et d’autre part, le substantif « La courbe » qui renvoie quant à lui à la forme de l’organe.
  • La forme du poème elle-même est mimétique du motif central : Elle se distingue par sa circularité, à l’instar de l’œil et confère une idée de rondeur au poème tout entier. Ainsi les vers 1 et 15 se répondent : « La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur/ (…) Et tout mon sang coule dans leurs regard » d’abord dans la construction syntaxique avec le lien établit par la conjonction de coordination « Et » ainsi que dans le leitmotiv des yeux repris au travers du GN : « La courbe de tes yeux » et du substantif « leurs regards ».
  • L’isotopie de l’œil qui parcourt le poème « La courbe de tes yeux » (v.1), « C’est que tes yeux » (v.5) avec le motif qui est mis en valeur à la césure, « tes yeux purs » (14) » « leurs regards » (v.15) insiste sur cette idée de courbe et de rondeur.
  • A ce motif de l’œil et du regard s'ajoutent de nombreux termes que l'on peut associer à l'idée de circularité : « courbe » « yeux » « tour » (v.1) « rond » (v.2) « auréole » (v.3) « monde » (v.14).
  • Le poète porte une attention toute particulière aux phénomènes d’assonances : sonorités en [ou] « courbe », « tour » (v.1), « douceur » (v.2), « tout » (v.3), « toujours » (v.5), « jour » (v .6) et en [o] : « rosée » (v.6), « roseaux » (v.7), « éclos » (v.11) qui jalonnent l’ensemble du poème, renvoyant à cette idée de convexité. Ainsi l’insistance du poète quant aux yeux de la femme rend cette dernière essentielle aux siens.
  1. (La dépendance vitale du poète au regard de la femme) La femme comme passion
  • Dès lors que le poète parle de lui, il se réfère à la femme aimée comme le souligne l’entrecroisement des pronoms personnels de 1ère et de 3ème personnes : « tes » (v.1, 5, 14), « je » (v.4), « mon » (v.1 et 15) qui souligne le lien nécessaire qui unit le poète à la figure féminine.
  • Idée d’enveloppement permise par les yeux de la femme. Dès le vers liminaire « La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur » le regard de la femme aimée semble englober le cœur du poète ce que l’assonance en [ou] permet de renforcer. Considérant que le cœur est le siège des sentiments, le regard de la femme est nécessaire (au sens philosophique du terme : ce qui ne peut pas ne pas être).
  • Ce regard plus encore est principe de vie comme l’exprime le poète lui-même aux vers 4 et 5 : « Et si je ne sais plus du tout ce que j'ai vécu/ C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vus ». Les deux mots à la rime « vécu » (v.4) et « vu » (v.5) corrélés à la présence de la négation évoquent l’idée de l’absence de souvenirs de vie en dehors de la femme aimée et de son regard. Ainsi, le travail sur les sons [v] et [u]  est évocateur : cette association permet de mettre en lumière l'interdépendance entre les yeux de la femme et la vie du poète. De même, la construction « ce que » « c'est que » [s] [k] [e] par des sonorités proches marque le lien entre les deux de manière plus forte : le regard de la femme donne vie au poète.
  • L’idée est reprise de manière plus prononcée encore dans le vers de clausule avec l’image du souffle de vie donné par la femme au poète : « Et tout mon sang coule dans leurs regards » (v.15). Le groupe nominal minimal « le sang » réfère par métonymie à la vie. Ce vers est à lire en lien avec le premier vers du poème.
  1. (La femme aimée : un être total). La muse comme solution.
  • La célébration des yeux se fait indirectement chant et louange des vertus de la femme, vue de façon essentiellement positive. En effet, elle est d’abord une figure enjouée et rassurante qui apporte joie et quiétude « un rond de danse et de douceur » (v.2), sentiments retranscrits dans l’unique octosyllabe du poème qui lui confère un rythme enjoué.
  • Elle est également une amante sensuelle. Cette idée est soulignée par l’allitération en [s] « danse », « douceur » (v.2), « berceau », « sûr » (v.3) et l’évocation des sens associés à l’œil qui apparait comme le berceau de la sensualité féminine : le toucher avec « douceur » complément du nom « rond » (v.2), la vue avec le substantif « Auréole » référant à l’idée de lumière et l’odorat avec la métaphore synesthésique « sourires parfumés » (v.7)
  • Elle est aussi une figure maternelle et protectrice avec le lexique de la maternité : « berceau nocturne et sûr » (v.3) où on relève deux adjectifs qualificatifs mélioratifs coordonnés, la métaphore filée de la couvée « éclos » et « couvée » (v.11). L’image du berceau rappelle l’innocence de l’enfance. La femme est à l’image de la mère, une figure protectrice et enveloppante comme le souligne l’expression « Ailes couvrant » ou le substantif est suivi d’un participe présent qui souligne l’intensité et la durée de cette qualité. Tous ces procédés permettent de donner une triple image de la femme, par l’intermédiaire de son regard : charme magique, enfant et mère. C’est donc une femme totale.

