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Commentaire de l'arrêt CJUE, 24 octobre 2018, XC aff. C-234/17

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Par   •  29 Janvier 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  3 575 Mots (15 Pages)  •  1 249 Vues

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TD Contentieux de l'Union européenne

L'autonomie procédurale et les principes d'effectivité et d'équivalence

Commentaire de l'arrêt CJUE, 24 octobre 2018, XC aff. C-234/17

        Par un arrêt rendu le 24 octobre 2018 – XC affaire C-234/17 –, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a eu l'occasion de s'exprimer sur la signification et la teneur de l'autonomie procédurale et plus plus particulièrement sur les principes d'équivalence et d'effectivité.

Des ressortissants autrichiens sont soupçonnés de soustraction d'impôt sur le fondement de la loi suisse relative à la taxe sur la valeur ajoutée et d'autres infractions pénales en Suisse.

En 2012, le parquet du canton de Saint-Gall a, d'une part ouvert une enquête contre ces ressortissants autrichiens portant sur ces éventuels faits de soustraction d'impôt et, d'autre part saisi les autorités autrichiennes de demandes d'entraide judiciaire en matière pénale visant à l'audition des prévenus autrichiens et ce, en application de l'article 50, paragraphe 1, de la Convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 (CAAS).

Plusieurs recours ont été introduits par les intéressés autrichiens pour contester l'organisation des auditions. Ils se fondent notamment sur l'article 54 de la CAAS qui consacre le principe de non bis in idem, qui fait obstacle à de nouvelles poursuites puisqu'ils arguent l'existence de procédurales pénales clôturées en Allemagne et au Liechtenstein au cours des années 2001 et 2012. Le 09 octobre 2015, le tribunal régional supérieur d'Innsbruck en Autriche, statuant en dernière instance, a infirmé leurs recours au motif qu'il n'y avait pas violation de l'article 54 de la CAAS.

Bien que cette décision soit devenue définitive, les intéressés ont saisi la Cour suprême autrichienne d'une demande de répétition de la procédure pénale sur le fondement de l'article 363a du code de procédure pénale au motif que l'accueil des demandes d'entraide judiciaire méconnaissait non seulement des droits consacrés dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de 1950 (CEDH) mais aussi de la CAAS et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (notamment son article 50).

La Cour suprême autrichienne, saisie de ce litige, sursoit à statuer et pose une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

La Cour a à se prononcer sur l'interprétation de l'article 4, paragraphe 3, du Traité de l'Union européenne qui consacre le principe de coopération loyale ainsi que sur les principes d'équivalence et d'effectivité.

Autrement dit, la juridiction de renvoi demande si le droit de l'Union, et plus particulièrement les principes d'équivalence et d'effectivité, doit être interprété en ce sens qu'il contraint le juge national à apprécier l'existence d'une violation du droit de l'Union, notamment celle d'une atteinte au principe non bis in idem consacré à l'article 50 de la Charte et à l'article 54 de la CAAS, alors que le droit national (article 363a du code de procédure pénale autrichien) ne prévoit un tel contrôle que pour les éventuelles violations de la CEDH.

La Cour répond en avançant que les principes d'effectivité et d'équivalence doivent être interprétés de telle manière qu'ils n'imposent pas à un juge national « d'étendre aux violations du droit de l'Union, [...]une voie de recours de droit interne permettant d'obtenir, uniquement en cas de violation de la CEDH ou de l'un de ses protocoles, la répétition d'une procédure pénale clôturée par une décision nationale passée en force de chose jugée » (point n°59 de l'arrêt étudié).

L'intérêt de l'arrêt ne se trouve pas dans la question de la recevabilité de la question préjudicielle, il conviendra alors d'exclure cette dernière de l'analyse. En revanche, il découle du rappel des faits, de la procédure et de la solution donnée par la CJUE que l'étude de cet arrêt est intéressante en ce qui concerne divers principes du droit de l'Union. En effet, le juge européen fait appel à plusieurs principes découlant de la coopération loyale : autonomie procédurale, principe d'effectivité et principe d'équivalence. Les procédures nationales n'étant pas harmonisées au niveau européen, le rôle de la CJUE est crucial lorsqu'elle est saisi d'un renvoi préjudiciel relatif à l'autonomie procédurale d'un Etat membre. Certes, le juge national est juge de droit commun du contentieux de l'Union européenne et il dispose de cette autonomie mais elle est limitée par des principes ayant pour objectif d'assurer que les justiciables disposent des droits découlant du droit de l'Union.

Le raisonnement de la CJUE dans l'arrêt à l'étude permet de comprendre tant les enjeux que les limites de cette autonomie procédurale et il convient donc de se poser la question suivante :

Comment la Cour de justice de l'Union européenne apprécie-t-elle la portée de l'autonomie procédurale des États membres et plus particulièrement des principes d'équivalence et d'effectivité tout en garantissant les droits des justiciables qu'ils tirent du droit de l'Union ?

Pour garantir les droits de l'Union européenne dont bénéficient les justiciables, la CJUE réalise une approche particulièrement casuistique lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle concernant l'autonomie procédurale et les principes qui l'encadrent, lui permettant ainsi d'assurer le principe de coopération loyale  (I) mais aussi, de prendre en compte d'autres principes essentiels du droit de l'Union comme par exemple l'autorité de la chose jugée (II).

  1. La protection juridictionnelle de la coopération loyale face à l’autonomie procédurale

La coopération loyale est un principe essentiel du droit de l'Union européenne permettant notamment d'assurer l'effectivité des droits que tirent les justiciables du droit de l'Union européenne . La jurisprudence de la CJUE est alors venu encadrer l'autonomie procédurale des États membres (A) avant d'apprécier au par cas les conditions de cet encadrement et notamment l'exigence de recours similaires (B).

A/ L'encadrement prétorien de l'autonomie procédurale au profit des droits des justiciables

        Dans l'arrêt étudié, la Cour de justice de l'Union rappelle, en son point n°22, un principe bien ancré dans le droit de l'Union, à savoir le principe de coopération loyale. Ce dernier est consacré à l'article 4, paragraphe 3, du Traité sur l'Union européenne qui dispose qu'« en vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États membres se respectent et s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant des traités ». Autrement dit, ce principe signifie en substance que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer leurs obligations découlant du droit de l'Union européenne et qu'ils ne doivent donc, à l'inverse, prendre aucune mesure susceptible de dénaturer ce droit et ses objectifs. La jurisprudence de la CJUE est très souvent revenue sur ce principe. Ainsi,  dès l'arrêt Commission c/ Grèce rendu par la CJCE le 21 septembre 1989, il a été avancé que l'article 10 du traité CE (à l'époque) imposait aux États membres de prendre toutes les mesures nécessaires propre à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire. Cette obligation s'impose à tous les organes des États membres, y compris les juridictions (CJCE CEZ 27 octobre 2009). En ce sens, les autorités françaises ont par exemple été condamnées pour ne pas être intervenues en matière de libre circulation des marchandises  (CJCE Guerre des fraises 09/12/97).

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