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Etat d'urgence et Etat de droit

Dissertation : Etat d'urgence et Etat de droit. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  23 Octobre 2018  •  Dissertation  •  3 211 Mots (13 Pages)  •  2 827 Vues

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Dissertation :

Etat d’urgence et Etat de droit

Dès 1651 dans son Léviathan, Hobbes voyait en l’Etat un monstre chargé en premier lieu de faire régner l’ordre et la sécurité dans la société, les hommes étant foncièrement mauvais les uns pour les autres. Un siècle plus tard, Rousseau écrira dans Le Contrat social que si les hommes ont abandonné une partie de leur souveraineté à une identité supérieure, l’Etat, c’est avant tout pour que celui-ci se porte le garant de leurs libertés individuelles. Quel est finalement le plus important dans un Etat, la sécurité ou la liberté ? En 2018, la réponse est toujours aussi instable.

Notre système institutionnel contemporain est caractérisé par l’Etat de droit. Le Lexique des termes juridiques de Dalloz définit cette notion comme un « Etat dont l’ensemble des autorités politiques et administratives, centrales et locales, agit en se conformant effectivement aux règles de droit en vigueur et dans lequel tous les individus bénéficient également de libertés publiques et de garanties procédurales et juridictionnelles. » L’Etat de droit garantit les libertés fondamentales de ses citoyens ainsi que des moyens de recours en cas de violation de ces droits. De plus, en droit français, « l’Etat de droit s’incorpore techniquement dans le principe de légalité », autrement dit il faut respecter la hiérarchie des normes juridiques. Le règlement doit être conforme la loi, qui doit être conforme à la Constitution, qui doit elle-même respecter les normes internationales.

L’Etat d’urgence a quant à lui été instauré pour la première fois par la loi du 3 avril 1955 en réponse à la crise algérienne. Malgré le changement de Constitution et de République, cette loi, d’après une décision du Conseil Constitutionnel est toujours d’actualité : « […] n’a pas pour autant ôté au législateur la possibilité de prévoir l’Etat d’urgence pour sauvegarder les Libertés et l’ordre public. Ainsi la Constitution de la Vème république n’abroge pas la Loi du 3 avril 1955. » L’article 1 de cette loi prévoit que « L’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Le Conseil Constitutionnel s’est chargé, au fil de ses décisions, de définir l’ordre public comme recouvrant « le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique ». L’Etat d’urgence se traduit par un renforcement des pouvoirs de l’autorité administrative, notamment des pouvoirs de police, des restrictions de certaines libertés publiques ou individuelles pour des personnes considérés comme dangereuses ou au contraire menacées. Les mesures les plus sévères sont les assignations à résidence, la fermeture de certains lieux, l'interdiction de manifester et les perquisitions administratives. Mais il ne s’agit que d’un Etat d’exception qui ne peut s’appliquer que sur un temps court et déterminé.

« L’Etat d’urgence est là pour protéger nos libertés » expliquait l’ancien premier ministre Manuel Valls le 1er décembre 2015, soit un peu moins d’un mois après les attentats de Paris.  A contrario, Camille Blanc, ancienne présidente d’Amnesty International France, estime que « prolonger l’Etat d’urgence, c’est donner droit de cité à l’arbitraire ». C’est là tout l’intérêt du sujet puisqu’on se demande comment inscrire un Etat d’urgence liberticide dans un Etat de droit français, caractérisé par une vitale protection des droits fondamentaux des individus. Après un long chemin pour atteindre l’Etat de droit tel qu’il l’est aujourd’hui, l’Etat d’urgence ne serait-il pas un profond retour en arrière ? La question qui se pose est celle de la confrontation entre ordre public et libertés publiques.

Dès lors, il s’agit de se demander si l’Etat d’urgence établi par la loi du 3 avril 1955 répond aux exigences de respect des libertés fondamentales et du principe de légalité dans un Etat démocratique.

Pour répondre à cette question, nous verrons que l’Etat d’urgence peut en principe être concilié avec l’Etat de droit français par son caractère exceptionnel et garant de sécurité (I), avant de voir que sa pratique désormais continue menace les libertés fondamentales et le principe de légalité garantis par l’Etat démocratique (II).


I En théorie, un Etat d’urgence exceptionnel suivi et contrôlé par le juge administratif

        L’Etat d’urgence est une parenthèse dans la légalité qui vient garantir avant tout la sécurité publique (A), mais ce régime spécial doit surtout être contrôlé par le juge administratif pour éviter toute dérive (B).

A) L’Etat d’urgence, un régime d’exception garant de la sécurité publique

Hans Kelsen définit le terme d’Etat de droit comme un « État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s'en trouve limitée ». Cela signifie que l’Etat doit se soumettre aux mêmes règles que ses citoyens, il ne doit en aucun cas être au-dessus des lois. L’Etat de droit est aujourd’hui caractérisé par deux éléments primordiaux : le respect du principe de légalité d’une part et le respect des droits fondamentaux des individus de l’autre.

En effet, le principe de légalité implique que tout doit être inscrit dans la loi et que la hiérarchie des normes théorisée par Kelsen doit être respectée. Ainsi, un acte administratif ne peuvt être édicté qu’en respectant la loi et la Constitution, normes qui lui sont supérieures. De plus, ce principe suppose que l’administration agisse conformément aux buts que sont les siens, en particulier l’administration doit adapter ses actes à l’intérêt général. Il existe néanmoins des exceptions à ce principe de légalité, bien que la légalité dite d’exception reste tout de même une légalité. On parle finalement plutôt d’assouplissement ou de parenthèse dans la légalité. L’idée est que celle-ci peut être écartée temporairement dans l’unique but de rétablir l’ordre public. Les normes sont faites pour s’appliquer dans des circonstances normales, mais en cas de circonstances anormales, on admet des entorses à la légalité.

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