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La sociogenèse du monopole fiscal / Norbert Elias

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Par   •  22 Avril 2022  •  Fiche de lecture  •  1 959 Mots (8 Pages)  •  426 Vues

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Commentaire de texte

Sociologie historique de l’état

La dynamique de l’occident

Chapitre VI, la sociogenèse du monopole fiscal

Norbert Elias

Norbert Elias est un écrivain et sociologue allemand né à Breslau le 22 juin 1897 et mort le 1er Août 1990 à Amsterdam. Son principal travail de sociologie historique est Sur le processus de civilisation en deux volumes : La civilisations des mœurs et la Dynamique de l’occident. Nous nous intéressons ici au chapitre VI du second volume, intitulé La sociogenèse du monopole fiscal. Norbert Elias a écrit cet ouvrage à Londres en 1935, lors de son exil pour fuir l’Allemagne nazie. Il est publié en 1939 et réédité en 1969 en Allemagne, où il connait alors un grand succès. Dans la Dynamique de l’occident, Norbert Elias décrit la civilisation telle une évolution des structures de la personnalité prenant leurs origines dans l’évolution des structures sociales. Selon l’auteur, les facteurs du changement social sont le progrès technique continuel, la différenciation de la société et la concurrence entre les hommes et les groupes d’hommes. Ces facteurs causent une centralisation des sociétés avec une institution du monopole étatique central de la violence et des impôts, ainsi qu’une économie basée sur l’argent. Le processus de civilisation recouvre plusieurs différenciations des fonctions sociales, une interdépendance des groupes sociaux et un développement de l’état moderne. Pour Elias, les deux évolutions principales de la structure psychique des individus par le biais de ce processus sont une tendance à l’intériorisation des contraintes sociales et un contrôle renforcé des émotions.

Norbert Elias analyse dans cet ouvrage l’évolution de la civilisation occidentale par le biais d’une mise en parallèle d’une logique de pulsion individuelle des hommes et celle d’une formation d’un pouvoir étatique et centralisé. Il établit les conditions historiques ayant amené à l’établissement de l’état occidental.  Dans le chapitre VI, La sociogenèse du monopole fiscal, auquel nous nous intéressons ici, Elias nous dresse un portrait détaillé de l’évolution du fonctionnement de la fiscalité et de son monopole en France à partir de 1188 et jusqu’au début de l’absolutisme.

Les enjeux de ce chapitre sont les explications de la mise en œuvre d’un système centralisé qui prend le monopole des impôts via des processus d’interdépendances entre les couches de la société féodale (Noblesse, bourgeois, artisans, paysans etc).

La démonstration de l’auteur consiste à montrer étape par étape le processus de monopolisation et d’institutionnalisation des impôts qui débouche petit à petit sur le système absolutiste et aboutit à la création d’un Etat avec un appareil administratif institutionnalisé. Norbert Elias nous montre comment les rapports de forces entres les différents milieux de la société et la divergence de leurs intérêts renforcent le pouvoir central de l’époque : la royauté.

Dans l’ancienne société médiévale, l’économie est surtout fondée sur le troc, à l’époque, les impôts sont considérés comme inadmissibles. On peut prendre l’exemple de la « dîme saladine » de 1188, permettant le financement d’une croisade par Phillipe Auguste, qui a suscité beaucoup d’opposition. Le roi finit par déclarer la fin définitive des taxes et interdit à ses successeurs d’y avoir recours. A ce moment-là, les prélèvements en faveur du roi ou des seigneurs ne sont pas une institution, ils n’ont pas d’incidence sur les échanges commerciaux et le niveau des prix. Selon l’opinion générale, les seigneurs d’un domaine doivent couvrir les dépenses de leur ménage ainsi que leur gouvernement grâce aux revenus de leurs possessions domaniales (donc leurs biens dynastiques). A ce moment-là, le roi est un grand guerrier parmi d’autres, il vit comme eux de ses revenus et domaines et le droit coutumier l’autorise à avoir recours à des « aides féodales » des habitants de ses terres dans certaines circonstances. A partir du XIIème, les bourgeois proposent de payer le recrutement de mercenaires pour ne pas servir eux même dans l’armée (ils commercialisent le service armé). Cette taxe est perçue comme un élargissement de l’aide féodale, appelée « aide de l’ost » et faisant partie des « aides aux quatre cas » et elle s’institutionalise petit à petit.[1] 

Les rois ne veulent pas susciter une trop forte opposition car la puissance sociale de fonction royale est encore trop faible mais ils ont besoin d’argent pour l’exercice de leur fonction, le maintien de leur rang et surtout pour financer les guerres incessantes. Ils prélèvent donc dans les différentes couches de la société, tour à tour. Cela renforce la puissance sociale de la royauté. En 1292, le roi exige une contribution d’un denier par livre de marchandise vendue due par le vendeur comme l’acheteur. Le mécontentement gagne toutes les couches de la société, dont les seigneurs féodaux. Le roi leur donne alors une partie des fonds collectés dans leurs domaines (ils perdent au change puisque qu’auparavant ils collectaient eux-mêmes les taxes).

En 1314, les villes se liguent avec les seigneurs féodaux contre le roi face à nouvelle taxe pour la campagne de Flandre (C’est une « expérience historique » qui permet de mesurer les divergences des intérêts et la force des tensions entre groupes sociaux (bourgeoisie et noblesse s’unissent face aux prétentions financières du roi). A ce moment-là, la royauté n’a pas assez de légitimité pour fixer à elle seule la fréquence et le montant des taxes, celle-ci est obligé de négocier car les « aides » gardent un caractère de prélèvement occasionnel pour des situations précises. La guerre de cent ans dure si longtemps que les aides se transforment en institution permanente. [2] Les rois n’ont pas conscience de renforcer leur monopole fiscal, ils se préoccupent uniquement de trouver de l’argent pour dépenses imminentes et déterminées. C’est petit à petit que les taxes ont été aménagées d’une manière plus consciente en institution structurée par un processus de lente transformation de la société via des modifications progressives du rapport de force entre les couches de la société[3]. Dès 1328, l’institutionnalisation des « aides » s’accélère. Après bataille de Crécy, les fonctionnaires tentent d’organiser une contribution personnelle directe mais reviennent aux impôts indirects en 1348, on parle alors toujours « d’aides exceptionnelles » et plus exactement d’ « aides sur le fait de la guerre », supposées s’arrêter après la guerre. A partir de Charles V, les rois n’utilisent plus les taxes seulement pour la guerre (mais pour couvrir les dépenses de leur ménage, faire des dons aux favoris etc). Cela participe au renforcement de la fonction centrale. Les trois états (surtout la noblesse) s’opposent à ce renforcement mais ils ne sont pas assez unis pour résister efficacement, cela les empêche aussi d’organiser la conduite de la guerre. Le marché commence peu à peu à s’adapter aux redevances permanentes (après bataille de Poitiers). De nouvelles taxes sont prélevées à partir de 1363. La guerre de cent ans a permis l’institutionnalisation des taxes ainsi que la création de nouvelles fonctions spécialisées dans la collecte des « redevances occasionnelles » (« généraux sur le fait des finances ») et du règlement des problèmes auxquels elles donnent lieu (ancêtre de la « Chambre » ou « Cour des aides »). Entre 1370 et 1380, la royauté manque toujours de stabilité et la guerre affaiblit grandement le peuple, les redevances permanentes sont insupportables. A la suite de la mort de Charles V en 1380, des tensions éclatent pour l’accession au trône et les villes commencent à se révolter contre les taxes, le peuple chasse les fonctionnaires royaux. [4] 

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