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Commentaire d’arrêt : Civ. 1ère, 21 octobre 2020, n° pourvoi 19-15.415

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Par   •  1 Mars 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  2 367 Mots (10 Pages)  •  1 296 Vues

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Commentaire d’arrêt : Civ. 1ère, 21 octobre 2020, n° pourvoi 19-15.415

        Le marché de l’art se présente depuis de longues années comme le théâtre de la théorie de l’erreur. Ainsi, il est le lieu où se forme de nombreuses jurisprudences relatives à l’un des trois faits pouvant potentiellement vicier le consentement. En effet, le juriste -presque par réflexe- considère Poussin ou Fragonard pour des arrêts de la Haute juridiction française avant de les voir comme des peintres.

        Par ailleurs, l’erreur est un des éléments du droit commun difficile à cerner et à définir en raison de son double sens : elle est une notion courante ainsi qu’une notion juridique. La doctrine la définit comme une représentation inexacte de la réalité, le contractant croit vrai ce qui est faux ou croit faux ce qui est vrai et s’engage dans les liens du contrat en considération d’éléments erronés. Cependant, l’appréciation de la réalité, qui est l’élément de référence pour apprécier l’erreur, est en général complexe à cerner et à mener à de nombreuses décisions de justice.

L’arrêt de rejet rendu le 21 octobre 2020 par la Première Chambre Civile de la Cour de cassation témoigne de cette difficulté. La Haute juridiction s’est prononcée sur l’annulation d’une vente pour erreur sur les qualités substantielles d’une œuvre. En l’espèce, M. L. acquis une “table Compas de Jean Prouvé” à l’occasion d’une vente aux enchères, pour la somme de 80 000 euros. Ensuite, pour la raison que le catalogue de la vente aux enchères mentionnait que le plateau de la table Jean Prouvé était en chêne massif, alors que ce dernier était en bois plaqué de chêne ; M. L. demande l’annulation de la vente. La société Damien Leclère choisit alors d’assigner l’acquéreur pour le paiement de différentes sommes au titres des acquisitions réalisées et de dommages et intérêts.

La Cour de cassation s’est déjà prononcée sur cette affaire dans un arrêt de cassation rendu le 10 décembre 2014 : elle renvoie alors l’affaire devant la Cour d’Appel compétente. Ainsi, la Cour d’Appel de Versailles rend un arrêt le 21 février 2019 dans lequel il rejette la demande d’annulation de la vente de M. L.. Ce dernier forme alors un pourvoi en cassation.  

La juridiction suprême doit répondre à la question de droit suivante : des éléments constituant un objet et arrivant à la connaissance de l’acquéreur, après cette vente, peuvent-ils être utilisés pour reconnaître une erreur imputable au vendeur afin d’entraîner la nullité de la vente?

La Cour de cassation rejette le pourvoi car les moyens ne sont, selon elle, pas fondés. Nous allons dans cette analyse chercher à reconstituer son raisonnement juridique en abordant dans une première partie la source de l’erreur substantielle (I). Ensuite, nous analyserons l’appréciation de l’erreur qui se forme selon la jurisprudence changeante (II).

        

  1. La source de l’erreur substantielle

        L’acquéreur invoque une erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue afin de demander l’annulation de la vente. Nous verrons ainsi dans un premier temps l’approche subjective de l’erreur  substantielle (A) et dans un second temps nous présenterons son caractère déterminant (B).

  1. Le rappel de l’approche subjective de l’erreur substantielle

        L’erreur est une représentation inexacte de la réalité : elle revient à croire vrai ce qui est faux, à croire faux ce qui est vrai. Il y a donc une contradiction de la part d’un des contractant sur sa croyance et sur la réalité. Le consentement donné par ce dernier est donc en général donné accidentellement en raison d’éléments oubliés, omis ou mal interprétés. Par ailleurs, le Code civil encadre cette erreur éventuelle grâce à son ancien article 1110. Dans celui-ci, l’acquéreur peut invoquer la nullité de la vente pour vice de son consentement. Cependant, cet article régit des conditions pour que l’erreur invoquée soit admise pour cause de nullité et soit potentiellement sanctionnée : “l’erreur est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet”. La jurisprudence découlant de cet article a également restreint la sphère des erreurs pouvant entraîner la nullité du contrat afin de sécuriser la liberté contractuelle. Ainsi, en vertu de l’article 1100 alinéa 2 du Code civil pour qu’elle soit admise pour cause de nullité, l’erreur doit porter sur la personne du contractant dans le cadre d’un contrat conclu intuitu personae, c’est-à-dire dans les contrats conclus en considération de la personne du cocontractant.

        Dans un premier temps, une conception objective de la substance de la chose était érigée par l’interprétation des juges. La substance est alors considérée comme la matière dont est faite la chose. Pour pouvoir être sanctionnée, l’erreur sur la substance est donc une erreur sur la chose qui se détermine comme objet de l’obligation d’un des contractants. Cependant, cette conception objective a l’inconvénient d’être trop étroite car elle perçoit l’erreur substantielle seulement comme une erreur sur la matière qui constitue la chose.

        Dans un second temps, la jurisprudence dépasse cette précédente conception en introduisant la conception subjective de la notion de substance. La substance correspond alors aux qualités substantielles de la chose. Il s’agit donc des qualités de la chose qui ont déterminé la volonté de l’errans, sans lesquelles il n’aurait pas contracté. Ainsi, l’erreur sur la substance est aujourd’hui l’erreur qui porte sur la matière qui constitue la chose mais aussi comme l’erreur ayant trait à ses qualités substantielles.

        En l’espèce, M. L., invoque dans cet arrêt la conception subjective de l’erreur substantielle. En effet, on le remarque ici avec “l’erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue”. Il évoque une erreur sur le bois constituant le plateau de la table. Cette erreur est supposée “entraîner l’annulation de la vente”. De plus, il nous est indiqué dans la présente décision que les qualités substantielles sont celles qui ont déterminé l’acheteur à acquérir la chose.

        Ainsi, si nous nous en tenons à cette conception de l’erreur substantielle, M. L. devrait voir sa demande d’annulation de la vente acceptée. Cependant, conformément à cette approche, pour emporter l’annulation d’un contrat, l’erreur doit avoir été déterminante du consentement de l’acheteur (B).

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