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La Constante Macabre

Compte Rendu : La Constante Macabre. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Janvier 2013  •  3 265 Mots (14 Pages)  •  908 Vues

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André ANTIBI est professeur à l'université Paul Sabatier de Toulouse et à l'école d'ingénieurs Sup-Aéro. Agrégé de mathématiques, il est titulaire de deux thèses, l'une en maths, l'autre sur l'enseignement.

Il est auteur de nombreux livres scolaires. En 1981, il est nommé Directeur de l'Institut de Recherche pour l'Enseignement des Mathématiques (IREM) de Toulouse.

Ses recherches sur l'enseignement ont une renommée internationale.

Depuis plus de 15 ans, il dénonce inlassablement le dysfonctionnement le plus important de notre système éducatif : sous la pression de la société, les enseignants, souvent inconsciemment, jouent un rôle de sélectionneurs et sont ainsi à l'origine de l'échec scolaire artificiel d'une certaine proportion d'élèves : la "constante macabre".

"... La collusion trop fréquente entre éducation et sélection, stigmatisée par André Antibi, cause de réels ravages ..."

Hubert CURIEN

Ancien Ministre de la Recherche

"Pour citer un excellent auteur québécois, une manière infaillible d'identifier les bons nageurs, c'est d'organiser un naufrage..."

André LEGRAND

Ancien Directeur des Lycées

De la constante macabre à

l’évaluation par contrat de confiance

1. La constante macabre : de quoi s’agit-il ?

Imaginez un professeur excellent avec des élèves excellents. Si dans un tel contexte, toutes les notes sont bonnes (elles devraient l’être bien sûr), le professeur est montré du doigt, et est considéré comme un professeur laxiste, voire pas très sérieux. Les parents d’élèves et les élèves eux-mêmes suspecteraient a priori un professeur d’une matière importante dont la moyenne de classe serait souvent de 14 ou 15 sur 20.

Ainsi, sous la pression de la société, les enseignants semblent obligés, pour être crédibles, de mettre un certain pourcentage de mauvaises notes, même dans les classes de bon niveau : une constante macabre en quelque sorte.

J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’un phénomène de société dont les enseignants ne sont évidemment pas les seuls responsables.

Il y a quelques cas où ce dysfonctionnement existe peu ; par exemple dans les matières considérées, à tort, comme secondaires (musique, arts plastiques, éducation physique et sportive), dans l’enseignement professionnel. Ces exceptions sont encourageantes car elles montrent que la constante macabre n’est pas liée en profondeur à la nature des français, puisque il suffit de changer de matière pour ne plus la rencontrer.

Contrairement à ce que certains pourraient peut-être penser, la constante macabre existe déjà dans l’enseignement primaire. Plus précisément, les enseignants sont invités à mettre trois types d’appréciation, « acquis », « non acquis », « en voie d’acquisition ». Inconsciemment, ils se sentent obligés de mettre des élèves dans chacun des trois groupes pour avoir l’impression d’avoir évalué correctement. A ce sujet l’anecdote suivante peut avoir un caractère cocasse ; Trois inspecteurs de l’éducation nationale, convaincus de l’intérêt du combat contre la constante macabre, ont avoué au cours d’une de mes conférences qu’ils seraient très choqués s’ils inspectaient un professeur qui ne mettrait aucune appréciation « non acquis » à un contrôle…

Les enseignants sont-ils conscients d’un tel dysfonctionnement ?

Non, en général. Moi même, durant les vingt premières années de ma carrière d’enseignant, j’étais convaincu qu’un «bon » sujet d’examen devait donner lieu à une moyenne de 10 sur 20, quelles que soient les conditions de travail et les qualités de l’enseignant et des élèves. Or, avec une moyenne de classe de 10 sur 20, la moitié des élèves environ est en situation d’échec. C’est aberrant, absurde, grotesque quand on en prend conscience, et pourtant cela est vrai. Une tradition ridicule qui se perpétue de génération en génération : il est très difficile de remettre en cause un système dans lequel on baigne.

Cependant, après mes conférences sur ce thème, une énorme majorité d’enseignants (96%) reconnaît l’existence de ce phénomène, surtout lorsque j’explique comment nous faisons, inconsciemment, pour obtenir une telle constante : difficulté des questions, longueur du sujet, barème…

Ce résultat encourageant a été obtenu par une enquête réalisée dans quinze académies auprès de 3020 enseignants à la fin d’une réunion sur ce thème à laquelle ils étaient tenus d’assister. Les enseignants interrogés n’étaient donc pas acquis a priori à « ma cause ». Il est clair qu’une telle adhésion ne peut être obtenue après quelques minutes seulement de présentation de ce dossier ; il n’est pas facile en effet de prendre conscience que nous sommes des sélectionneurs malgré nous.

Pourquoi ce phénomène est-il inconscient ?

Je propose trois réponses possibles à cette question :

- la tradition

L’être humain n’aime pas ne pas faire comme tout le monde ; donc lorsqu’une situation existe, on la reconduit sans se poser de questions, tout bêtement en quelque sorte. Certains aimeraient peut-être y voir des raisons hautement politiques ; je suis convaincu du contraire. Cette conviction est d’ailleurs étayée par l’origine des soutiens au mouvement contre la constante macabre : on y retrouve une très grande diversité de sensibilités, dans l’enseignement public et dans l’enseignement privé.

Pour illustrer le poids de la tradition, il suffit de penser à la valise à roulettes. Combien de temps a-t-il fallu attendre pour que l’on se décide à mettre des roulettes sous une valise ? Combien de visites chez le médecin de personnes souffrant de maux de dos après avoir porté une valise trop lourde ? Est-ce la faute à un gouvernement de gauche ? De droite ? à Mitterrand ? à Chirac ? Non ! La raison est toute bête : par tradition, on met des roues sous un chariot, ou derrière des chevaux, mais pas sous une valise. Et puis un jour, la tradition (heureusement)

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