Transition : Ce poème apparaît comme un véritable hymne à la femme aimée, figure essentielle pour le poète. Cependant, ce chant singulier apparaît comme le vecteur privilégié d’un imaginaire exalté.

  1. Un chant singulier (comme vecteur d’un imaginaire enjoué)  
  1. (Entre simplicité et jaillissement du verbe) Une écriture du jaillissement.
  • « La poésie doit être faite par tous. Non par un. » écrit Lautréamont. Le langage poétique éluardien étonne par sa simplicité. A cet égard, il écrit dans Animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux « Essayons, c’est difficile de rester absolument purs ». La quête de la pureté va de pair avec une recherche de la simplicité.
  • Emploi d’un vocabulaire simple qui sature le poème et qui renvoie à la vie quotidienne, aux sentiments humains : « cœur » (v .1), « douceur » (v.2) et au cosmos : « feuilles » et « mousse » (v.6), « Roseaux du vent » (v.7), « le monde » (v.8) On peut ici parler d’un « vocabulaire élémentaire » connu par tout un chacun. Ainsi, le réel extérieur s’inscrit au cœur de la poétique éluardienne.
  • Cependant, derrière cette simplicité apparente, le langage se trouve enrichi par un déploiement et un jaillissement d’images qui a pour point de départ la femme aimée. Avec l’utilisation de vers hétérométriques où se côtoient alexandrins (v.1, 3 et 4) décasyllabes (v. 5 à 15) et un octosyllabe (v.2) ainsi qu’une syntaxe ample (le poème est constitué de deux phrases), le poète procède à des rapprochements inattendus qui font jaillir un réseau complexe d’images.
  • Ainsi, le poème est traversé par de nombreuses images qui paraissent insolites d'un premier abord mais qui prennent leur sens, comme dans un rêve, lorsqu'elles sont mises en rapport avec le thème du poème : le regard. Les yeux de la femme donnent   sens au poème et à la vie du poète. On relève de nombreuses expressions métaphoriques qui réfèrent aux yeux : « feuilles du jour », « mousse de rosée » (v.6), « Roseaux du vent » « sourire parfumés » (v. 7), « Chasseurs des bruits » (v.10). Elles permettent d’élaborer un univers imaginaire référant à l’idée d’une poésie qui se fait alchimie créatrice de tous les possibles.
  • Mention de différents espaces et lieux que le regard de la femme permet de parcourir simultanément, comme dans un rêve par les accumulations successives: « Ailes couvrant le monde de lumière,/ Bateaux chargés du ciel et de la mer,/Chasseurs des bruits et sources des couleurs ». Les vers sont amples, avec un déploiement de la syntaxe qui renforce l’idée de jaillissement, d’ouverture, d’épanouissement et d’éclosion.
  • On remarque que l'image surréaliste de l’œil est associée à l'idée de mouvement : « roseau du vent » « chasseur du bruit » qui permet encore ce jaillissement des images.   La femme se fait médiatrice entre le monde et le poète, cela  se voit dans les images employées qui peuvent être comprises dans deux sens : dans son sens littéral avec une  référence à la nature, au monde parcouru mais aussi imagé avec l’utilisation de métaphores qui permettent de parler de l’œil même : « mousse de rosée » (larmes?) « ailes couvrant le monde de lumière » (paupière ?) « roseau » (cils ?). L’œil de la femme contient tout un cosmos.
  1. (Une femme comme ouverture au monde). Une évocation du dévoilement.
