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Âges et inégalités

Fiche : Âges et inégalités. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Décembre 2023  •  Fiche  •  7 427 Mots (30 Pages)  •  75 Vues

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ÂGES ET INEGALITES

  1. Âgisme
  2. Age et genre
  3. Age et classes sociales
  4. Age et lieu de résidence
  5. Age et ethnie

L’âgisme

Chamboredon : « de même que la vieillesse donne des hochets à la jeunesse pour la maintenir en état de jeunesse, de même la jeunesse donne des médailles à la vieillesse pour l’encourager à céder la place »

Juliette RENNES, « Déplier la catégorie d’âge », revue française de sociologie, 2019 « Le fait d’être jugé trop jeune ou trop âgé pour exercer une activité est une expérience ordinaire au cours de la vie. Mais c’est seulement depuis les 70s que ce type d’expérience a été théorisé et politisé comme pouvant relever d’une forme d’injustice, qualifiée en termes d’âgisme ». Les représentations dans nos sociétés conçoivent la vie comme un arc : les trajectoires sont d’abord ascendantes au cours de la jeunesse jusqu’à atteindre leur apogée à l’âge adulte avant de décliner durant la vieillesse. L’âgisme prend forme aux deux extrémités : on est considéré comme « trop jeune pour » ou « trop vieux pour ». On appelle âgisme le fait que des personnes soient perçues comme différentes et traitées différemment sur la base de leur âge réel ou perçu. L’âge est un rapport de domination en soi puisqu’ il peut être un élément déterminant dans l’accès à certaines ressources socialement valorisées. L’âgisme est particulièrement visible dans certaines sphères de nos sociétés, comme l’accès à l’emploi, aux soins (Covid-19). L'étude des occurrences de la notion de discrimination par l'âge dans cinq titres de la presse quotidienne nationale (Le Figaro, Libération, Le Monde, La Tribune et Les Échos) entre 1997 et 2008 montre que le nombre d'articles ayant recours à cette expression augmente & est de plus en plus focalisée sur les seniors, concernent surtout l'emploi et non l'accès aux soins, au logement ou à certains produits d'assurance et de banque.

Institutionnalisation de la lutte anti-âgiste

Le terme « âgisme » est utilisé la première fois par Robert BUTLER en 1969, gérontologue américain, par analogie avec le sexisme et le racisme. Sa définition de l'âgisme comme "processus de stéréotypage et de discrimination systématiques contre les personnes, parce qu'elles sont vieilles" est la plus reprise dans les travaux au cours des décennies suivantes. En 70 un groupe « anti-âgiste » est fondé par six femmes retraitées et adopte le nom de Gray Panthers en 1972. La médiatisation de ce collectif, et notamment de sa principale fondatrice, Maggie Kuhn contribue à la diffusion du terme « âgisme ». Aux US, l'idée que l'âge peut constituer un motif de discrimination a trouvé une traduction législative dans l’Age Discrimination in Employment Act de 1967

En France, dans 70s, l'expression « racisme anti-vieux » objective l'apparition d'un discours critique sur la situation de relégation sociale des personnes âgées. L'âgisme fait l'objet de mobilisations collectives et d'une dénonciation et sera alors encadrée par des textes de loi dans la plupart des pays occidentaux. Depuis la loi du 16 novembre 2001, l’âgisme est reconnu comme l’un des 23 critères de discrimination en droit français. Les mobilisations publiques et juridiques concernent essentiellement la situation des personnes âgées. ⚠️ effet paradoxal : représentations stigmatisantes d'un « lobbyisme gris ».  

MACNICOL,  « Âgisme et discrimination dans le monde du travail » Mouvements, vol. 59, 2009 distingue âgisme (se manifeste dans les expressions du langage, discours, plaisanteries, images visuelles, la publicité, la mode, les cadres de pensée et discrimination en raison de l’âge) et discrimination par l’âge (concerne selon lui avant tout l’emploi). Selon lui, l'âgisme qui concerne davantage les femmes, la discrimination par l'âge au travail pourrait toucher davantage les hommes parce qu'ils sont les premiers à avoir connu une chute significative de leur taux d'activité depuis 70s.

