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Commentaire des derniers quintils de La Chanson du mal aimé d'Apollinaire

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Par   •  23 Juin 2021  •  Commentaire de texte  •  2 517 Mots (11 Pages)  •  4 062 Vues

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La Chanson du mal aimé

INTRODUCTION

Dans “la Chanson du mal-aimé”, long poème rédigé vers 1903 mais publié seulement dix plus tard dans le recueil Alcools, Apollinaire relate les voyages qu’il entreprit à Londres, en vain, pour reconquérir Annie Playden, et le long travail de deuil qui l’amena à se reconstruire comme amant et comme poète.  Dans les cinq derniers quintils du texte, définiti-vement repoussé par Annie, le poète évoque son retour à Paris et ses déambulations dans un décor à la fois déprimant et fantasmagorique. Nous sommes donc amenés à nous poser la question suivante : comment le texte associe-t-il la poésie de la ville au thème du désespoir amou-reux ? Nous verrons ainsi que, dans un premier temps, le décor urbain n’est que la projection du paysage intérieur déprimé d’Apollinaire, mais que la poésie de la ville contient en elle-même l’antidote au mal d’amour du mal aimé, qui retrouve dans son don poétique même la force de croire en la vie.

Autre introduction possible :

Dans “la Chanson du mal aimé”, extraite du recueil poétique d’Alcools, publié en 1913, Apollinaire fait de sa vie privée le matériau biographique d’une espèce de journal intime poétique. C’est en effet sa rupture avec la jeune Annie Playden qui inspira le très long poème dans lequel Apollinaire, autoproclamé “mal-aimé”, retrace ses déambulations dépressives à travers l’Europe entière, à la poursuite de la jeune fille qui l’a repoussé. Revenu en France, le poète en proie à la déréliction erre dans un Paris déserté, et de son échec sentimental, retire une consolation : la confirmation de sa vocation poétique. On peut donc se demander comment Apollinaire, dans ce poème,  associe le désespoir amoureux au thème de l’errance urbaine. On étudiera d’abord le parcours du poète dans un Paris étrange et féérique, avant d’ana-lyser les liens entre ce paysage et le chant d’amour déçu que le poète dédie à la femme aimée.

I. Le décor urbain, miroir du poète

        A. Le décor urbain

        Ce décor est très présent dans les mots du poème :

- le mot Paris est cité dans les trois premières strophes.

- présence du champ lexical du paysage urbain : “cours”, “balcons”, “tours”, “cafés”, + les transports en commun automobiles : les tramways, et leurs voies ferrées qui dessinent des “portées” sur la chaussée.

- les éléments du folklore parisien sont présents : garçons de café, illumi-nations nocturnes du “Paris by night”, “orgues de barbarie”, Tziganes des cafés. Ce folklore n’est pas neutre : tziganes et “orgues de barbarie” font écho au désespoir du poète. En effet, ils sont tous associés au lyrisme : les orgues de barbarie font l’objet d’une personnification [ils “sanglotent”], quant aux tziganes, leur musique mélancolique offre une sérénade lyrique aux couples d’amoureux, dans les restaurants ou les cafés parisiens.

- le thème urbain est aussi lié au lexique de la technologie moderne : électricité, les tramways, les siphons.

- Il est lié aussi aux anglicismes : “gin”, “tramways”, “rails”. Ces termes, inhabituels en poésie, colorent le lyrisme d’une touche de modernité.

B. La ville : la projection d’un paysage intérieur.

Le poème retrace donc un itinéraire erratique dans un Paris accordé  à la dépression d’Apollinaire. La déambulation du poète dépressif trouve un écho dans l’assonance du quatrième vers : “j’erre à travers”, qui traduit par une espèce de bégaiement le cheminement incohérent d’un être désespéré et peut-être suicidaire (“sans avoir le cœur d’y mourir”).

        Cette sensation d’errance, on la ressent physiquement à la lecture des deux premiers vers à la régularité monotone, scandés 4/4 : “Juin ton soleil ardente lyre // Brûle mon cœur endolori”. On la ressent encore plus fortement en constatant les effets de l’innovation majeure des poèmes d’Alcools : la suppression de toute ponctuation, qui fonctionne comme un signe de l’abandon des repères ou des limites.

C. Une ballade associée à la résilience

Cette errance est placée d’emblée sous le signe de la lyre et du soleil, attributs d’Apollon, le dieu grec de la poésie, et paronyme d’Apol-linaire. Le rythme régulier du poème suggère une errance quasi somnam-bulique : dans les deux premières strophes, les quintils se succèdent régulièrement, sans décalage rythmique, sans enjambement, d’où l’insis-tance marquée sur les rimes, avec le retour lancinant de la voyelle [i]. Tout se passe comme si la marche à travers le décor parisien avait des effets apaisants sur le poète.

        Ce dernier semble ainsi se promener au rythme du temps, qui s’écoule lentement : le rythme des phrases est souvent binaire, avec une proposition qui s’étale sur deux vers successifs, le groupe nominal sujet dans le premier, le groupe verbal dans le second :

Juin ton soleil ardente lyre // Brûle mes doigts endoloris

Et les orgues de Barbarie // Y sanglotent dans les cours grises

Les fleurs aux balcons de Paris // Penchent comme la tout de Pise

Cette construction crée un effet de balancement qui renvoie à la régularité d’une marche, d’une balade.

Les connecteurs chronologiques, au premier vers des 3 premières strophes, marquent discrètement les étapes d’un lent écoulement du temps (“juin”, “les dimanches”, “soirs de Paris”). Peu à peu l’éclairage public prend la relève de la lumière naturelle. Son éclat agressif est suggéré par les sonorités acides, discordantes, des vers 1 et 2 de la troi-sième strophe, qui voient alterner voyelles ouvertes, éclatantes [“soirs de Paris”, “flambant”], et voyelles fermées, plus acides et stridentes [“ivres du gin”, “électricité”].

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