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Analyse en détail de "Aube" de Rimbaud

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Par   •  11 Avril 2018  •  Commentaire de texte  •  5 017 Mots (21 Pages)  •  2 335 Vues

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Lecture analytique 3

« Aube », Rimbaud

(Biographie Rimbaud à la fin)

Introduction ciblée sur le texte

        Arthur Rimbaud a écrit ce poème en en prose, publié dans le recueil poétique des Illuminations, en 1886. Ce poème décrit un moment exceptionnel : l'aube, qui fait l'objet d'une sorte de course-poursuite de la part du narrateur. En effet, il est complètement ébloui par le paysage qui défile sous ses yeux, tantôt naturel, tantôt urbain.

Comment l'auteur exprime-t-il les sortilèges de l'aube ?

Tout d'abord, il fait le récit de la quête de ce moment fabuleux, par un narrateur personnage enfant (I). D'autre part, il décrit de manière féerique le paysage matinal (II).

        Le récit de la quête de l'aube

1. Ce récit parle d'un enfant parti à la conquête de l'aube : il ne s'agit pas d'une simple découverte mais bien d'une conquête, avec  les connotations guerrières/militaires : l'enfant se prend pour le maître des lieux, il veut s'approprier un territoire à l'aube ; et  amoureuses : cet « enfant » l.13 (adolescent?)  rêve d'une première aventure amoureuse. Conquérir, c'est soumettre par la force ; c'est aussi l'action de séduire, subjuguer. Ici le narrateur personnage tente d'attraper l'aube pour la posséder : le mot est polysémique : s’approprier,  faire de l’aube sa propriété ; ou obtenir ses faveurs. Tout d'abord, « j'ai embrassé l'aube d'été » l.1 : sens spatial (embrasser du regard un espace large) ou sens amoureux ;1°personne = point de vue interne, sans doute celui de « l'enfant » l.13. Un poème autobiographique, réel ou fictif ?  comme Rimbaud, l'enfant semble avide de liberté, de découvertes et de sensations. Ici, le poème raconte le récit rétrospectif d'un rêve : passé composé (l.1,3,9,12,13), une action au passé composé = insistance sur l'incidence présente d'un moment passé. Le narrateur, qui a vécu cette expérience de l'aube, en rêve, en a gardé  le souvenir, un souvenir encore vivace. Cette expérience a été grandiose, euphorisante : octosyllabe initial qui exprime la joie, l'euphorie, un cri de victoire ; des effets de sonorités : allitération en « b », assonance en « é », voyelle claire qui traduit bien la légèreté de ce moment exceptionnel. Dernière phrase = octosyllabe également, qui marque la fin du rêve : « Au réveil » l.14. Entre ces deux octosyllabes a lieu une course-poursuite avec une ellipse narrative : entre la chute de l'aube et  de l'enfant et le réveil. Le récit est donc onirique, il raconte un rêve et il en a les caractéristiques. Les deux dernières phrases du poème en prose adoptent un point de vue externe, point de vue objectif, celui d'un témoin qui n'exprime pas de jugement. Ex : « L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois » l.13 : passé simple marque une action révolue, définitivement passée, une action ici rapide : une chute inattendue. Ce point de vue externe/objectif met à distance l'histoire racontée, comme dans un conte. « Au réveil il était midi » l.14 : cette phrase finale marque la fin du rêve, de l'expérience, il s'agit d'un constat.

2. Ce récit s'apparente à un conte merveilleux et en cela il comporte un schéma narratif qui détermine les différentes phases de la quête.

- Le poème débute par l' élément de résolution : « j'ai embrassé » l .1

- Situation initiale : l.2-3 : description d'un paysage inerte, « rien ne bougeait » et «L'eau était morte » l.2. C'est un paysage sombre, « les camps d'ombres » l.2 : métaphore où les ombres sont assimilées à des guerriers ennemis grâce au lexique guerrier « camp ». Les connotations sont négatives. Le monde d'avant l'aube semble hostile par opposition à ce qui va suivre, l'afflux de lumière, et que le lecteur attend, « encore » l.2. (cf. Lever de soleil de Proust où le paysage est sombre, mort, inerte avant lever du soleil).

- Élément déclencheur : l.3-4 : « J'ai marché » l.3, ce qui provoque un mouvement( « se levèrent » l.4), et le réveil de la forêt,( « réveillant » l.3). Le personnage se croit tout-puissant, ce qui est un signe de juvénilité (cf. Principes de plaisir et de réalité de Freud). Il croit faire passer le monde de l'obscurité à la lumière : « les pierreries regardèrent » l.4 : métaphore qui assimile les pierres du chemin à des pierres précieuses, les jeux de lumière sur les pierres provoquent ce scintillement/éclat comparable à l’éclat des yeux (personnification de la nature,« regardèrent »)   . Effet produit : une impression de beauté, de  monde merveilleux, métamorphose /embellissement du réel, féérie du conte. La marche du jeune garçon provoque un passage de l'inertie au mouvement, « les ailes se levèrent » l.4, allusion aux oiseaux grâce à une métonymie, le monde reste cependant silencieux, « sans bruit » l.4, cela traduit un sentiment de sérénité. La promenade matinale a également réveillé les animaux de la forêt, auxquels renvoie la métonymie de l'haleine ; haleine peut aussi signifier la brise du matin. Importance de l'adjectif qualificatif « vives » l.3, qui dénote la vie mais qui peut connoter aussi la vivacité. La musicalité contribue à installer une atmosphère douce, légère : assonance en « è », en « é », cette sonorité est claire, ce qui traduit bien la magie de la forêt, la légèreté de cette atmosphère.

- Péripéties :

  1. « La première entreprise » l.5 = « une fleur qui me dit son nom » l.5-6 : entreprendre peut signifier attaquer : tenter de conquérir le territoire de la forêt ; entreprendre peut aussi renvoyer à la conquête amoureuse : la fleur est le symbole de la femme, la personnification de la fleur traduit un univers féerique, celui du conte merveilleux.
  2. « Je ris au wasserfall » l.7 : le personnage interagit avec la nature, ici avec la chute d'eau ; peut-être un rire de défi vis-à-vis de la chute d'eau ; en tout cas il y a une connivence avec la nature.
  3. « je levai un à un les voiles » l.9 : entreprise pour dévoiler l'aube, ses mystères, son intimité. Pour cela, il fait une course-poursuite et change constamment de lieu : « l'allée » l.9, « la plaine » l.9, « la grand'ville » l.10 (don d’ubiquité).

- Élément de résolution : l.12-13 : « je l'ai entouré avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps » l.12-13, il s'agit d'une étreinte qui résout la quête ; 2 passés composés qui expriment un lien avec le présent : le narrateur se souvient de cette sensation qui a dû le marquer.

- Situation finale : l.13-14 : Après l'étreinte inachevée / inaboutie, « un peu » l.13, l'enfant et l'aube tombent « au bas du bois » l.13, idée de chute : connotation négative, sentiment de frustration ( ?)/incomplétude de l'enfant, qui s'est heurté à l'immensité de l'aube, « un immense corps » l.13, peut-être emblème de l’absolu. Tout s'écroule, comme le traduit l'allitération en « b », une consonne lourde. Après cette chute, vient le « réveil » l .14. La situation finale est donc le retour au réel. Le poème en prose raconte une quête initiatique, comme dans les contes, une quête vue de l'intérieur, « je », puis de l'extérieur, «  l'enfant ». L'itinéraire a été crescendo, avant de finir sur une chute. Le monde s’est offert à lui, de manière temporaire, mais ne s’est pas donné durablement.

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