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Amphitryon, Molière (1668), acte I, scène 2

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Par   •  29 Janvier 2023  •  Commentaire de texte  •  1 325 Mots (6 Pages)  •  206 Vues

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COMMENTAIRE

Amphitryon, Molière (1668), acte I, scène 2.

Composé et joué lorsque Louis XIV est au faîte de son pouvoir, Amphitryon reflète l’organisation sociale et l’atmosphère mondaine de la Cour. Prétexte à des montages fastueux, cette pièce expose la séduction d’une femme mariée mortelle par Jupiter grâce à une tromperie. Ici, ainsi que les conventions du théâtre classique l’imposent, cette scène 2 de l’acte I, annonce les modalités troubles de la réalisation du projet divin. Mercure, serviteur de Jupiter prépare le terrain pour l’accomplissement des exploits de son maître en prenant la place du valet du général Amphitryon, le mari de la femme désirée. De quelle manière alors, cette situation de comédie traditionnelle bifurque soudainement vers un registre plus grave ? Les arrangements en amont de l’affaire de cœur du roi des dieux se voient exposés sur un rythme si enlevé et transgressif qu’ils en deviennent déconcertants. Cela renforce dans un premier temps la dimension farcesque de cette confrontation reprenant des codes théâtraux habituels. Cependant, cet extérieur dramaturgique rassurant s’écaille progressivement et laisse entrevoir des réalités effrayantes.

Profitant de l’absence d’Amphitryon, retenu sur les lieux d’une bataille, Jupiter dépêche Mercure afin que ce dernier se substitue à Sosie, le valet envoyé par le général pour instruire Alcmène, la femme d’Amphitryon, de sa victoire. Molière confère à la rencontre entre ces deux personnages bien particuliers une prompte cadence suscitant une certaine désorientation. Graduellement, le dieu du commerce va usurper l’identité de Sosie. Pour l’intelligence de la scène, il vérifie d’abord qu’il se trouve en face de la bonne personne (vers 1). Cette vérification effectuée, il s’attache aussitôt à la réfuter (v 7-8). Devant l’incompréhension et l’obstination de Sosie à vouloir rester lui-même, Mercure appuie son exigence par la force physique, ainsi qu’il le déclare au vers 16-7 : « Mille coups de bâton doivent être le prix / D’une pareille effronterie. » Finalement, Sosie lui accorde sa requête (v 43-44).

La rapidité de l’évolution de la scène, de même que son intensité, est générée par divers procédés. Les répliques s’enchaînent à une grande vitesse par l’usage de stichomythies. Mercure martèle son ordre de prise de possession de l’existence de Sosie :

« Sosie – De grâce, fais trêve à tes coups. / Mercure – Fais donc trêve à ton insolence. » (v 38-39). La reprise des termes de Sosie par Mercure ajoute à la vivacité de la répartie et au dédain insultant du dieu. Similairement, le grand nombre de phrases exclamatives manifestant alternativement la colère (v 10) ou l’indignation (v 18) exacerbe le conflit.

Ce dernier transgresse par ailleurs la règle classique de la vraisemblance dans le sens où il met aux prises un dieu avec un valet, alors que l’usage veut que le personnel de comédie soit constitué de classes sociales modestes ou moyennes, à la différence de la tragédie qui emploie des rois et des dieux. Quoique tous deux soient en position de servitude à l’égard d’un personnage plus important, cet entremêlement de statuts si opposés, basés sur des puissances si inégales, finit par susciter un léger malaise, explicité par la plainte de Sosie au vers 30 : « Battre un homme à jeu sûr, n’est pas d’une belle âme ».

Mais, la présence des procédés usuels de la comédie dissimule un temps cette impression de gêne.

La construction de cet affrontement entre Mercure et Sosie s’édifiant autour de techniques héritées de la commedia dell’arte, la scène provoque aisément des rires. La spontanéité de ceux-ci repose sur la dénonciation de défauts typiques, voire caricaturés. Le rapport de force déséquilibré évoqué précédemment obéit à un schéma plus général de la comédie classique : le maître autoritaire battant son valet peureux. Mercure tour à tour ordonne (v 5), affirme (v 10), défie et invective au vers 42 : « Es-tu Sosie encor ? dis, traître ! ». Inversement, Sosie se justifie (v 9), gémit (v 21) et finit par abandonner aux vers 43 : « je suis ce que tu veux. » A cette relation verticale s’ajoute la lâcheté du serviteur que celui-ci confesse lui-même (v 27-9).

L’autre élément classique constituant cette situation comique est le début de quiproquo auquel le spectateur assiste. Se définissant comme un malentendu faisant prendre une personne pour une autre, il est ici reconfiguré par Molière, puisque c’est le personnage travesti qui accuse le personnage non déguisé de ne pas être ce qu’il est :

« Mercure – Tu m’oses soutenir, que Sosie est- ton nom ? » (v 11). Cette réplique laisse le

valet abasourdi, car c’est bien évidemment un discours auquel personne n’est préparé. La confusion éprouvée le conduit à énoncer des truismes risibles (v 12-5).

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