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Cour Cass, Civ 1, 4 juillet 1995

Commentaire d'arrêt : Cour Cass, Civ 1, 4 juillet 1995. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  19 Février 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  2 772 Mots (12 Pages)  •  3 299 Vues

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La quête d’un équilibre contractuel imprègne le droit des contrats. L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations n’a d’ailleurs pas manqué de mettre l’accent sur la lutte contre le déséquilibre contractuel. Cette recherche d’un équilibre peut cependant être relativisée lorsque l’on s’intéresse au contrat à titre onéreux, un constat s’impose : la recherche du juste prix n’est pas inexorable. Bien que certains mécanismes permettent de sanctionner le prix dérisoire ou illusoire, les parties gardent une marge de manœuvre importante pour déterminer la teneur de leur contrat. Pour cette raison, l’erreur sur la valeur n’entraine pas la nullité du contrat. Cet arrêt rendu par la première chambre civile le 4 juillet 1995 permet de revenir sur ces différents éléments.

Le 17 octobre 1989, un particulier, Monsieur X avait acquis auprès de la société Cartier, une bague en or composée d’un rubis et de 56 brillants. Une remise de 1556 francs lui fut accordée sur le prix de départ affiché à 101556 francs. Quelques mois plus tard, la société Cartier assigna monsieur X en nullité de la vente estimant n’avoir pas consenti à cette vente et le prix non sérieux.

La Cour d’Appel de Bastia, dans un arrêt en date du 4 mai 1993, débouta la société Cartier de ses prétentions, les parties étant tombées d’accord sur le prix de 101556 francs. Celle-ci forma alors un pourvoi en cassation.

A l’appui de son pourvoi, la société Cartier reprocha aux juges du fond d’avoir violé l’article 1131 du code civil en ayant énoncé que la différence entre le prix stipulé et le juste prix était sans effets sur la validité de la vente.

En outre, la société Cartier faisait valoir que l’erreur sur la valeur n’affecte pas la validité des contrats et reprocha aux juges du fond d’avoir violé l’article 1110 du code civil.

La question posée à la cour de cassation était donc la suivante : Le vendeur, d’une part ayant commis une erreur d’étiquetage peut-il obtenir la nullité de la vente pour absence de cause ?

La première chambre civile de la Cour de Cassation répond par la négative dans un arrêt du 4 juillet 1995. Plus précisément, la juridiction du quai de l’horloge met l’accent sur le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fonds qui avaient légitimement pu déduire que le prix payé par Monsieur X « n’apparaissait nullement dérisoire » et que, dès lors « même si la valeur réelle du bijou était supérieure au prix demandé, la vente n’était pas nulle pour absence de cause ». Dis autrement, une faible contrepartie ne peut suffire à justifier l’annulation d’un contrat de vente, le vendeur devant supporter le risque de l’étiquetage. Partant, le pourvoi est rejeté.

Ainsi, la Cour de Cassation réaffirme que la nullité du contrat à titre onéreux, pour contrepartie illusoire et dérisoire, ne peut être obtenue qu’en présence d’un déséquilibre excessif (II) et laisse également transparaitre que l’erreur d’étiquetage ne saurait justifier l’annulation du contrat. (I)

  1. L’absence de nullité pour erreur en raison d’une erreur d’étiquetage

L’arrêt permet de rappeler que l’erreur sur la valeur ne permet pas de justifier l’annulation d’une convention. (A) Les juges de Cassation ne se prononcent cependant pas directement sur l’erreur sur la valeur invoquée par le demandeur, de sorte que l’on peut s’interroger quant à la qualification de l’erreur d’étiquetage. (B)

  1. Le classicisme de l’indifférence de l’erreur sur la valeur

Suite à une erreur d’étiquetage, la société Cartier a cédé à Monsieur X une bague pour la somme de 100000 francs. Le prix réel du bijou étant de 460419, la société Cartier argua d’une erreur d’étiquetage et demanda la nullité de la vente. L’un des arguments de la société Cartier se fondait sur une appréciation erronée des juges du fond de l’article 1110 du code civil. Le demandeur au pourvoi soutenait, en effet, que l’erreur sur la valeur « ne constitue pas une cause de nullité des conventions «, fondement retenu par les juges corses.

Le demandeur se fondait sur une solution classique. L’article 1110 ancien du code civil enferme la notion d’erreur dans un champ d’application relativement restrictif. Il en résulte que de nombreux types d’erreurs s’avèrent indifférentes et, en cas de litige, ne sauraient entrainer la nullité du contrat. Ainsi, en est-il de l’erreur sur la valeur.

L’erreur sur la valeur peut se définir comme une mauvaise évaluation économique du bien, objet du contrat de vente. Or, Il est de jurisprudence constante que l’erreur sur la valeur ne permet pas aux parties qui auraient mal évalué la valeur d’un bien d’obtenir la nullité de la convention. (En ce sens, cass.com 26 mars 1974, n°7214791 ; cass.civ.3ème ch. 31 mars 2005, n° 03-20096). La justification de cette indifférence à l’erreur sur la valeur est qu’une telle erreur se confond avec un autre mécanisme du droit des obligations : la lésion. Celle-ci constitue un préjudice résultant de la différence de valeur entre les prestations d’un contrat synallagmatique. Or, la lésion, tend au regard des dispositions issues de l’ordonnance du 10 février 2016 que les dispositions anciennes fait l’objet d’une application particulièrement rigoureuse et ne peut être invoquée qu’exceptionnellement à l’égard de certaines personnes ou de certains types de contrats. De facto, admettre la nullité sur le fondement de l’erreur sur la valeur, reviendrait à généraliser le concept de la lésion. Le moyen de la société Cartier semble donc, de prime abord, tout à fait cohérent au regard de la jurisprudence et des dispositions du Code Civil, le législateur ayant entériné ces solutions en 2016.

En effet, l’article 1136 du Code Civil dispose désormais que « l’erreur sur la valeur, par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité ».

Cela étant, il convient de constater que la haute juridiction ne s’est pas prononcée sur ce moyen. Outre que cet argument ne permettait pas à la société Cartier d’obtenir la nullité de la vente de la bague en or litigieuse, il parait intéressant de se demander si les juges du fond n’ont pas procédé à une qualification erronée de l’erreur.

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