RACINE Phèdre, V,6 Tirade de Théramène

FICHE D'ORAL N°1 

SÉQUENCE 1 : Monstres et Cie

TEXTE : RACINE Phèdre, V,6 Tirade de Théramène

INTRODUCTION

Voici deux introductions extraites de vos copies (merci Blanche ! Merci Madeleine!)

        La seconde moitié du XVIIè s est traversée par le Classicisme, mouvement littéraire et artistique français aux valeurs rigoureuses, imposant une remise en ordre des arts et des esprits, en opposition à l'esthétique Baroque qui avait ouvert le siècle sur l'exubérance et la fantaisie. Racine, écrivain français de l'époque et connu comme l'un des plus grands dramaturges français se plie à ces règles, grandement inspirées de la tragédie antique. L'application des règles de bienséance, par exemple, le contraint à ne rien montrer de choquant sur scène. Aussi, afin de provoquer horreur et compassion chez le spectateur, doit-il user d'une grande diversité de moyens détournés tels que la narration sur scène, comme dans la scène 6 de l'acte V de son œuvre, Phèdre. Tragédie en cinq actes, la pièce, écrite en 1677, relate le mythe d'Hippolyte, fils de Thésée, roi d'Athènes et de Trézène, marié à Phèdre qu'il a épousée en secondes noces.  Au début de la pièce, Thésée disparu est déclaré mort. Son fils Hippolyte déclare alors son amour à la captive Aricie tandis que Phèdre avoue à son beau-fils les sentiments criminels qu'elle éprouve à son égard. Thésée en réalité vivant revient alors à Trézène. Honteuse, Phèdre le fuit et, pour l'innocenter des soupçons que commence à porter sur elle Thésée, sa nourrice accuse Hippolyte de sentiments coupables pour la reine. Apprenant son affection pour Aricie, Phèdre renonce à le défendre alors que Thésée appelle sur Hippolyte la colère du Dieu Neptune. C'est alors même que Thésée commence à douter de sa décision que a nouvelle de la mort d'Hippolyte, tué par un monstre marin, survient. Dans la scène 6 de l'acte V, Théramène relate la mort héroïque d'Hippolyte dans une longue tirade de 73 vers. Témoin de l'événement, Théramène narre le combat du prince contre un monstre effroyable et la terreur engendrée par cette vision cauchemardesque. Il achève tant bien que mal son récit, accablé par la tristesse, sur la mort tragique et atroce de Thésée.

        Le XVIIè s connait un goût renouvelé pour l'Antiquité. Les auteurs remettent à l'honneur les récits mythologiques. C'est le siècle dit du « Classicisme », mouvement très codifié obéissant à plusieurs règles dont celles de la bienséance. Cette dernière conduit au respect des usages et des conventions en mettant des mots sur la violence et sur la mort sans les montrer sur scène. Il s'agit de ne pas heurter le spectateur « honnête homme ». De nombreux dramaturges se fient à cette règle. C'est le cas de Racine considéré comme l'un des plus grands écrivains de tragédies de la période classique en France. Il écrit Phèdre en 1677, œuvre respectant la bienséance. La scène 6 de l'acte V en témoigne : il s'agit du récit de Théramène qui conte à Thésée la mort de son fils Hippolyte. Cette tirade laisse imaginer au spectateur la scène tragique d'un héros  qui voit sa fin. L'effet est spectaculaire.

PLAN POSSIBLE

I/ La mort héroïque d'Hippolyte...

Objectif : démontrer que le récit élève Hippolyte au rang de héros épique

II/ ...occasionne un récit spectaculaire...

Objectif : démontrer que la tirade de Théramène est dramatisée (le récit se substitue à l'action, drama en grec)

III/ … qui respecte la bienséance et questionne l'homme sur sa destinée

Objectif : analyser la dimension tragique de la tirade (terreur et pitié, catharsis)

CONCLUSION (à rédiger)

BILAN : rappel des axes développés

OUVERTURE : voir SYNTHÈSE

PLAN POSSIBLE (Merci Briac !)