CARADEC, POLI & LEFRANÇOIS, "Les deux visages de la lutte contre la discrimination par l'âge", Mouvements, vol. 59, 2009  La dénonciation prend deux voies différentes & trouvent toutes deux leur impulsion au niveau de l’Union européenne : 1) la préoccupation au sujet du niveau d'emploi des seniors  objectif fixé à Stockholm en 2001 d'un taux d'emploi de 50 % pour les 55-64 ans en 2010. La France, qui a privilégié une "culture de la sortie" du marché du travail précoce, est éloignée de cet objectif. 2) la dynamique antidiscriminatoire  la directive Emploi (2000/78).  

Selon Elise MUIR, « L'âge saisi par le droit communautaire », Mouvements, vol. 59, 2009. Une tension s'opère entre la volonté politique de lutter contre les discriminations liées à l'âge et la nécessité de reconnaître que l'âge est occasionnellement un critère acceptable de distinction. Plusieurs aménagements : les Etats bénéficiaient d'une période plus longue que pour les autres critères pour mettre en œuvre les interdictions de discriminer sur critère d'âge. L'interdiction ne s'applique pas nécessairement aux forces armées, à l'adhésion à des prestations de retraite ou d’invalidité.

 Les différentes conceptions de l’âgisme

Juliette Rennes (2019) « Déplier la catégorie d’âge», Revue française de sociologie propose une définition contemporaine de ce qui relève des pratiques âgistes: "le fait de juger un individu ou un groupe trop vieux ou trop jeune pour accéder à un bien social quelconque (matériel ou symbolique) sans considération de ses aptitudes et de ses intérêts » Elle en distingue trois façons de conceptualiser les préjudices liés à l’âge :

Discrimination face à un principe d'égalité de traitement

Elle concerne l'accès aux droits. En France, au tournant des 19è & 20è les données d'Etat civil servent à organiser la socialisation des membres de la nation (conscription et droit de vote masculin à 21 ans, obligation scolaire pour les deux sexes de 6 à 13 ans, et à attribuer des droits spécifiques à ceux que leur âge définit comme vulnérables ». Ex de discriminations en France :

- En 1945, la majorité sexuelle « générale » est fixée à 15 ans, mais le Code pénal sanctionne les relations homosexuelles pour les moins de 21 ans, abolie en 1982, à la suite de mobilisations pour les droits homosexuels

- les jeunes étrangers qui sollicitent le dispositif juridique de protection de l’enfance voient régulièrement jugée a priori comme frauduleuse la date de naissance qui figure sur leur document d’état civil Perrot A, « Une infantilisation inévitable ?», Genèses, 2019. Ils sont alors confrontés à divers tests très controversés.

Rapport de domination fondé sur l'écart d'âge

  • Les déconnexions possibles entre âge chronologique et âge statutaire. « l’expression "jeune de banlieue" fait référence à des hommes de classes populaires qui ont parfois un âge proche de l'âge médian et moyen de la population. Ils sont désignés comme tels car ils rencontrent des difficultés pour accéder à certains attributs du statut d'adulte: la décohabitation d'avec la famille d'origine, la conjugalité, la parentalité, une position professionnelle »

  •  Les normes de conformité. Il existe un "bon âge" de l'entrée en sexualité et un bon âge de la maternité (une femme quarantenaire serait trop âgée pour avoir un enfant) Alfred Binet en 1907 théorise les liens entre « l'âge mental » et « l’âge chronologique » contribuant à légitimer une définition du normal. Des élèves sont stigmatisés comme "en retard" et donc « anormaux ».

  •  L’âge adulte est considéré comme la référence et jouit d'une supériorité statutaire. Ainsi, « s'attarder dans l'adolescence est plutôt jugé négativement (on s'expose au stigmate de l'immaturité) tandis que retarder l'entrée dans ce qui est perçu comme l'âge statutaire de la vieillesse tend à être valorisé »

Rapport de domination fondé sur la dépréciation de la vieillesse corporelle

  •  Stigmate de la perte de capacité : chaque individu vieillit à un rythme singulier : à 80 ans, on peut expérimenter un déclin de ses capacités auditives sans rien perdre de ses capacités cognitives et inversement. Le stigmate de l’« impuissance » des hommes renvoie à une perte de force physique, de pouvoir.

  •  Le vieillissement de l’apparence (rides, cheveux blancs, affaissement de la peau, etc.) suscite diverses formes de rejet. La disqualification professionnelle des actrices ou des mannequins est une manifestation de l’âgisme et des discriminations professionnelles liées à l’âgisme.

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