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Le président est-il responsable de ses actes ?

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Par   •  21 Mars 2016  •  Dissertation  •  2 407 Mots (10 Pages)  •  2 301 Vues

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Le président est-il responsable de ses actes ?

        « Si le roi tue de sa main un ministre, on peut à la rigueur, s'en prendre au Premier ministre. Mais si le roi tue le Premier ministre, personne n'est responsable », affirmait la doctrine anglaise, rappelant que le roi était irresponsable pénalement. Cela nous renvoit à une question que tout État de droit peut légitimement se poser : celle de la responsabilité politico-pénale du chef de l'État. Sous la Ve République en France, le débat est actuel sur cette problématique puisqu'en tant que République et État de droit, une irresponsabilité totale du président de la République poserait problème face aux pouvoirs immenses qui sont les siens. Depuis une révision de 2007, le titre IX de la Constitution qui comprend les articles 67 et 68 organisant la responsabilité du président de la République a été modifié. Il nous faut alors distinguer deux types de responsabilités dont le président de la République doit se préoccuper : la responsabilité pénale, et la responsabilité politique. Il nous vient alors une distinction plus particulière mais également essentielle pour la détermination d'une éventuelle sanction présidentielle face à un acte pénal ou politique. Lorsqu'on se demande si le président est responsable de ses actes, on se doit d'approfondir cette question : de quels actes le président est-il responsable ? Quelle distinction est faite entre les actes politiques et pénaux ? Pour répondre à notre interrogation, nous nous intéresserons en premier temps à la responsabilité pénale (et civile) du chef de l'État, pour nous intéresser ensuite à sa responsabilité politique.

I – La responsabilité pénale du président de la République

        La responsabilité pénale du chef de l'État vise les actes délictueux commis pendant l'exercice des fonctions, c'est à dire la criminalité gouvernante, ou la violation des droits fondamentaux. Ces actes sont ceux qui sont rattachables à la fonction de chef de l'État. Nous devons aussi nous intéresser aux actes détachables de la fonction, et à la responsabilité engagée du président lorsqu'une telle question vient se poser. Par ailleurs, il nous faut rappeler qu'une révision constitutionnelle a modifié, en 2007, les articles 67 et 68 de la Constitution.

A. La distinction des actes

        La distinction entre les actes rattachables à la fonction et les actes détachables ou sans lien avec la fonction est importante pour déterminer la compétence d'un juge pour examiner le litige : un juge ordinaire ou un juge spécial. Nous nous devons de rappeler une affaire concernant cette distinction : en 1999, une question s'est posée quant aux emplois fictifs de Paris lorsque Jacques Chirac en était le maire. En 1999, il était président de la République depuis 4 ans et il fallait savoir s'il devait être poursuivi comme un citoyen ordinaire ou s'il était l'abri de poursuites durant la durée de sa présidence de la République. En effet, les faits avaient été commis avant son élection en tant que président de la République et il s'agissait alors d'un débat sur la lecture de l'article 68. En effet, l'article 68 disposait en 1999 que « Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de Justice. ». Deux lectures se dégagent de cet article : on peut considérer logiquement que les deux phrases de cet articles sont dépendantes l'une de l'autre, le chef de l'État ne pourrait donc être accusé que des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions et des actes constitutifs de haute trahison. Cependant, une autre lecture s'est dégagée de cet article : on pouvait considérer que les deux phrases étaient indépendantes l'une de l'autre. Aussi, le chef de l'État dépendrait uniquement de la Haute Cour de Justice, quels que soient les actes mis en cause. Après la révision de 2007 qui a clarifié la distinction des actes en fonction de leur nature (et dont nous parlerons par la suite), deux types d'actes ont été distingués : les actes rattachables à la fonction présidentielle et les actes détachables de la fonction présidentielle. Les actes rattachables à la fonction peuvent être des actes qualifiés de haute trahison ou méconnaissant les devoirs constitutionnels, ils peuvent aussi être en rapport direct avec les fonctions présidentielles et de nature pénale, on parle alors de la criminalité gouvernante lorsqu'ils sont accomplis dans l'exercice des fonctions, et ces actes relèvent de la Haute Cour. Quant aux actes détachables de la fonction présidentielle, ou sans lien avec elle, il peut s'agir des actes accomplis antérieurement ou postérieurement au mandat et relevant d'infractions pénales qui sont jugés par des tribunaux de droit commun, mais sont susceptibles de bénéficier d'une immunité pendant toute la durée du mandat présidentiel, le président serait alors jugé un mois après la fin de son mandat. S'agissant des actes sans rapport avec les fonctions présidentielles mais engageant la responsabilité civile du président, il sera jugé dans un tribunal de droit commun.

