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Pouvoir en Islam

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Par   •  16 Janvier 2017  •  Cours  •  92 915 Mots (372 Pages)  •  808 Vues

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Il y a 45 ans, à l’occasion d’un colloque sur « la légitimité », Alexandre Passerin d’Entrèves affirmait : « certains d’entre nous se souviennent peut-être encore d’avoir entendu parler de « la légitimité dynastique ». Mais aujourd’hui, que je sache, il n’y a que le Président DE GAULE qui se soucie d’invoquer la « légitimité ». Le mot même a pris une signification archaïque » (1)

Cette affirmation est à nuancer dans le Maroc d’aujourd’hui, et encore moins dans celui des siècles passés. Aujourd’hui, l’étage le plus important de la constitution marocaine, tout en exprimant la légalité constitutionnelle, laisse une grande place à la légitimité dynastique et religieuse, tout en mettant l’accent sur la liberté des cultes et sur la garantie des droits de l’homme tels qu’ils sont universellement définis. (2)

C’est assez original par rapport à un occident que le même Alexandre P. D’Entrèves décrit en ces termes : « … même là ou la légitimité traditionnelle s’est conservée sous la forme d’une monarchie héréditaire, les monarques ont depuis longtemps accepté d’être tels non seulement par la «grâce de Dieu » mais par la volonté de la nation (3), à savoir par des lois qui en sont l’interprète » (3).

C’est justement ce « paradoxe » que la présente étude tend à analyser à partir de ce que nous appelons les « stratégies de légitimation du pouvoir, telles qu’elle était fonctionnalisée par les différentes dynasties marocaines ».

Une telle étude ne présente pas seulement un intérêt scientifique, facilitant la connaissance de la nature et de la forme des institutions politiques marocaines traditionnelles, et donc l’influence de l’histoire de celles-ci sur les institutions actuelles, elle permettra d’éclairer la pratique politique globale de la dynastie actuelle.

En effet, le protectorat n’a été qu’une parenthèse dans l’histoire politique du pays, et dès 1956, le Maroc renoue avec ses traditions de toujours ; c'est-à-dire un pouvoir d’essence califienne, mais empruntant désormais une forme et même des contenus modernes qui allaient trouver leur expression dans le constitutionnalisme occidental.

Mais avant d’aller plus loin, il convient de préciser le sens qu’on donnera aux termes utilisés dans le cadre de la présente contribution :

Celui de «légalité».

C’est certainement à BARTOLOS que l’on doit la distinction rigoureuse entre les deux notions lorsqu’il opposa la forme de tyrannie « EX DEFECTU TITULI à celle «‘EX PARTE EXERCITII ». En synthétisant, St Thomas d’Aquin  dira que le tyran est aussi bien celui qui exerce un pouvoir non fondé, que celui qui l’exerce d’une manière arbitraire.

Cependant, légitimité et légalité demeurent deux notions distinctes. La première exprime le fondement, le titre du détenteur du pour, ainsi que le devoir du sujet à l’obéissance. La seconde intéresse l’exercice du pouvoir dans les limites formelles et matérielles des lois en vigueur. Elle exprime donc le devoir du titulaire du pouvoir de respecter ces dernières ainsi que le droit du sujet à se prémunir contre l’oppression. (1)

C’est dire que la légitimité se réclame d’une idée morale supérieur au droit établi (2) et ce, dans la mesure où elle exprime la conformité du pouvoir du régime politique à la manière de penser d’une nation, à son « idée de droit » selon l’expression de Gorges BURDEAU. Quel que soit son fondement, cette conformité est à l »’origine du consentement et de l’adhésion des membres de la Communauté au pouvoir. De ce point de vue, chaque société crée et secrète son propre fondement de la légitimité du pouvoir qui la gouverne. On rencontre là la thèse de HOME pour qui tout gouvernement, même le plus despotique, est légitime en ce sens qu’il ne peut être fondé uniquement et éternellement sur la force des armes. On imaginerait mal, en effet, un gouvernent opposant continuellement des baïonnettes à ses gouvernés. (3)

Les termes « stratégie », « sous-traitance », « gestion », « capital ne seront utilisés qu’en tant que métaphores langagières et non en tant que concept jouissant de leur totale rigueur scientifique. Empruntés tantôt au domaine militaire, tantôt au domaine économique, ces termes ont été choisis parce qu’ils satisfont à un souci didactique.

Le terme « Légitimation » traduit l’acte conscient ou inconscient du détenteur du pouvoir, pour justifier son action politique. C’est ce qui explique que la légitimation, au sens de CASSWELL, de Parson’s et de Lipset, est une question de fait et non de droit (1). Il s’agit d’une notion de sociologie qui, çà ce titre, traduit l’effort du chercher pour démarquer les artifices utilisés par les gouvernants pour faire accepter et durer leur pouvoir. On rejoint à ce niveau le problème de l’idéologie véhiculée par les soins de la classe dominante à travers les appareils idéologiques d’Etat (écoles, casernes, universités, etc..) qu’elle contrôle, afin d’assurer la suprématie de sa position sociale en tant que classe dominante et hégémonique.

Quand au terme « légitimité », il relève de la théorie politique et de la philosophie du droit. Très tôt, il fut donc lié à un terme de la même racine (2)

Certes, un sentiment de crainte s’établit toujours dans une relation de gouvernants à gouvernés mais le rôle précisément de la légitimité est d’ « exorciser » cette peur. De ce point de vue, nous dit Guglielmo Ferrero « quel qu’il soit, principe électif, principe héréditaire, principe aristo-monarchique, principe démocratique, vénérons-le au titre de génie invisible de la cité » (1)

Les fondements de la légitimité, ces « génies invisibles de la cité », ont été ramenés par Max Weber à trois types considérés comme types idéaux :

> La légitimité légalo-rationnelle signifie que les pouvoirs du titulaire de l’autorité sont limités à sa sphère de compétence ; en dehors de cette sphère, il redevient un simple particulier.

> la légitimité traditionnelle trouve son fondement dans la tradition. Le système, le régime politique est considéré comme ayant toujours existé. Dans un tel type de légitimité, la résistance au changement est considérable et les innovations nécessaires à l’évolution de la société sont justifiées par la fiction qu’elles existaient toujours et qu’elles sont « redécouvertes ». En outre, l’absence d’une sphère de compétence précise attachée au statut du titulaire du pouvoir abouti à la confusion de l’activité privée et publique de ce dernier. (2)

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