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Le meurtre d'un cadavre et la théorie du crime

Analyse sectorielle : Le meurtre d'un cadavre et la théorie du crime. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Novembre 2014  •  Analyse sectorielle  •  3 893 Mots (16 Pages)  •  920 Vues

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"Il faut faire souffler un grand vent de liberté sur nos entreprises" 1. Le meurtre d’un cadavre et la théorie de l’infraction impossible.

Pourquoi écrire encore sur la théorie de l’infraction impossible, quand tant de choses ont été dites, et de fort savantes, depuis la fin du XIXe siècle et jusqu’à ces mois derniers, sur ce problème qui a fait naître « l’une des controverses les plus vives que l’on ait rencontrées dans le domaine du droit pénal » (A. Varinard, in J. Pradel et A. Varinard, Les grands arrêts du droit criminel, 1984, 1, p. 292) ? L’arrêt P..., que la Chambre criminelle vient de rendre au début de cette année (Crim., 16 janv. 1986, Bull. crim., n° 25, D., 1986.265, note critique D. Mayer et Cl. Gazounaud, et note approbative J. Pradel, Gaz. Pal., 15-17 juin 1986, note J. P. Doucet) ne pouvait cependant pas demeurer sans écho dans la Revue de science criminelle, car il a trait à l’un des points les plus chauds de la controverse, le meurtre d’une personne déjà morte, question qui ne s’était jamais présentée d’une manière précise devant la Cour de cassation, et sur laquelle elle vient de réaffirmer avec force la position qu’elle a adoptée, depuis plusieurs décades, dans d’autres hypothèses d’impossibilité.

Au cours d’une rixe, un certain C... assomme le nommé W... à coups de barre de fer. Ayant appris le lendemain que W... semblait encore vivant, P... entreprend de l’achever en lui portant des coups de bouteille sur le crâne, puis en l’étranglant. Or l’expertise va démontrer que, seules, les violences exercées par C... ont entraîné la mort de la victime. P... a donc voulu tuer ce qui n’était plus qu’un cadavre. Peut-on alors le renvoyer, avec C..., aux assises, non pas évidemment sous l’accusation d’homicide volontaire, mais sous celle de tentative d’homicide volontaire ? Oui, répond la Chambre criminelle en rejetant l’argumentation contraire de l’intéressé : «Il n’importe, dit la Cour, pour que soit caractérisée la tentative d’homicide volontaire, que la victime fût déjà décédée, cette circonstance étant indépendante de la volonté de l’auteur et lesdites violences caractérisant un commencement d’exécution au sens de l’article 2 du Code pénal».

Solution critiquable et inquiétante pour les libertés individuelles, écrivent les auteurs de la première note publiée au Recueil Dalloz, puisqu’aucun texte légal n’incrimine le meurtre d’un cadavre, ni n’autorise à en punir la tentative, et qu’aucun commencement d’exécution ne peut logiquement exister en ce cas. Décision qu’il faut au contraire accueillir avec faveur, répond le rédacteur de la seconde note du Dalloz, car à des précédents doctrinaux et jurisprudentiels incertains elle fait succéder une solution heureuse, en détruisant le dernier bastion de l’impunité de l’infraction impossible. Ainsi, au moment où la Chambre criminelle met fin au débat dans le domaine jurisprudentiel, le combat se prolonge encore en doctrine, obligeant le chroniqueur à redire, avec quelques auteurs récents, que les pénalistes français ont usé beaucoup trop d’énergie et perdu trop de temps à discuter du faux problème de l’infraction impossible. Qu’il soit permis de rappeler brièvement les errements de la doctrine, pour montrer ensuite dans quelle direction, avec la jurisprudence, il convient d’orienter la réflexion.

I. a) Personne, de nos jours, ne songe plus à proposer cette théorie dite objective qui, au XIXe siècle, par les voix de Rossi, Chauveau et F. Hélie, Laîné, Blanche, Bertauld, Villey ou Laborde, affirmait l’impunité de toute infraction impossible, quels que fussent la nature et le degré de l’inefficacité des actes accomplis par le coupable. Le délit impossible, disait-on, échappe à la loi pénale car il n’est ni une infraction consommée, puisque le délinquant n’est pas parvenu au résultat envisagé par le texte incriminateur, ni une infraction tentée, car on ne conçoit pas un commencement d’exécution là où une exécution complète ne peut pas être obtenue. On a pu s’étonner de la faiblesse «confondante» de l’argument pseudo-logique qui avait convaincu tant de nos devanciers (Mme M. J. Littman, note sous Crim., 23 juill. 1969, JCP., 1970.11. 16507 bis) ; mais il faut remarquer, avec J. A. Roux (Cours de droit criminel français, 2e éd., 1927, I, p. 118), que la doctrine objective s’harmonisait pleinement avec l’idée que l’on se faisait, selon le légalisme étriqué propre à cette époque, du commencement d’exécution, entendu comme se rapportant uniquement aux faits matériels constitutifs de l’infraction. Mais cette conception objective ne pouvait pas se maintenir quand eut prévalu une notion plus souple de la tentative, englobant également des actes différents des faits matériels retenus dans la définition du délit.

b) La théorie objective, avec ses insuffisances criantes, a succombé sous les coups des tenants des théories appelées mixtes.

Celle de J. Ortolan d’abord, la plus ancienne, qui opposait l’impossibilité absolue et l’impossibilité relative (Éléments de droit pénal, 5e éd. par A. Desjardins, 1886, I, nos 1001 et s.), mais qui était à son tour entachée d’un vice logique irrémédiable: l’impossibilité ne saurait comporter de degrés; absolue ou relative, quelle que soit sa cause, elle entraîne toujours l’absence du résultat cherché par le coupable. Tirer des coups de feu dans une pièce dont la victime est, par extraordinaire, momentanément absente (impossibilité relative, selon Ortolan) ou tenter de donner la mort à un cadavre (impossibilité absolue) sont deux entreprises également vouées à l’échec.

Celle de R. Garraud d’autre part (Traité théorique et pratique du droit pénal français, 3e éd., 1913, I, n° 242 ; Précis de droit criminel, 15e éd., 1934, n° 82 ; note sous Crim., 8 nov. 1928, Sem. jur., 1929.239), reprise par J. A. Roux (op. et loc. cit., note 10 ; note sous Crim., 20 mars 1919, S., 1921.1.233), et dans laquelle on distingue la simple impossibilité de fait, qui ne saurait faire obstacle à la répression parce qu’elle est le fruit du hasard, d’une circonstance imprévue et indépendante de la volonté de l’agent, de la même façon qu’il y a délit manqué, - et l’impossibilité de droit ou de qualification, dans laquelle fait défaut l’une des conditions légales indispensables pour que l’infraction puisse être juridiquement consommée, et qui exclut que la tentative soit elle-même punissable. Ainsi, pour reprendre les deux exemples précédents, tirer un coup de feu dans une pièce que vient de quitter son occupant constitue une impossibilité

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