  • Le poème, dans sa progression, repose sur une ouverture progressive au monde. Passage de l’espace clôt de l’œil de la femme à l’espace infini du monde : de la « courbe [des] yeux » on glisse au « monde entier ».
  • Le monde vu au travers du regard de la femme est appréhendé de manière totale par la présence des cinq sens qui manifeste cette totalité : l’expression « sourires parfumés » (v.6) allie la vue et l’odorat. On se rapproche ici des synesthésies baudelairiennes. Le toucher est aussi évoqué « ailes couvrant » (v.8).
  • Le regard de la femme aimée permet au poète de réaliser une sorte de « tour du monde », de sortir de l'espace temps et d'atteindre un univers cosmique (totalisant) avec la mention des quatre éléments naturels essentiels : l'eau dans la mention de la « rosée » (v.6) « mer » (v. 9), la terre « feuille », « mousse » (v.6) « roseau » (v.7) paille » (v.12), le feu : « Auréole » (v.3), « lumière » (v.8), l’air avec « le vent » (v.7). Les éléments ne font qu'un comme le suggère l'image insolite de « Bateaux chargés du ciel et de la mer ». Pouvoir de suggestion du langage avec des images étonnantes : différentes temporalités coexistent. La nuit et le jour habitent le regard de manière simultanée avec les termes suivants « aurores » (jour et nuit) « astres » (nuit) « jour ». Cette idée est résumée au vers 3 « Auréole du temps, berceau nocturne et sûr » : alexandrin régulier en construit en parallélisme : cercle lumineux - temps – cercle sombre – temps.  Le monde
  1. (Une femme divinisée). Un verbe divinisant.
  • La femme aimée apparaît comme divinisée, sortant de l’ordinaire. Dans cette explosion d’images, le recours à la synesthésie : « sourires parfumés » (v. 7) confère un aspect divin, quasiment magique à la femme.
  • Elle atteint une dimension cosmique « Gaïa » c’est la déesse de la terre, source de vie. Les yeux sont comme une matrice première qui donnent vie à tout ; elle est « source » de tout y compris de la création poétique : c’est une muse.
  • Idée de pureté, de sainteté : « yeux purs ».
  • Tout un réseau lexical de la lumière est déployé et associée aux yeux : « lumière » (v. 8), « ciel » (v. 9), « aurores » (v. 11), « astres » (v. 12). On a une connotation religieuse, puisque la lumière permet la vie. Image de « l'auréole » qui rappelle les anges, fait de la femme une sorte de créature céleste et supérieure. C'est elle qui donne naissance au monde auquel le poète peut avoir accès : l’image « paille des astres » : le Christ né dans une étable.
  • Idée ascension avec le motif de la verticalité, de l’élévation au sein de métaphores : « paille des astres », « Bateaux chargés du ciel et de la mer ».

Conclusion :

In fine, le poète fait l’éloge de la femme aimée à travers le motif de l’œil, véritable prélude à l’amour. Derrière une apparente simplicité du langage, l’écriture surréaliste singulière se fait vecteur d’un imaginaire enjoué. La femme loin d’enfermer le poète l’offre au monde. Il est possible de rapprocher ce poème de la photographie de Man Ray, Larmes de verres, réalisée en 1932. Retouchée cette photographie prend comme objet les yeux d’une femme et permet de mettre au jour les caractéristiques de l’esthétique surréaliste. La femme est magnifiée et embellie par l’art. On pourrait également le rapprocher de la peinture La Magie Noire de Magritte où la femme dans un mouvement ascendant de la terre passe au ciel se confondant avec l’univers.

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