 I/ UN RECIT EPIQUE ET SPECTACULAIRE

1. Un combat digne d’une épopée

• Champ lexical de la guerre, les armes et les effets du combat « javelots », « dard », « char » / « feu », « fumée ». Violence de la scène qui devient spectaculaire : le récit se substitue à l’action (drama en grec)
• Hypotypose : description très détaillée grâce à la parole directe de Théramène : le spectateur est plongé au cœur de la scène (NB : au théâtre, tout est toujours question de distance ou de proximité)
• Le système pst/ p. composé actualise la scène, laquelle paraît encore plus réelle.

1. Hippolyte présenté en héros

• Les épithètes hyperboliques (adj à haut degré d’intensité) amplifient la bravoure et le courage d’Hippolyte « l’intrépide Hippolyte » = épithète homérique ou soulignent sa solitude face au monstre « lui seul » : pronom + adj monosyllabiques pour accentuer courage et inégalités des forces en présence ;
• Périphrases cf : « digne fils d’un héros » valorise le fils auprès du père (Thésée a terrassé le Minotaure, rappelons-le)
• Désarticulation des alexandrins par des coupes inhabituelles destinées à souligner le caractère hors norme d’Hippolyte et du combat dans lequel il est engagé

1. Le monstre, une force invincible

• Description du monstre savamment orchestrée : on l’entend avant de le voir : le sens de l’ouïe précède la vision d’horreur + notation hyperbolique « un effroyable cri », « une voix formidable », « cri redoutable » : NB : échos sonores (effet de rime interne + chiasme) dessinent une figure effrayante
• Allitérations en [R] « sa croupe se recourbe en replis tortueux » le monstre est une chimère informe : NB : prouesse de Racine qui parvient à décrire l’indescriptible
• Personnification des éléments « le flot qui l’apport[e] recule épouvanté » devant cette « montagne humide ». Le monstre domine les éléments, ce qui le rend extra-ordinaire.

II/ UN RECIT PATHETIQUE ET TRAGIQUE

1. Hippolyte, victime de son destin

• Départ d’Hippolyte sous de funestes auspices : polyptote « tout pensif » / « triste pensée », isotopie du silence « sa main sur ses chevaux laissait flotter les rênes » : métaphore de l’abandon, de la résignation dans cet infinitif passif ?
• Périphrases désignent Hippolyte comme victime de la fatalité « un fils faussement accusé »/ « un corps défiguré »
• Au lexique de la douleur  d’Hippolyte répond celui de la souffrance de Théramène témoin visuel du combat submergé par l’émotion : « large blessure », « affreux », « plaie », « douloureux ». Hippolyte subit sa mort et son acharnement au combat est vain « efforts impuissants » // ponctuation expressive qui souligne l’interruption de Théramène « Excusez ma douleur » + anaphore du GV « j’ai vu ».

1. Une mort inéluctable

• Ubiquité d’un monstre insaisissable cf : participes présents et gérondifs qui occasionnent une allitération en [ã] « bondissant/ mugissant »  + effet de rime interne avec l’évocation du sang, signe de mort
• Hippolyte victime des Dieux « triste objet où des Dieux triomphent la colère » : NB : inversion sujet / vb pour valoriser la punition divine

1. Un véritable éloge posthume

• Expression du regret dans ce texte épidictique « cette image cruelle », « héros expiré »
• Système énonciatif qui traduit le passage d’un récit impersonnel à l’implication du locuteur : Théramène parle de lui à la 1ère personne (ce qui est contraire à l’humilité classique cf : PASCAL déclare dans le même temps « le Moi est haïssable »). Le spectateur épouse dès lors le point de vue de Théramène et éprouve terreur et pitié
• Passage de l’épique au pathétique : le spectateur purge ses passions dans la Catharsis.

NB : le texte fonctionne comme un éloge funèbre, un « monument au mort », un « tombeau » de mots.

A SAVOIR POUR L’ENTRETIEN

• Biographie de Racine (être capable de le situer dans le grand siècle / de connaître et caractériser ses œuvres majeures, ses influences) ; en gros : être capable de distinguer pièces « profabes » et « religieuses »
• Le Classicisme (principes esthétiques, principaux représentants) ;
• Le Jansénisme ;
• La Monstruosité et la question de la vraisemblance classique (cf : SYNTHESE « Le Monstre de Phèdre »)
• Place du texte dans le groupement ;
• Intérêt du texte au regard de l’objet d’étude.

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