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La domination masculine - Pierre Bourdieu

Fiche de lecture : La domination masculine - Pierre Bourdieu. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Septembre 2019  •  Fiche de lecture  •  4 321 Mots (18 Pages)  •  1 318 Vues

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La domination masculine (Pierre Bourdieu)

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Bourdieu n’a cessé de s’étonner que l’ordre du monde tel qu’il est (avec ses injustices et ses inégalités) soit globalement respecté. Le travail de recherche sur la domination masculine fait partie de ce questionnement. Pour étudier la domination masculine, il faut être capable de prendre sur notre univers le point de vue de l’anthropologue, capable de rendre au principe de la différence entre les sexes telle que nous la (mé)connaissons, son caractère arbitraire et contingent. Pour objectiver scientifiquement l’opération proprement mystique dont la division entre les sexes, telle que nous la connaissons, est le produit, il est nécessaire d’opérer un détour par l’ethnologie. Cela permet de dénaturaliser ce qui parait le plus naturel dans l’ordre social que nous vivons.

I Une image grossie

Pierre Bourdieu justifie son choix d’étudier la société Kabyle :

Les montagnards kabyles ont sauvegardé des pratiques et de modes de pensée, qui représentent une forme paradigmatique de la vision phallocratique de toutes les sociétés méditerranéennes, et qui survivent encore partiellement aujourd’hui, mais à l’état éclaté. D’autre part la tradition culturelle qui s’est maintenue en Kabylie représente un modèle encore visible et directement analysable de la tradition méditerranéenne antique, dont toute l’aire européenne continue de s’inspirer.

La construction sociale des corps Dans la société Kabyle, la division entre les sexes paraît être naturelle, inévitable : elle

est présente à la fois à l’état objectivé dans les choses, dans tout le monde social, et à l’état incorporé, dans les corps et les habitus. Elle fonctionne comme un système de schèmes de perception de pensée et d’action.

La force de l’ordre masculin se voit au fait qu’il se passe de justification : la vision androcentrique s’impose comme neutre et n’a pas besoin de discours visant à la légitimer. Elle s’impose dans la division du travail, dans la division du temps... Le monde social construit le corps comme réalité sexuée, et comme dépositaire de principes sexuants.

Les différences visibles entre les organes sexuels masculins et féminins sont une construction sociale qui trouve son principe dans les principes de la division de la raison androcentrique, elle-même fondée dans la division des statuts sociaux assignés à l’homme et à la femme. (Par exemple : le vagin est vu comme un phallus inversé ; l’homme et la femme sont donc perçus comme deux variantes positives et négatives de la même physiologie.)

De même, le corps a ses parties publiques (visage, front, bouche), où réside l’identité sociale, et ses parties privées, qui sont cachées. Les usages publiques de la partie haute du corps sont le monopole des hommes dans la société kabyle : ils parlent, regardent... alors que les femmes se taisent et baissent les yeux. C’est une des formes de la division des usages légitimes du corps, qui amène l’homme à se spécialiser dans le domaine de l’extérieur et la femme dans celui de l’intérieur.

L’acte sexuel lui-même est pensé selon le principe du primat de la masculinité. oL’homme doit se trouver au dessus de la femme lors de l’acte sexuel, et cela est même

justifié par un mythe oLes pratiques et les représentations des deux sexes concernant les relations

amoureuses ne sont nullement symétriques : les hommes y voient une sorte de

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conquête, et l’acte sexuel est conçu comme une sorte d’appropriation, de possession, alors que les femmes s’attendent à une expérience chargée d’affectivité. (ce constat doit tout de même être nuancé par l’âge et la position sociale).

oDe ce point de vue (qui lie sexualité et pouvoir) la pire humiliation pour un homme consiste à être transformé en femme, comme en témoignent les insultes portant sur l’homosexualité ou les bras d’honneur.

L’incorporation de la domination Il a donc été montré, ainsi que dans de nombreux autres travaux d’anthropologues, que

la définition sociale du corps est un produit de la domination masculine. L’opération inverse, c'est-à-dire la naturalisation de cette définition sociale reste encore à prouver. C’est ce que Bourdieu va faire dans cette partie.

Le travail de construction symbolique s’achève et s’accomplit dans une transformation profonde et durable des corps et des cerveaux : il définit ce qui est un homme viril et une femme féminine.

N’ayant d’existence que relationnelle, chacun des deux genres se construit par opposition à l’autre. Cette construction sociale ne prend que très partiellement la forme d’une action pédagogique explicite. Elle se fait à travers des injonctions tacites impliquées dans des routines de la division du travail et des rituels collectifs : la partie noble du travail est toujours réservée aux hommes, alors que la partie inférieure est réservée aux femmes.

Dans les séries des rappels à l’ordre muets, il y a les rites des passage, qui ne concernent que l’homme : A travers le rite de passage l’enfant est arraché au monde féminin représenté par la mère, et par la maison, pour rentrer dans la virilité et le monde extérieur. Pour la jeune fille, la réalité est toute autre : son corps étant défini comme sacré, et la femme se définissant par défaut, la jeune fille doit intérioriser les principes fondamentaux de la bonne tenue. Cette bonne tenue qui caractérise la féminité peut aussi être vue comme l’art de « se faire petite », car les femmes restent enfermées dans une sorte d’enclos invisible (sourire, baisser les yeux, accepter les interruptions).

La violence symbolique La préséance universelle reconnue aux hommes s’affirme dans l’objectivité des

structures sociales et des activités productives et reproductives, fondées sur une division sexuelle du travail de production et reproduction biologique et sociale, où l’homme occupe la meilleure place. Cette vision est incorporée dans les habitus, façonnés dans des conditions semblables, et étant de cette sorte universellement partagée par les membres d’une société (y compris par les dominés), elle s’impose à eux comme transcendante.

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