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Cours N9SL305 Ecrivains, écriture en régime plurilingue

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Par   •  6 Novembre 2022  •  Compte rendu  •  1 877 Mots (8 Pages)  •  197 Vues

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Lilian Deltort

Devoir à la maison

Cours N9SL305 Ecrivains, écriture en régime plurilingue

Elle vient d’ailleurs et a choisi le français pour se raconter…

Chahdortt Djavann

JE VIENS D’AILLEURS

Extrait de  Je viens d’ailleurs  écrit par Chahdortt Djavann, aux éditions FOLIO, p. 9-13

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Lorsqu’on lit le titre des ouvrages de Chahdortt Djavann, Comment peut-on être français ? [1], Les putes voilées n’iront jamais au paradis [2] … ils résonnent en cette fin d’année 2021 à la veille des élections présidentielles de 2022 en France. Les parcours de cette auteure si singulière : parcours de femme, parcours de personne d’origine iranienne, parcours d’exilée, ont débuté en 1967 en Iran et continuent depuis 1993 en France. De Je viens d’ailleurs [3] son premier livre édité en 2002 à Et ces êtres sans pénis ! [4] qui a été publié cette année, sa route d’écrivaine a été longue. Son choix d’écrire en français n’a rien d’anodin. Elle a eu l’occasion de s’exprimer sur ce sujet à de nombreuses reprises et nous y reviendrons. C’est ce rapport à la langue française, son écriture en français que je vous propose d’analyser dans ce devoir.

J’ai choisi de travailler sur les premières pages (P.9 à P.13) de son premier livre Je viens d’ailleurs 1. Elle y évoque la place de l’écriture depuis sa jeunesse, ses premières expériences avec la langue française et aussi son besoin de retranscrire ses souvenirs dans une autre langue que le persan. Dans un premier temps, je replacerai son premier ouvrage dans la perspective du cours et j’expliciterai la place qu’il tient dans sa vie d’auteur. J’expliciterai ensuite mon choix d’analyse de l’extrait choisi et j’effectuerai cette analyse. Je terminerai enfin par des réflexions plus personnelles.

Je viens d’ailleurs[5]  est donc le premier ouvrage écrit par Chahdortt Djavann en 2002. Il pourrait être qualifié de roman autobiographique. En effet, la narratrice (dont le nom n’apparait jamais dans le livre)  nous raconte sa jeunesse d’iranienne. Un certain nombre d’éléments sont à rapprocher de la vie de Chahdortt Djavann. Tout d’abord, l’époque : L’histoire se passe au moment où le Shah est chassé d’Iran et lorsque les islamistes avec à leur tête Kohmeyni prennent le pouvoir et font régner un climat de terreur dans ce pays. C’est la période qui correspond aux vingt premières années de la vie de l’auteur. Ensuite, les cinq tranches de vie qui y sont racontées : sa vie à l’école puis au collège, son amitié avec ses camarades et leur envie de liberté, ses études de médecine, son retour à Téhéran et enfin l’épisode terrible juste avant son retour en France ; Ces éléments sont très proches du vécu de l’auteur. Enfin, certaines scènes comme celles de l’hôpital, des fuites ou encore la mort de Parvaneh sont des scènes terribles d’une extrême violence et font parti du vécu de l’auteur.

 

Djavann nous fait percevoir les intentions de cet ouvrage,  nous met en quelque sorte sur la voie page 13 lorsqu’elle écrit :

« Il y a des souvenirs plus graves que la vie elle-même. La brûlure se fait sentir après le coup. Les dire, les redire et même peut-être un jour les écrire, ailleurs, autrement, dans une autre langue, permettrait de les conjuguer au passé, de les faire entrer dans un livre comme une vie vécu autrefois par une narratrice inconnue, anonyme, comme un récit qui se raconte et pourrait être le mien, le vôtre ou celui d’une autre. » [6]

Au-delà des intentions, Djavann évoque aussi cette envie, ce besoin d’écriture dans une autre langue. Elle parle déjà six langues quand elle apprend le français et écrit ensuite ce livre. Certains chercheurs diraient que c’est une auteure plurilingue dans le sens où elle parle plusieurs langues mais que c’est aussi une auteure « translingue »[7] dans la mesure où elle va écrire ce roman dans une langue acquise, le français, et dans son cas en situation d’exil. C’est un choix délibéré qui d’une certaine manière lui permet de prendre de la distance par rapport à ce qu’elle évoque. Elle fait ce même choix dans ses ouvrages suivants et notamment dans La dernière séance [8]. Lors d’une interview accordée au Nouvel Observateur en octobre 2013, elle indique :

« Mon écriture ne pouvait prendre corps que dans la langue française. Il m’est impossible, je dis bien impossible de pouvoir me dire entièrement en persan. Le persan m’est devenu une langue étrangère. »[9]

Nous allons maintenant analyser l’extrait sélectionné. Nous aborderons à travers cet extrait les dimensions existentielles et identitaires de l’expérience de la pluralité langagière. Il peut se décomposer en quatre parties distinctes. 

Il y a tout d’abord une épigraphe dans laquelle sont évoqués de manière poétique (allusion à la poésie iranienne peut-être ?)  des souvenirs difficiles du passé (« Pages de crimes » P.9). Des souvenirs cachés (« enneigés d’oubli » P.9) mais des souvenirs toujours présents. C’est une thématique essentielle dans l’œuvre de Djavann. En effet, ses récits sont des fictions d’enfance aux souvenirs terribles. C’est un thème très personnel, douloureux tel un trauma pour cette auteure. On verra que cela a son importance.

Ensuite, le passage allant de « Il rampait… » (P.9) jusqu’à « interdite de pensée » (P.10) évoque encore des souvenirs, des souvenirs d’enfance, des souvenirs d’un père qui écrit. L’écriture est encore une thématique essentielle dans l’œuvre de Djavann : elle est passionnée, fascinée, obsédée par l’écriture : « Je me suis juré qu’un jour je ne ferai qu’écrire » (P.9). Dans ce passage, elle évoque aussi des souvenirs scolaires, toujours cette envie d’écrire bien présente qui ne peut être assouvie du fait de son jeune âge ; La frustration de ne pas pouvoir écrire alors que visiblement les capacités sont là. Son apprentissage de la lecture a été très rapide. « J’avais appris l’alphabet en quelques jours. Je lus d’un trait mon premier manuel » (P.10). Son apprentissage de l’écriture en serait certainement de même. Or, elle doit attendre et son échappatoire c’est le rêve. L’école est présentée comme une école qui interdit. En effet, La narratrice parle de dissertations qui la feraient renvoyer. Elle n’est pas libre. Elle échappe à la prison, elle est devenue une interdite « Interdite d’écriture, interdite de parole, interdite de pensée » (P.10) . Là encore, les interdits, le manque de liberté sont aussi des thématiques importantes dans l’œuvre de cette auteure. Jusque là, on ne parle pas encore de langue à proprement parler.

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