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Commentaire de l'arrêt d'assemblée du conseil d'etat 3 juillet 1996 Kone

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Par   •  19 Avril 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  1 691 Mots (7 Pages)  •  524 Vues

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Le contenu du principe de légalité se traduit par la construction de la pyramide des normes juridiques. L'architecture en est complexe et, aujourd'hui, les architectes multiples, notamment dans la découverte, la création, la délimitation du contenu de normes prétoriennes, non écrites. Dans quelle mesure le Conseil d'Etat peut-il découvrir un principe fondamental ? Le problème est évoqué dans cet arrêt d'Assemblée du 3 juillet 1996, Koné : le désarroi ordinaire d'un étranger, Monsieur Koné, ayant commis des délits dans son pays et atteint par un décret d'extradition qu'il prétend fondé sur un motif politique, a donné naissance à un arrêt très audacieux par sa capacité créatrice.

En l'espèce, Monsieur Koné, ressortissant malien, est l'objet d'un décret d'extradition en raison de poursuites pénales exercées contre lui au Mali, pour complicité d'atteintes aux biens publics et enrichissement illicite provenant de trafics frauduleux concernant des hydrocarbures.

Afin d'éviter l'extradition, il soutient que ses liens amicaux avec la famille de l'ancien Président malien déchu font qu'en réalité, cette extradition est demandée par vengeance du nouveau Gouvernement contre le précédent, dans un but politique, ce qui entacherait le décret d'extradition d'illégalité. Quelle a été la procédure suivie ?

Monsieur Koné introduit un recours pour excès de pouvoir contre le décret d'extradition, à l'égard duquel le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort, puisqu'il s'agit d'un décret. La solennité de la décision rendue est révélée par la formation d'Assemblée dans laquelle le Conseil d'Etat rend son arrêt. L'étude de celui-ci révèle qu'au sein du contrôle externe et interne de la légalité de l'acte, émerge un problème essentiel : le Conseil d'Etat peut-il soumettre l'application d'une convention internationale, supérieure à la loi, à une norme de droit interne que cette convention ne respecte pas expressément, c'est-à-dire au principe de non extradition prévu à l'article 5 de la loi française de 1927 sur l'extradition, mais non affirmé expressément dans la convention franco-malienne de 1962 ?

Le Conseil d'Etat apporte une réponse positive au problème, en soumettant la convention internationale à un principe fondamental reconnu par les lois de la République, qu'il crée comme norme de droit positif pour les besoins de la cause, le principe selon lequel l'Etat doit refuser l'extradition d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique. Monsieur Koné est admis à en revendiquer le respect, même si l'arrêt ne lui épargne pas, en définitive, l'extradition.

Incontestablement, l'arrêt est audacieux et a suscité d'abondants commentaires doctrinaux. Il traduit la découverte par le Conseil d'Etat d'une nouvelle norme de valeur constitutionnelle, et l'intégration dans l'ordre juridique d'un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République (I). Sans doute cette jurisprudence audacieuse constitue-t-elle un progrès du droit de l'extradition, au profit des étrangers comme Monsieur Koné. Mais l'intrusion de cet arrêt dans le domaine normatif du Conseil constitutionnel est au-delà de l'affaire Koné, source de tensions et d'incertitudes (II).

I - L'audace de l'arrêt Koné : l'affirmation d'un principe fondamental à valeur constitutionnelle

Dans ses premiers considérants, le Conseil d'Etat rejette les moyens soulevés par Monsieur Koné concernant la légalité externe de l'acte, et visant deux erreurs matérielles. Après avoir constaté qu'il n'encourait pas la peine capitale, l'extradition étant alors refusée dans ce cas depuis l'arrêt Fidan du 27 février 1987, le Conseil s'attache exclusivement au moyen tiré de la violation de la pyramide normative : l'accord franco-malien doit respecter, non la loi de 1927 inférieure dans la hiérarchie, mais le principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon lequel l'Etat doit refuser l'extradition d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique (A). C'est dans cette formule que réside l'intérêt de l'arrêt, et sa logique normative (B).

A - L'expression d'un principe fondamental nouveau, supérieur à une convention internationale

Depuis la décision du Conseil constitutionnel du 16 février 1971, Liberté d'association, on sait que les principes fondamentaux ont valeur constitutionnelle. Le Conseil d'Etat l'avait déjà décidé dans un arrêt du 11 juillet 1956, Amicale des Annamites de Paris, concernant déjà la liberté d'association, avant l'existence du Conseil constitutionnel. Le Conseil d'Etat avait déjà appliqué des principes fondamentaux découverts par le Conseil constitutionnel dans un arrêt du 29 avril 1994, Haut Commissaire de la République en Nouvelle Calédonie, et suggéré la création d'un tel principe en formation consultative, par un avis rendu en Assemblée générale le 9 novembre 1995.

L'intérêt de l'arrêt Koné, c'est que pour la première fois en Assemblée du contentieux, le Conseil d'Etat ose, sous la V° République, découvrir un nouveau principe fondamental à valeur constitutionnelle. Cette audace paraissait trop forte au commissaire du gouvernement, Monsieur Delarue, qui, dans ses conclusions, suggérait de créer simplement un nouveau principe général du droit. Mais, norme infra-législative, un tel principe ne pouvait s'imposer à un accord international, de valeur supra-législative selon l'article 55 de la Constitution. Le Conseil d'Etat a donc choisi de créer un principe fondamental.

B - La logique normative de l'arrêt

Elle est évidente, comme on vient de le voir. Sans doute le Conseil d'Etat a-t-il créé auparavant les principes généraux du droit de l'extradition

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