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Abolition de la prostitution : le chantier est lancé en France.

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Par   •  25 Juin 2012  •  2 372 Mots (10 Pages)  •  1 387 Vues

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Abolition de la prostitution : le chantier est lancé en France

La ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, souhaite voir la France "se donner les moyens" d'abolir la prostitution, explique-t-elle dans un entretien au Journal du dimanche. "Je ne suis pas naïve, je sais que ce sera un chantier de long terme", précise la porte-parole du gouvernement, ajoutant que la "position abolitionniste" du Parti socialiste est "le fruit d'une réflexion tirant les leçons des insuffisances des dispositifs actuels".

Cette prise de position n'est en effet pas nouvelle. En décembre 2011, des députés de l'UMP, du PS, du PC et des Verts s'étaient, eux aussi, prononcés en ce sens, en votant une résolution affirmant "la position abolitionniste de la France, dont l'objectif est, à terme, une société sans prostitution"."L'Assemblée nationale proclame que la notion de besoins sexuels irrépressibles renvoie à une conception archaïque de la sexualité qui ne saurait légitimer la prostitution", affirmaient-ils.

DSK, UN ALLIÉ INATTENDU

A la fin de l'année dernière, ces abolitionnistes avaient trouvé un allié inattendu en la personne de Dominique Strauss-Kahn. Pour les militants antiprostitution, l'affaire du Carlton de Lille a démontré que la sexualité vénale est une véritable aliénation, qui constitue le refuge ultime de la domination masculine.

Par égard pour l'ancien directeur du FMI, beaucoup ont évité les condamnations publiques, mais ils ne se sont pas privés de souligner en privé une curiosité juridique qui fait leurs délices : dans le district de Columbia, à Washington, il est formellement interdit "d'inviter, de solliciter ou de persuader [une personne] dans la perspective de se prostituer ou dans un autre objectif immoral ou lubrique".

Pourquoi ne pas imposer une telle interdiction en France, plaident aujourd'hui les abolitionnistes ? Pourquoi ne pas s'inspirer du dispositif répressif mis en place en 1999 par la Suède, le premier pays au monde à infliger des amendes et des peines de prison aux clients des prostituées ? Leur raisonnement est simple : sans clients, pas de prostitution... "Le marché de l'exploitation sexuelle doit faire faillite, affirme Olga Trostiansky, porte-parole de la Coordination française pour le Lobby européen des femmes. Nous voulons éradiquer ce fléau international, et pour ce faire, nous devons agir sur la demande des clients."

UNE LONGUE TRADITION

Malgré les sourires ironiques suscités par cette croisade, que certains jugent puritaine, l'Assemblée nationale a très sérieusement balisé le terrain : en avril 2011, une mission d'information présidée par la députée socialiste Danielle Bousquet a proposé de créer, dans le code pénal, un délit de "recours à la prostitution" sanctionné par une amende de 3 000 euros et une peine d'emprisonnement de six mois.

Cette sanction serait complétée par une proposition qui, selon ses adversaires, fleure bon le camp de rééducation : un séjour obligatoire dans une "école de clients" inspirée des John Schools américaines ou canadiennes afin d'"éduquer les clients à la santé et aux relations de genre".

Ce rêve d'un monde libéré de toute sexualité vénale s'inscrit dans une longue tradition. Dans les années 1870, une féministe anglaise, Josephine Butler, avait lancé une véritable offensive contre les maisons closes, qui encourageaient, selon elle, le "vice sexuel".

Quelques années plus tard, en 1877, la Fédération abolitionniste internationale annonçait son intention de "combattre le fléau social de la prostitution, et spécialement de l'attaquer sous toutes les formes par lesquelles il revêt le caractère d'une institution légale et officiellement tolérée". Elle faisait allusion au modèle français des maisons closes, qui permettaient de soustraire la prostitution au regard des honnêtes gens tout en soumettant les "filles" à des contrôles sanitaires humiliants au nom de la lutte contre les maladies infectieuses.

UNE ACTIVITÉ PRIVÉE

Emile Zola décrit notamment dans Nana, qui paraît en 1880, les multiples visages que revêtait la prostitution à son époque : des ouvrières sans le sou qui tentent de survivre lorsque le travail se fait rare, des demi-mondaines richement entretenues par des bourgeois, des professionnelles enregistrées par les autorités administratives dans des maisons closes. Mais pour la plupart des Français de cette fin de siècle, les prostituées sont avant tout des femmes de mauvaise vie, voire des "dégénérées" : c'est le terme utilisé en 1893 par Cesare Lombroso, le fondateur de l'école italienne d'anthropologie criminelle, dans son livre La Femme criminelle et la Prostituée.

Nourri par ces représentations morales, le courant abolitionniste remporte une première victoire en 1886 avec l'interdiction, en Angleterre, du système réglementariste à la française. Pour l'Hexagone, il faudra infiniment plus de temps : c'est seulement en 1946 que la loi Marthe Richard interdit les maisons de tolérance sur le territoire métropolitain.

Le Chat noir de Montluçon, Aux belles poules de Troyes ou Le Pompéi de Poitiers ferment alors leurs portes. "La prostitution ne pourra être victorieusement combattue que le jour où un ensemble de réformes économiques et sociales réussira à chasser de ce pays la misère qui est trop souvent la principale pourvoyeuse de la prostitution", affirme alors le gouvernement.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la prostitution, en France, est considérée comme une activité privée : aucun texte du code pénal n'interdit aujourd'hui les relations sexuelles tarifées. Pragmatique, l'administration fiscale impose même les revenus tirés de la prostitution au titre des bénéfices non commerciaux.

UNE NOUVELLE ÉTAPE

La France continue cependant de s'inscrire dans une perspective abolitionniste : les ordonnances de 1960 estiment que les prostituées sont des "inadaptées sociales" qu'il serait bon de réinsérer, et le racolage ainsi que le proxénétisme

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