B. Le nouveau statut pénal du chef de l'État depuis la révision du 23 février 2007

        En juillet 2002, Jacques Chirac, alors président, a mis en place une commission qui était placée sous la présidence du Professeur Pierre Avril. La mission de cette commission était de réfléchir au statut pénal du chef de l'État. Un projet de loi constitutionnelle a été déposé en juillet 2003, et il reprend d'ailleurs dans les grandes lignes ce que proposait le projet Avril, mais cette loi n'a été adoptée qu'en février 2007. La réforme portait sur les articles 67 et 68 de la Constitution. Le président bénéficie d'une protection complète sur le plan pénal et civil pendant toute la durée de son mandat, à deux réserves près : l'article 53-2 de la Constitution concerne une éventuelle responsabilité pénale sur un plan international, c'est en fait en lien avec l'institution de la Cour Pénale Internationale qui permet de traduire les présidents et les premiers ministres pour d'éventuels crimes de guerre, et l' article 68 de la Constitution selon lequel le président peut être traduit devant la Haute Cour et éventuellement destitué pour manquement au devoir de sa charge constitue également une exception à cette inviolabilité présidentielle. On pense que le président doit pouvoir exercer pleinement et en toute indépendance sa fonction présidentielle, et qu'il s'agit de protéger non pas la personne mais le mandat de président. Cependant, cette protection cesse à la fin du mandat. En effet, à l'issue de son mandat, le président redevient un citoyen ordinaire, ce qui veut dire que les poursuites éventuelles peuvent reprendre un mois après la cessation de ses fonctions. Jacques Chirac a ainsi été renvoyé en 2010 devant le tribunal correctionnel pour les faits présumés d'emplois fictifs que nous avons évoqués précédemment. Il nous faut maintenant évoquer la responsabilité politico-pénale instituée à l'article 68. Il s'agit du cas où le président, durant son mandat, porte atteinte à la fonction. Avant la réforme de février 2007, la responsabilité du chef de l'État ne pouvait être engagée que pour haute trahison. Mais il fallait alors se demander ce que recouvrait ce terme de haute trahison ? Il y avait une connotation militaire, comme par exemple livrer des secrets aux forces ennemies mais aujourd'hui, étant donné la situation géopolitique de la France, ce n'est pas envisageable donc ce terme devient beaucoup plus large : on parle de violation sérieuse et grave de la Constitution par le président de la République. Selon cet ancien système, le président devait être mis en accusation par les deux chambres du Parlement et il était jugé par une instance qu'on appelait la Haute Cour de Justice qui était en fait une juridiction politiquement composée de 12 députés et sénateurs élus par leurs différentes assemblées. Il fallait que ces 12 députés et sénateurs reflètent les mouvements dans la chambre à laquelle ils appartenaient. Une commission d'instruction était formée de magistrats de la Cour de cassation, et le parquet était dirigé par le procureur général de la cour de cassation. En février 2007, on est revenu sur ce système et aux termes du nouvel article 68, « Le président ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour ». Mais alors, quel peut-être le motif de destitution du président ? Sur cette question, la Constitution ne dit pas grand chose, c'est à la Cour elle-même d'apprécier ce motif. Ce qui est certain, c'est que le texte constitutionnel est volontairement évasif pour envisager toutes les situations possibles. Il peut s'agir d'une violation très grave de la Constitution qui porterait éventuellement sur la sécurité ou l'intégrité du pays, mais il pourrait s'agir également d'un comportement actuel ou passé qui porterait gravement atteinte à la fonction présidentielle. La destitution du président entraine la vacance de la présidence de la République et suppose donc un intérim présidentiel et l'organisation de nouvelles élections. Ce système est assez similaire au mécanisme « d'impeachment » qui existe aux États-Unis, on est en effet dans une forme de responsabilisation du président avec un certain glissement d'une responsabilité qu'on souhaitait pénale au départ, mais qui devient de plus en plus politico-pénale.

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